Stade Matmut : des bilans disputés


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Stade Matmut : des bilans disputés

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 30/11/2018 PAR Romain Béteille

Déficit d’exploitation

Après un feuilleton des Girondins de Bordeaux qui n’avait décidémment que trop duré, les élus de la métropole se sont penchés ce vendredi sur un autre dossier épineux (qui n’était par ailleurs pas soumis au vote) : le rapport annuel d’exercice du stade Matmut, présenté par la société SBA (Stade Bordeaux Atlantique), filiale commune des groupes Vinci et Fayat qui se sont occupés de la construction et de l’exploitation du stade depuis son inauguration en 2015, avant que ce dernier ne prenne le nom d’une compagnie d’assurance. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les résultats écrits dans ce rapport ne sont pas très… rassurants. On y découvre notamment un résultat net de 3,3 millions d’euros révélant un écart défavorable de 2,14 millions par rapport au modèle financier de départ qui est, rappelons le, un Partenariat Public Privé passé entre la ville de Bordeaux et la société SBA prévoyant de confier à SBA l’exploitation et l’entretien du stade pendant une durée de trente ans.

Il y a quelques jours, la commission de contrôle de Bordeaux Métropole a auditionné les dirigeants de SBA, permettant de découvrir un déficit trois fois supérieur à celui prévu au départ (3,6 millions d’euros en 2015 au lieu de 1,01 millions, 3,2 au lieu de 1,3 en 2016, 3,4 au lieu de 1,1 en 2017) : en tout, un écart de 7,02 millions d’euros entre le résultat réel et celui estimé initialement. Principale fautive : l’opération de « naming » (autrement dit, l’achat par Matmut de la possibilité d’associer son nom au bâtiment) selon SBA, la société attendait 2,5 millions d’euros annuels, elle en a obtenu 2,1 millions. Dans le business plan, le premier exercice positif reste programmé à l’horizon 2025.

Bilans disputés

Mais les résultats financiers n’ont pas été les seuls griefs énoncés par les élus lors de la présentation de ce rapport. Pour l’élu EELV Pierre Hurmic, la fréquentation du stade fait partie des responsables du déficit d’exploitation. « On se retrouve avec une moyenne de 22 650 spectateurs, soit un taux de remplissage de 54% quand les autres grands stades ayant accueilli l’Euro 2016, même s’ils ne sont pas à la hauteur affichent 60% voire plus. Le chiffre d’affaire de SBA sur l’évènementiel est alarmant : l’activité footballistique représente 368 000 euros, soit 5% du CA ». L’élu a également déploré le fait que « dans la plupart des dépenses faites par SBA, les premiers prestataires sont des filiales de Vinci et Fayat : le contrat d’entretien et de maintenance a été attribué à Vinci Energie pour 1,68 millions d’euros et les frais de disposition du personnel à destination de filiales Vinci et Fayat de plusieurs cadres (trois sur 17 employés) représente 449 000 euros. même chose pour les honoraires d’assistance technique et commerciale versées à Vinci Stadium (195 000 euros) ou encore le contrat d’assurance responsabilité civile signé aupès d’une filiale assurance de Vinci à hauteur de 101 000 euros ».

Enfin, Pierre Hurmic a souligné un « bilan carbone catastrophique avec la production de 9000 tonnes de CO2 soit douze kilos par spectateur, l’équivalent de soixante kilomètres en voiture individuelle. Pour ce qui est de la consommation énergétique, elle est de 5000 mégawatts par heure dont 75% hors jour de match. Le principal poste de consommation, c’est la luminothérapie pour chauffer une pelouse insuffisamment éclairée. L’impact des panneaux photovoltaïques, qui produisent 100 mégawatts par heure, est au contraire dérisoire. Au moment où l’on incite nos concitoyens à faire des économies d’énergie, on voit bien que notre co-contractant a encore du travail ».

