Deux milliards d’euros. C’est le montant global du contrat de projet partenarial d’aménagement Bordeaux Inno Campus, signé ce lundi 20 janvier par la métropole, l’État et de nombreux acteurs institutionnels, au premier rang desquels les maires des communes concernées par cette vaste opération dont celui de Pessac, Franck Raynal. « Cela souligne la mesure de ce que nous sommes en train de faire. C’est un contrat qui n’est pas figé et qui court sur dix ou quinze ans, que nos successeurs feront vivre en fonction des projets », a commenté ce dernier. « C’est un contrat de dialogue, même si chacun a ses ambitions et ses projets. Le but de la signature de ce PPA, c’est une gouvernance partagée », a souligné le maire du Bouscat et président de Bordeaux Métropole, Patrick Bobet. L’opération est en effet vaste : 1500 hectares répartis sur cinq communes (Bordeaux, Mérignac, Pessac, Talence et Gradignan) de la métropole, sans compter la commune de Canéjan, et une feuille de route conduisant une politique globale jusqu’en 2035.
(D)évolution
En relisant le contrat dans le détail (45 pages), on peut y revoir la naissance de BIC (Bordeaux Inno Campus) en 2016 et son objectif initial : la création de 10 000 emplois nets. Pour arriver à ces chiffres, l’opération se base sur un certain nombre de projets dits « structurants ». Le premier est logiquement situé sur le campus et vient s’ajouter à l’Opération Campus sur Carreire (Pessac, Talence et Gradignan), dans un contexte où l’Université de Bordeaux a signé sa dévolution en 2019 pour devenir propriétaire de son patrimoine et où Bordeaux Montaigne s’apprête prochainement à faire la même chose. À l’intérieur d’un « schéma directeur immobilier » sur vingt ans, l’Université envisage donc de dégager des « recettes foncières et immobilières » de 320 millions d’euros. Elles passeront par la construction de 420 000 mètres carrés de logements (dont la moitié seront destinés aux étudiants et aux chercheurs) et d’immobilier d’entreprise et 10 000 mètres carrés de « locaux d’enseignement supérieur ».
Au moment de savoir dans quelle mesure le fait que l’Université soit propriétaire de ses bâtiments change la donne lorsqu’il s’agit d’évoquer les ambitions d’Inno Campus, les voix sont unanimes. Pour Hélène Velasco-Graciet, présidente de l’Université Bordeaux Montaigne, « la dévolution nous permet aussi de travailler à la valorisation de notre foncier. La perspective de Bordeaux Montaigne, c’est aussi de développer nos missions d’enseignement et de recherche par le lien avec le monde socio-économique, notamment à travers les industries créatives. Nous sommes, par exemple, en train de créer un master autour de l’illustration, avec l’objectif de mettre en place un incubateur, on peut permettre aux étudiants de monter des entreprises ». L’objectif semble partagé avec Manuel Tunon de Lara, président de l’Université de Bordeaux, pour qui « les démarches de valorisation et les compétences de l’Université se multiplient, qu’il s’agisse d’installation d’entreprises ou de construction de logements, notamment étudiants, qui sont une vraie préoccupation pour nous tout en essayant de maintenir la densité du campus qui emménage certains équilibres. Un certain nombre d’entreprises peuvent bénéficier de ce tissu de recherche et accueillir des étudiants plus directement. C’est l’un des objectifs qu’on souhaite atteindre à court termes, on en est aux actes notariés ». Parmi les entreprises ayant vocation à être accueillies sur le campus, des thématiques se dégagent, comme le précise le maire de Pessac : « »la santé, le laser et l’optique parfois relié et le développement numérique. L’innovation environnementale est aussi en plein développement ».
Logement et économie
Mais ces deux institutions ne sont pas les seules à être concernées par Inno Campus. On peut ainsi lire que le Crous, l’Ensap (École nationale supérieure d’architecture et de paysage » ou BSA (Bordeaux Sciences Agro) « envisagent de rénover et développer leur site ». Le CHU, de son côté, a chiffré un plan d’investissements de 500 millions d’euros d’ici 2030 : transfert des urgences de Saint-André vers Pellegrin et Haut-Lévêque, regroupement des écoles d’infirmiers sur le site de Xavier Arnozan « rationalisation » du stationnement et « valorisation de certaines empreintes foncières » sont notamment au programme. Côté logements, le renouvellement urbain du quartier Saige à Pessac par Domofrance pèse, à elle seule, 167 millions d’euros. La Fab, elle, sera chargé de construire 330 nouveaux logements au Pontet. Ces nouvelles constructions ne se feront pas sur fonds propres des bailleurs, comme le précise le contrat lui-même : « Le Crous souligne que le développement d’une offre de logement étudiant à loyer abordable repose sur un modèle économique fondé sur la mise à disposition d’un foncier gratuit et un financement sous forme de subventions de l’ordre de 15 à 20% du coût total de l’opération. En l’absence de foncier gratuit, la recherche de subventions publiques complémentaires est indispensable ». Toujours côté logements, les objectif sont là aussi quantifiés : 35% de logements sociaux, 20% en accession à prix maîtrisés et 45% en « logement libre ». Avec 2900 logements prévus, les étudiants constituent donc, derrière le volet « logement libre étudiant et familial » avec 4100 logements, l’essentiel de l’assiette. Avec 8800 logements conventionnés sur la métropole (7500 sont gérés par le Crous dont 5000 sur le campus de Pessac-Talence-Gradignan), le but de l’opération est de « produire au moins 1200 logements conventionnés pour rattraper le déficit et au moins 2000 de plus pour répondre aux besoins nouveaux pour dépasser le ratio national de référence d’un logement conventionné pour dix étudiants ». En sachant que l’effectif étudiant sur le campus métropolitain continue d’augmenter chaque année (actuellement, l’effectif étudiant représente 13% de la population métropolitaine), le retard est donc très net, et l’opération BIC pourrait absorber une grande partie de ces nouvelles constructions.
