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PUBLIÉ LE 23/05/2009 PAR Vincent Goulet
Dans la chaleur étouffante de la tente centrale du Salon de l’agriculture, au milieux des effluves de grillade à peine assoupies, les comédiens Isabelle Gazonnois et Gilles Ruas, juchés sur des escabeaux, donnent à voir et entendre les conflits qui peuvent survenir en Dordogne entre « nouveaux arrivants » et agriculteurs du cru. Jane est une Périgourdine d’adoption à l’accent fortement british. Elle a plutôt de bons rapports avec Jean-Pierre, son voisin agriculteur, malgré la tronçonneuse matinale, les sulfatages printaniers ou l’épandage du lisier de canard. Le Périgourdin de vieille souche, lui, supporte sa nouvelle voisine avec philosophie : « Il faut être ouvert… On n’a pas le choix ! » Jusqu’au jour où l’Anglaise annonce son intention de se lancer dans la production de noix. Il lui manque 2 hectares pour obtenir les aides liées à la Surface Minimum d’Installation. Elle s’adresse tout naturellement à son voisin pour les lui acheter. Jean-Pierre se met alors à rire jaune : « Agriculteur, c’est pas un métier pour toi. » Puis son regard devient acéré : « Ces terres seront miennes jusqu’à ma mort ! ». La guerre est ouverte…
Une déclinaison périgourdine du « théâtre de l’opprimé » brésilien
« Le théâtre forum est une façon de regrouper les gens pour discuter sans se prendre trop au sérieux », explique Laurent Magot de la Chambre d’agriculture de Dordogne. Après avoir demandé à Jean-Marie Champion, directeur artistique du Théâtre grandeur nature, de proposer une forme théâtrale sur les problèmes qui pouvaient survenir entre les différentes façon de vivre et concevoir la ruralité, les élus de la Chambre d’agriculture ont choisi différents thèmes : la gestion de l’eau, les nouveaux arrivants ou les rapports avec la grandes distribution. Les représentions ont lieu dans les fermes, parfois lors d’une fête de village ou à l’occasion d’une inauguration de gîte rural, en présence d’une centaine de personnes. Après la saynète de 25 minutes jouées par deux comédiens professionnels, Isabelle Gazonnois et Gilles Ruard, les spectateurs sont invités à réagir et à continuer de jouer l’histoire. « Les gens viennent sans savoir ce qu’ils vont dire précisément », explique Gilles, « mais quand ça démarre, beaucoup de choses se disent, ce qui permet d’exprimer le refoulé. »
« Dépasser les tabous »
Originaires de Paris, Isabelle et Gilles connaissent bien ces problèmes de relation avec les « anciens installés ». Pour écrire le texte de la pièce, ils ont durant plusieurs mois mené l’enquête auprès de leurs voisins, amis, techniciens de la Chambre d’agriculture… Le résultat est un texte concis et fort, mis en scène avec efficacité, qui exprime sans fard la dureté des rapports sociaux en milieu rural. Les spectateurs se prennent à ce jeu qui renoue avec la fonction cathartique du théâtre antique et les soirées se terminent généralement par un repas convivial. Cette présentation au Salon de l’agriculture a donné un avant-goût d’un théâtre impliqué qu’ilfaut découvrir d’urgence, « grandeur nature », en Périgord.
Vincent Goulet
Le Théâtre grandeur nature de Périgeux : http://www.theatre-leparadis.org/
