Tnba : le Pinocchio de Pommerat, fini la langue de bois, vive la langue des signes!


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Tnba : le Pinocchio de Pommerat, fini la langue de bois, vive la langue des signes!

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 22/05/2008 PAR Joël AUBERT

Traduite, en direct, dans la langue des signes, cette pièce en forme de partition sonore, sensorielle et visuelle, a su ravir une assemblée jeune et moins jeune. Un véritable service rendu au public sur le plan opérationnel et artistique car dans le fond, chacun devrait avoir un jour la chance d’assister à du « Joël Pommerat. »

Un Pinocchio retaillé au goût du jour

On aime ou l’on n’aime pas, mais on ne peut rester de glace. Aujourd’hui devenu une référence dans le milieu du théâtre contemporain, Joël Pommerat fascine autant qu’il dérange. Sa découpe de la scène, son jeu de lumière, le mouvement de ses comédiens, les thématiques développées fondent son identité et transforment son art en un élément immédiatement reconnaissable et totalement singulier. Habitué de la région bordelaise, on se souvient de ses créations pour adulte « Cet enfant », « Les marchands », et du très beau « Petit Chaperon Rouge », création jeune public. Sans compromis, mais jamais gratuites, on se doute à la lueur de ses précédentes pièces que la réécriture du conte de Carlo Collodi allait se faire dans une ambiance plus proche de C.Dickens que de W.Disney. S’appuyant sur les aventures peu réjouissantes du fameux pantin de bois, l’œil du metteur en scène ne pouvait qu’y déceler une nouvelle manière d’aborder les rivages austères et réalistes de la misère économique, à travers l’exemple de cette microcellule familiale. Une pauvreté symptomatique d’un pan de la société que le petit Pinocchio ne pourra supporter, envahi par le sentiment d’injustice et de révolte face à sa condition. Entre moments abrupts et évasion fantasmagorique, Pommerat explore les sujets qui lui sont chers, forçant à nouveau la stupéfaction, la réflexion et l’admiration. Du périple originel de Pinocchio, on retrouvera les épreuves adaptées à la réalité contemporaine. Du naïf bout de bois découvrant la vie, on découvrira une petite femme à la langue bien pendue et pervertie par la société de consommation. La vérité, avant tout, nous clame le conteur dès le début du spectacle, annonçant en préambule que l’histoire sera extraordinaire mais jamais ne mentira !

Une mise en scène d’une rare élégance
Extraordinaire, c’est peut-être le terme adéquat pour parler de ce spectacle jeune public. Parcourue de bout en bout de moments de grâce, la petite heure de spectacle passe bien vite aux yeux de l’assistance éberluée. Cette finesse et ce talent que le jeune quadragénaire sait si bien exploiter sur une scène, il semble qu’il leur ait intimement ordonné d’être présents à chaque minute de la représentation. Usant comme à chaque fois avec justesse du noir pour fondre les scènes les unes après les autres, chaque ré-éclairage est un instant supplémentaire d’émerveillement au cours desquels les jeux de lumière, la bande sonore, le texte et la mise en scène s’entremêlent pour provoquer ce qui se fait de plus beau au théâtre : l’adéquation du fond et de la forme.Quel soulagement de constater que certains artistes parviennent encore à nous toucher, investissant chaque pan d’un spectacle pour en tirer le meilleur possible. En vrac et dans le désordre, on garde en tête les images du naufrage de Pinocchio (scène dans laquelle la mer déboule avec fracas sur le plateau), la robe vertigineuse de la fée, les stroboscopes du club de variété, le champ des miracles et la lueur perçant les feuillages des arbres, les hommes à tête d’animaux…Le texte également, qui tient lieu d’exemplarité dans sa forme savamment réactualisée, ni trop branchée, ni trop mièvre, juste subtil et frais, apostropheur sans être moralisateur. Nous voilàbien loin des pirouettes de Oui Oui et de la fête à Neu-Neu. Ici l’enfant peut réfléchir, souffrir, avoir peur ou rire en profitant d’un vrai moment de théâtre. Un moment où le quatrième mur se dissout pour laisser place à l’imagination et l’interrogation. Et que dire du ravissement des adultes, surpris par cette esthétique plastique proprement intemporelle, l’énorme travail de mise en lumière et les prouesses techniques. Décidément on pensait avoir vu le plus beau et c’est à chaque fois une nouvelle gifle théâtrale que nous met Joël Pommerat. En cherchant incessamment à nous montrer sa vérité, il nous expose à un autre constat artistique évident et pourtant…

Il y a les artistes brillants et il y ales autres.

Hélène Fiszpan

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