L’élue socialiste Emmanuelle Ajon, elle, a préféré pointer du doigt un business plan « sous-dimensionné » (« 1900%, c’est l’évolution de la masse salariale de SBA entre le budget prévisionnel et le réel », a-t-elle notamment souligné) « avec un déficit structurel tellement lourd qu’il est aujourd’hui impossible à rattraper ». Elle s’est également inquiétée du « peu de perspectives de rétablissement qui se profilent, avec « des concerts difficiles à obtenir et qui demandent une logistique qui en limite le nombre, des locations et séminaires qui sont d’ores et déjà très nombreux pour un stade et un afflux de nouvelles recettes qui semble donc compromis ».

Pas de renégociation en vue

Dans les rangs de LR, bien que Patrick Bobet, vice-président de la métropole délégué aux finances, reconnaisse des résultats « très préoccupants », le ton est globalement plus mesuré. Pour Nicolas Florian, le Mr finances de la mairie de Bordeaux, « c’est un bon contrat négocié en 2011 pour un stade qui ne nous coûte pas cher, tant dans sa construction que dans son exploitation. Les difficultés, c’est SBA qui les supporte puisque le stade n’est pas en régie. On n’est sur la deuxième année d’exercice plein, il faudra juger sur le résultat définitif. Même si, comptablement, l’activité commerciale de SBA se dégrade, les flux financiers se redressent : il y a plus d’évènements en prévision et la dimension d’audience est similaire à celle d’autres grandes villes. Je n’envisage pas que deux des plus gros acteurs du bâtiment puissent venir nous dire dans quelques années qu’ils ne savent pas faire.  Certes, il faut se préparer à des discussions dans le cadre d’une révision quinquennale mais dès lors que la maitrise d’ouvrage est forte, qu’on a des arguments infaillibles (contrat), il n’y a pas de raisons de s’inquiéter d’éventuels désagréments ». 

Le bilan du débat a été clair : une renégociation du contrat n’est pas à l’ordre du jour. Elle avait été demandée par SBA il y a plusieurs mois, demande à laquelle la métropole avait formellement fermé la porte (à voir les avantages que cette dernière en tire -notamment un loyer annuel de 4,5 millions d’euros- comme l’a souligné la Chambre régionale des comptes, ça n’est pas vraiment surprenant). Le président de Bordeaux Métropole, Alain Juppé, affirme n’avoir « aucun regret d’avoir pris la décision de construire ce stade. Il est normal que dans les débuts d’un partenariat public privé, il y ait un déficit. Il est supérieur à celui annoncé, ce qui veut dire que l’exploitant s’est trompé dans son business plan. « C’est leur responsabilité, il n’est pas question d’engager une renégociation avec eux sur ce point. Sur les recettes du foot, on sait que c’est le club qui encaisse les recettes des matchs, c’est d’ailleurs ce qui leur permet de nous payer les redevances qu’il nous doit ». Selon le maire de Bordeaux, le problème du stade est en fait multiple. « D’abord, il faut que les Girondins gagnent. Ensuite, on sait que les spectateurs n’y vont pas parce que pour partir il faut une heure et demie pour rentrer chez soi. Il va falloir qu’on aborde cette question ». Affirmant avoir eu des premières discussions avec le nouveau président du club des Girondins de Bordeaux, Alain Juppé a précisé que « l’une des solutions, ce serait d’inciter les gens à rester dans le stade, avec des activitéz sympathiques qui leur permettrait de rester. Il n’y a plus un verre de bière après la mi-temps : ça aussi, ca reste un problème de gestion. Pour le reste, on va continuer à exiger de SBA qu’il respecte ses engagements contractuels ». En attendant de voir si la bière calme les esprits, notons que seuls les concerts d’Ed Sheeran et de Muse et les deux demi-finales du Top14 de rugby ont pour l’instant été annoncées pour le stade Matmut en 2019. Une clause de revoyure est cependant prévue entre les différents signataires du contrat, mais ce ne sera pas avant 2020.

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