Portrait : Gérard Lopez, le sulfureux investisseur


Entre cascade d'affaires judiciaires et proximité avec Vladimir Poutine, découvrez le parcours de Gérard Lopez, l'homme à la tête des Girondins depuis 2021.

Gerard LopezShutterstock

Gerard Lopez

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 21/07/2022 PAR Léo Marchandon

Un temps proche de Vladimir Poutine, mis en examen pour faux et usage de faux au Luxembourg, l’homme d’affaires hispano-luxembourgeois qui mène le « sauvetage » des Girondins de Bordeaux depuis sa reprise en 2021 est une figure controversée du sport au parcours chaotique.

Les Girondins de Bordeaux peuvent (presque) commencer à souffler. Le Tribunal de Commerce a validé l’accord entre le club et ses créanciers, première partie du plan pour éviter la liquidation judiciaire. Cet accord implique une augmentation de capital de 10 millions d’euros par les propriétaires actuels. Dernière étape : la décision que doit rendre le Comité national olympique et sportif français (CONSF) ce jeudi, pour valider le maintien du club en deuxième division.

Derrière ce « plan de sauvetage » se trouve Gérard Lopez. Il rachète le club à l’été 2021, alors que celui-ci est placé en redressement par ses propriétaires américains, qui citent la baisse de revenus due à la pandémie et au défaut de paiement des droits TV par Mediapro. Également propriétaire du Boavista FC (Portugal), et anciennement du LOSC Lille et du Royal Mouscron (Belgique), ou encore de l’écurie de Formule 1 Lotus, l’homme d’affaires hispano-luxembourgeois est devenu une figure controversée du sport en Europe ces quinze dernières années.

Ami de Poutine, Brexit et affaires judiciaires

Le principal quotidien Espagnol El Pais lui réserve un portrait en 2015, pour présenter celui qui, alors peu connu du grand public, est affublé du surnom « el milionario invisible », le millionnaire invisible. D’emblée, le quotidien le présente comme un « investisseur en série » devenu « l’ami de Vladimir Poutine ».

« Grâce aux courses automobiles, il a rencontré et s’est lié d’amitié avec le dirigeant russe Vladimir Poutine, qu’il a invité à conduire l’une de ses voitures dans un endroit secret de Russie. Il fait aujourd’hui partie de son cercle restreint et son nouveau rêve est d’attirer des investissements dans la région de Yamal, dans l’Arctique, la plus grande réserve de gaz au monde, où tout reste à faire et où les retours financiers sur ses investissements peuvent être immenses. »

Cette histoire n’est pas restée à l’état de projet : en juin 2014, alors président de Rise Capital, il signe un accord avec le gouverneur du district autonome de Yamalo-Nenets (la plus grande réserve de gaz au monde) permettant à Rise de devenir un partenaire clé pour attirer les investissements d’Asie et du Moyen-Orient dans la région. Depuis lors, Rise a constitué un portefeuille de projets énergétiques et d’infrastructures de plus de 12 milliards de dollars.

Gérard Lopez a des proximités avec les autorités judiciaires également : une affaire, en cours de procédure, vient d’être révélée par D’Lëtzebuerger Land, un hebdomadaire politique luxembourgeois. Des enquêteurs ont examiné des transferts de centaines de milliers de livres entre les anciennes opérations de Lotus au Royaume-Uni, un club de football luxembourgeois et une société d’investissement basée à Hong Kong. Selon un porte-parole Luxembourgeois, « Le ministère public luxembourgeois a demandé le renvoi de M. Lopez devant un tribunal correctionnel. Les infractions en cause sont le faux et l’usage de faux. »

Il avait été également sous le feu des projecteurs en 2016, après avoir fait la plus grosse donation faite au parti Conservateur (£400 000) avant le référendum sur le Brexit. Bien que ne possédant pas la nationalité Britannique, les activités de Lotus lui avaient permis de s’inscrire sur les listes électorales, et donc de faire une telle donation. Ses liens avec Vladimir Poutine sont alors sérieusement questionnés par les autorités Britanniques.