Sur le volet économique, la création nette d’emplois a été quantifiée par catégories et par type d’immobilier d’entreprise nécessaire : l’essentiel des emplois sera situé dans des bureaux (6800 emplois) mais la plus grande surface occupée par des PME et PMI (250 000 mètres carrés, 2500 emplois). L’hôtellerie et l’hébergement temporaire (350 emplois), les commerces et services (250 emplois) et la « logistique et les services urbains » (100 emplois) se partageront le reste. « Même si la plus grande partie des emplois, notamment industriels, sera créée dans l’extra-rocade, l’intra-rocade sera aussi concernée, notamment dans le Campus Pessac-Talence-Gradignan et dans le quartier de Saige. Les flux logistiques devront être pris en compte », précise ainsi le PPA. En extra-rocade, Bordeaux Métropole a ainsi récemment signé une opération d’aménagement actant le développement de 480 000 mètres carrés d’immobilier d’entreprise et de 850 logements sur un périmètre total de 553 hectares (190 millions d’euros).
Transports et patrimoine
Le document comporte aussi un important volet dédié aux transports, dont les actions essentielles sont listées. Par exemple, une nouvelle liaison Pellegrin-Thouars-Malartic permettrait, sur le même tracé que la liane 8, de relier trois sites de l’Université : Carreire, Haut-Carré et Arts et Métiers (où serait implanté un nouveau pôle multimodal) avec les grands sites du CHU de Bordeaux. La concertation est en cours pour une mise en service prévue entre 2025 et 2027, le choix du tracé devrait se faire cette année. On peut également citer une nouvelle branche du tram B pour relier le campus et le centre-ville de Gradignan (même délais), un nouveau bus reliant Le Haillan à Gradignan en passant par la Cité de la Photonique (prolongement sur Gradignan envisagé entre 2025 et 2030), la mise à deux fois trois voies de l’A63 « pouvant conduire à la mise en place d’un péage », la création d’un barreau routier à Canéjan pour relier le site de La Briqueterie (convention prévue pour 2020), « assurer les continuités cyclables entre les barrières de Bordeaux et le campus (2021-2024) ou encore le projet de RER métropolitain, notamment la réouverture de la gare de Talence-Médoquine dont la métropole finance les études techniques. Le PPA indique d’ailleurs que « toute mesure favorisant un report modal au profit des transports publics et des modalités douces est donc, sinon un préalable, du moins une nécessité pour assurer un développement harmonieux du territoire. Il faut y ajouter un besoin de désenclavement relatif du territoire, en assurant de meilleures dessertes nord-sud et avec les deux pôles majeurs de la métropole que sont l’aéroport et la gare Saint-Jean ». Autrement dit : Inno Campus ne se fera pas sans améliorer la desserte.
En continuant de décortiquer le contrat, on note quelques-unes des « actions permettant le développement territorial » listées dans le contrat partenarial : élargir le champ du comité stratégique et le remplacer par un « conseil d’orientation et d’innovation de BIC » auquel seraient ajoutés « d’autres acteurs de l’innovation » en plus des signataires; « constituer un réseau des acteurs de la santé : envisager une toile numérique partenariale » à l’horizon 2021, « créer un réseau de lieux labellisés d’interface » (deux sites baptisés Bic Box, qui serviront de « lieux d’interface » entre Inno Campus et les usagers); ou encore la valorisation du patrimoine de l’OIM (Opération d’Intérêt Métropolitain, autre titre d’Inno Campus). Cette dernière passerait notamment par un « guide du patrimoine bâti et naturel », une plaquette de recensement patrimonial, la création de nouveaux itinéraires piétonniers et cyclables ou encore la création de portes ouvertes à l’occasion des journées du patrimoine, le tout dès cette année. La durée du PPA est fixée à quinze ans avec une première période d’évaluation au bout de trois ans, puis « à minima tous les six ans » ensuite. Juste avant la page des signatures, le document conclue : « l’année 2020 sera consacrée à la mise en place des instances, à la réalisation des études techniques qui serviront de socles aux opérations et à engager la concertation et la mise en place des procédures d’autorisation des premières d’entre elles. A partir de l’année 2021, le projet partenarial d’aménagement pourra ainsi atteindre un « rythme de croisière ».