Start-up à succès: Invivox, bras armé de la formation


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Start-up à succès: Invivox, bras armé de la formation

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Temps de lecture 7 min

Publication PUBLIÉ LE 01/05/2017 PAR Romain Béteille

Dans un climat de campagne présidentielle aussi défiant et délétère que celui qui précède le deuxième tour opposant Emmanuel Macron à Marine Le Pen, le 7 mai prochain, on en oublierait presque certaines idées passées un peu inaperçues au profit des profils de candidats. Pourtant, dans le programme du candidat d’En Marche tout comme dans celui de la candidate du Front National, on retrouve à la rubrique santé la volonté de « réformer le numérus clausus des études de médecine » et d’augmenter le nombre de places pour les futurs médecins. Une manière pour Marine Le Pen d’éviter « un recours massif aux médecins étrangers ». Qui dit augmentation du nombre de spécialistes français dit augmentation de la formation. L’entreprise Invivox, domiciliée entre Bordeaux et New York, a logiquement tout à y gagner, elle qui s’est volontairement placée au carrefour des deux mondes.

Patxi Ospital, l’un des quatre co-fondateurs, donne d’ailleurs le ton. « Je pense que c’est un besoin », affirme-t-il. « Le personnel soignant est à bout de souffle parce qu’il manque notamment des médecins. Dans les années 90, ils ont baissé ce numerus clausus et on se retrouve aujourd’hui à faire venir des médecins d’un peu partout dans le monde. Je ne suis pas contre cette idée, mais c’est juste une histoire de nombre de médecins formés en France. Le problème, c’est d’adapter le système pour qu’il soit capable d’accueillir tous ces nouveaux médecins, notamment dans la formation. C’est pour ça qu’on existe, parce qu’il a du mal à s’adapter. Cela dit, il commence à se remettre en question et nous sommes déjà regardés par les différentes institutions, même l’hospitalo-universitaire, comme un dispositif parmi d’autres pour la formation ». 

La génèse

Voilà, en somme, ce qu’est Invivox : une réunion de quatre entrepreneurs, chacun ayant sa part dans la création. Pour tous, il s’agit d’une plateforme web visant à mettre en relation un médecin (chirurgie ou médecine interventionnelle) « qui voudrait se former avec un expert dans son domaine pour qu’il puisse aller se former chez lui ». Installée à Pessac au sein de Bordeaux Unitec, Invivox a intégré depuis février dernier la première promotion du Village Crédit Agricole Aquitaine, ce qui n’est pas sa première expérience avec l’incubateur de jeunes pousses prometteurs (comme on nous l’explique en vidéo). Quarantenaire, Patxi Ospital a un nom prédestiné pour travailler dans le domaine de la santé. Quand on lui pose la question du rapport entre les deux, son histoire à l’air d’avoir été mille fois racontée. « Ca fait vingt ans que je travaille avec des médecins, mes parents le sont tous les deux. Les deux premières années de ma vie, je les ai passées dans les douches de l’internat de Bayonne pendant que mes parents faisaient leurs études ». D’origine basque, son nom désigne les hospitaliers du chemin de Compostelle. « Tous les Ospital ne sont pas des médecins, mais il y en a quand même pas mal », dira-il en substance. 

Invivox n’est pas née d’un coup de poker mais d’une réflexion et de nombreuses années passées à côtoyer le milieu médical. Comparée parfois à un réseau social professionnel médical ou un air-bnb de la formation, Invivox n’est rien de tout ça dans la tête de son fondateur. « Je n’assimile pas vraiment ça à un réseau social. Tel que je l’entends, un réseau social est global et son but est de maintenir une relation en l’alimentant en permanence. Ici, l’objectif est bien défini. En dehors d’un objectif de remise à niveau ou d’apprentissage, les médecins ne viennent pas sur notre site ». Née en 2015, elle est avant tout partie d’un constat. « La médecine évoluant extrêmement rapidement, un médecin a besoin de se former de manière continue. Libéraux et publics. La plateforme est en fait un contenant qui héberge une offre de formations, celles de qui veut bien les donner », résume Patxi. On dit parfois qu’elle a été créé à Rennes. Pour lui, elle l’a été « dans nos têtes ».

« Julien (Delpech, deuxième co-fondateur) et moi », résume Patxi, « ça fait une vingtaine d’années que l’on travaille dans le monde du dispositif médical. On a travaillé pour des gros groupes, plutôt en tant que développeurs de marchés que commerciaux. On a passé une quinzaine d’années à ouvrir des marchés pour des fabricants de dispositifs médicaux (Allergan, IPSEN). On a été immergé dans des pays pour aller y ouvrir des marchés et souvent pour amener des médicaments ou des dispositifs innovants. Dans ce cadre là, on passait aussi notre temps à former les médecins. Ensuite, on a fabriqué nous-même des produits (via une autre société, Benew Medical, toujours gérée aujourd’hui par un des quatre associés. « En voulant commercialiser ces dispositifs avant-gardistes pour une médecine qui l’est aussi car régénératrice, on s’est rendu compte de l’impact des nouvelles technologies sur le monde médical et comment il n’était pas adapté à toutes les recevoir et les assimiler. Elle est moins invasive, mais plus technique, ce qui est une contrepartie. Sauf qu’aujourd’hui, le médecin n’a pas de dispositif vers lequel se tourner pour s’y former rapidement. C’est comme un TGV et un tchuck-tchuck mis face à face, ce dernier n’ayant pas réussi à s’adapter à la vitesse de l’autre ». 