Premiers pas dans le sport

Gérard Lopez construit sa fortune au début des années 2000. Cofondateur de Mangrove Capital Partners, il est l’un des premiers investisseurs de Skype. Le succès mondial du logiciel de communication lui permettra de faire fortune, avant d’entamer ses pérégrinations à travers le sport européen. Passionné de sport, il devient Président du CS Fola Esch, petit club du championnat Luxembourgeois, où il a joué pendant sa jeunesse. Il occupe cette fonction de 2007 à 2017.

Sa première grosse aventure dans le sport le conduit à la tête de l’écurie britannique de Formule 1 Lotus, qu’il rachète en 2009 à travers la société Genii Capital, fondée en 2008 avec Eric Lux. Les résultats sont médiocres mais surtout, les problèmes d’argent débutent. En plein milieu de la saison 2013, le pilote star de l’écurie, le Finnois Kimi Räikkönen (champion du monde 2007) menace de quitter l’équipe en raison des salaires impayés depuis le début de saison, la somme s’élevant à plusieurs millions d’euros. Räikkönen quitte l’équipe la saison suivante. Pourtant sponsorisé par Microsoft ou Coca-Cola, la situation devient intenable pour Lotus qui finira par être vendue en 2015 au groupe Renault qui voit là l’occasion de faire son retour en Formule 1, pour un pound symbolique.

Ses activités à Lille mises en causes par Football Leaks

Gérard Lopez décide d’oublier la Formule 1 en 2016, et de se tourner vers le football. Il devient officiellement propriétaire du LOSC Lille le 26 janvier 2017. Il y met en place une stratégie financière basée sur le trading de joueurs mais la crise sanitaire et le défaut de paiement des droits TV en 2020 frappent durement le club. En décembre 2020, Gérard Lopez est contraint de vendre par son principal créancier, le fonds d’investissement américain Elliott Management. En cause : une dette de 120 millions d’euros empruntés pour l’achat, non remboursé. Pourtant, à l’été 2020, le LOSC transfère Victor Osimhen au SSC Napoli pour une somme qui oscille entre 70 et 80 millions d’euros, soit l’une des ventes les plus élevées jamais réalisées par un club français. Aucune trace ou presque de l’argent dans les coffres du LOSC cependant : le journal l’Equipe révèle en 2021 que seule « une dizaine de millions d’euros » ont fini dans les coffres du club. En réalité, la somme a été abaissée en incluant des joueurs de Naples dans l’échange. Un seul y jouera (un match), certains ne se seront même jamais rendus à Lille. La justice Italienne s’est saisie de l’affaire, et l’enquête est en cours.

Une autre enquête menée par Mediapart, Médiacités et France 3 Hauts-de-France (« Football Leaks », équivalent des « Panama Papers » dans le football) parue en 2017, jette également le doute sur la structuration du rachat du club, fait avec un montage compliqué de sociétés opaques enregistrées dans des paradis fiscaux. Il y sera cité une seconde fois en 2019, pour soulever des points d’ombre sur les arrivées et départs de plusieurs joueurs au club, puis une troisième fois, dans le cadre d’une enquête qui révèle comment l’entrepreneur a aidé le club anglais de Manchester City à contourner les règles de la FIFA sur le transfert de joueurs mineurs.

Gérard Lopez s’est offert un autre club de football, dans le championnat Belge cette fois. Il rachète le Royal Excelsior Mouscron en juillet 2020, et en fait un club filial du LOSC, qu’il détient encore à l’époque. Il conserve le club Belge malgré la vente du club nordiste, mais pas pour longtemps. Relégué en seconde division, le club s’est déclaré en faillite le 31 mai 2022 : une information qui passe presque inaperçue dans la presse sportive française, plus occupée à suivre les aventures de Gérard Lopez avec les Girondins de Bordeaux. Ce n’est pas une fin de vie mais presque pour le club Belge : il devra repartir de zéro, du niveau amateur. Un sort proche de celui réservé aux Girondins, si le club n’arrive pas à sauvegarder sa place en Ligue 2 ce jeudi.

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