Gagner du temps

Ça, c’est pour la recette. En s’associant avec un expert du digital (Richard Rohou) et un professionnel du pharmaceutique (Fabrice Paublant) responsable de la structuration de la société, cette dernière a vite évolué. Avec 150 000 euros de fonds propres au départ et scrutée par des investisseurs, elle a réussi à obtenir très vite une bourse French Tech de 30 000 euros et un prêt de 300 000. En mars 2016, elle a réalisé une première levée de fonds d’un montant de 1,2 millions d’euros, qui devrait être suivie d’une deuxième, plus importante, dans les semaines à venir. Ayant navigué au départ entre Rennes et Paris, elle s’est rapidement décidée pour une destination plus locale. « A Bordeaux, je me suis rendu compte qu’il y avait un système fantastique en terme de e-santé et un gros dynamisme dans le soutien aux entreprises », raconte Patxi Ospital. « Très vite, Bordeaux Unitech m’a mis en face de la BPI, de la Région, des banques. Trois mois après le dépôt des statuts, on était à Bordeaux ».

Les premiers résultats de la plateforme, qui va rentrer en phase opérationnelle très bientôt après deux versions éprouvées (une alpha et une bêta), a déjà quelques résultats à faire valoir :  plus de deux cent médecins de 28 pays différents l’ont déjà testée. Aujourd’hui, l’offre a un peu évolué par rapport à ce qu’elle était au départ. Elle propose quatre types de formations différentes : le compagnonnage (formation intime quelques jours avec un spécialiste), la masterclass qui accueille des groupes pour les former à une thématique spécifique, le fellowship (le plus souvent réservées aux étudiants, ces formations sont plus longues : elles durent entre un mois et un an d’immersion dans un service) et enfin l’imagerie médicale, qui permet via Invivox, comme l’explique Patxi, de « transférer des flux d’information lourds de manière instantanée via un cloud qui va permettre à certains spécialistes de différents domaines de ne plus avoir à se déplacer ». Elle dispose aussi de davantage de filtres de recherches, permettant aux formateurs et aux formés de gagner du temps, y compris sur l’organisation pratique de la formation (comme la disponibilité effective de chacun), rendant l’outil plus souple. « L’important, ce qu’on cherche à améliorer, c’est l’expérience utilisateur. Il faut que le médecin gagne du temps ».

Épreuve du feu

Économiquement aussi, le modèle semble bien rôdé : ce sont les responsables de chaque formation qui fixent les prix, la commission minimum d’Invivox sur chacune des formations inscrites sur sa plateforme étant de 90 euros et de 20% du prix total pour les montants plus importants. Cela semble cher comparé à des sites comme airbnb, mais encore une fois, l’analogie n’est plus à faire. « Le prix est fondamental pour trois raisons : ce qui n’a pas de prix n’a pas de valeur et beaucoup de médecins ont arrêté de faire de la formation parce que les gens promettaient de venir et ne le faisaient pas parce que c’était gratuit. La base du transfert de la médecine, c’est le compagnonnage. On recrée un outil qui permet de recréer ça, mais il faut que ce service soit rémunéré », explique Patxi. Enfin, Invivox présente aussi un outil de gestion interne pour chaque professionnel, via un abonnement annuel. 

Exportée aux États-Unis, elle a rapidement su vendre sa plateforme au sein de l’Université de New York dans lequel elle est ingérée à un lab et au Village local, elle y cherche principalement du compagnonnage et des prospects (tout en surveillant stratégiquement la concurrence). Aujourd’hui, les demandes des professionnels à Invivox sont aussi recommandées par des sociétés savantes et de grosses institutions, ravies de faciliter la formation de leur personnel. Au coeur du dialogue entre les médecins (privés comme publics) et les laboratoires, elle mise aussi sur les intégrations des étudiants américains en stage au sein de services hospitaliers, le système français étant bien plus complexe à ce niveau. Bref, elle trouve toujours une nouvelle corde à son arc pour se vendre. Et ce n’est pas les projets évoqués par Patxi Ospital qui diront le contraire. « On va miser sur une intégration plus forte de la VR et de la simulation, même s’il y aura toujours besoin d’interactions entre les personnes, d’où l’intérêt de la plateforme. On va en tout cas vers des services avec encore plus de valeur ajoutée de manière à simplifier la vie aux professionnels et leur rendre plus rapides certaines actions non constructives ». Avec une cible en train de grossir (évaluée au début à 8 millions de chirurgiens), elle s’engouffre dans une niche économique très prometteuse : celle du marché du dispositif médical, évalué en France à 19 milliards d’euros en 2015, et qui comptait déjà, à la même date, près de 65 000 emplois. 

Start-up à succès : Invivox from Aquipresse on Vimeo.


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