Finances : la Gironde maintient le cap


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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 05/04/2018 PAR Romain Béteille

L’heure était aux comptes ce jeudi 5 avril dans l’hémicycle du Conseil départemental, dans un contexte de pression fiscale et d’incertitudes budgétaires pour les départements, dont un rapport remis le 12 mars au gouvernement et aux élus locaux préconise que l’État et les collectivités les plus aisées prennent en charge le déficit des départements les plus concernés par l’allourdissement des dépenses sociales. Un recalibrage censé financer de facon « pérenne » les AIS (Allocations individuelles de solidarité), qui pourrait coûter, selon les premières estimations (optimistes) entre 300 et 600 millions d’euros. Le département de la Gironde est évidemment concerné par cette nouvelle perspective, et son Président n’a pas manqué de s’en inquiéter devant la presse avant la séance de ce jeudi. « L’exercice que propose l’État en termes de péréquation verticale (à savoir ce qui redescendrait de l’État vers nos collectivités) est à peu près de 130 millions d’euros. Le différentiel sera à prendre sur la péréquation horizontale. Forcément, les départements qui rentrent des droits de mutation devront reverser encore plus chez les voisins qui ont beaucoup moins, ce qui devrait nous fragiliser d’autant aussi sur nos propres budgets. Ça va peut être leur permettre de faire un peu face à ces allocations individuelles de solidarité, mais pas en totalité ».

Des charges induites

C’est d’ailleurs au moment où elle présente le bilan de son compte administratif 2017 que la collectivité nous apporte quelques précisions, notamment sur la réalité de la contribution des collectivités locales à la réduction des déficits publics. Ainsi, on y apprend que le budget principal girondin est excédentaire (45,3 millions d’euros contre 35,5 millions en 2016). Si les dotations de l’État ont en effet diminué de 25,2 millions d’euros, les recettes se retrouvent tout de même à la hausse de 59 millions d’euros, somme notamment assurée par des droits de mutation en forte hausse (+23%). « Certes, ils augmentent, mais on est pénalisés par cette augmentation; ces recettes sont très volatiles », souligne Jean-Marie Darmian, vice-président chargé des finances. Les dépenses, elles, sont elles aussi en progression, principalement en raison de la hausse des dépenses de solidarité, chiffrées à 875 millions d’euros (+32 millions). L’effort de solidarité du département vis à vis des habitants, de l’État et des autres départements a fait un bond spectaculaire : de 59 millions d’euros en 2014, il se chiffre à 244 millions quatre ans plus tard. Parmi ces dépenses de solidarité, certaines sont plus ou moins assumées, comme le déplore le président du conseil départemental. « 82,4 millions d’euros, c’est le montant annuel des prises en charge de personnes qui devraient être assumées par l’État et qui, faute d’équipement ou de place, le sont par le département », entame Jean-Luc Gleyze. « Par exemple, les personnes très lourdement handicapées qui devraient être orientées vers des foyers d’accueil médicalisés. Nous avons, dans le département, 400 personnes qui ne peuvent pas bénéficier de ces places en foyer d’accueil. Nous payons donc la prestation de compensation du handicap pour les maintenir au domicile, soit 44 millions d’euros par an. Deuxième exemple : les enfants qui sont placés sous protection qui vont soit en famille d’accueil soit en Maisons d’Enfants à Caractère Social. Un certain nombre d’entre eux relèvent de problèmes psychiatriques et sanitaires qui devraient dont être pris en charge par des structures de l’État. Faute de place, nous les gardons, ce qui mobilise 15 millions d’euros. Ces 82,4 millions annuels ont été payés par le département et figurent dans le compte administratif, sauf qu’il n’y a aucune recette en face. J’ai adressé une lettre au préfet en février, je n’ai eu aucune réponse à ce sujet ». 

Une contractualisation discutée

Le contexte est évidemment très tendu dans une période où le poids des dépenses sociales grimpe à vue d’oeil et où beaucoup de collectivités attendent un effort de l’État, qui n’a visiblement pas prévu de flécher des crédits supplémentaires. C’est même plutôt l’inverse : les contrats État-collectivités, actée par une circulaire envoyée aux préfets, précise les modalités d’une contractualisation qui concerne 322 collectivités locales. L’objectif  : plafonner les dépenses de fonctionnement, via un taux compris entre 0,75% et 1,65% par an sur le budget principal. Si les contrats devraient être signés d’ici le mois de juin, certains responsables locaux se sont récemment émus du manque de logique sur le fait que les collectivités « qui dégagent des excédents, contribuant ainsi à la réduction du déficit public soient pénalisées » et que « les évolutions des taux ne prennent pas en compte les conséquences des mesures décidées unilatéralement par l’État ». Le chef de file du Conseil départemental de la Gironde, lui, est d’autant plus sceptique qu' »avoir un taux directeur, ça revient à considérer que nous devons contraindre l’évolution de nos dépenses dans un département qui, je le rappelle, gagne 20 000 habitants par an, et que c’est, paraît-il, une contractualisation avec l’État et le préfet qui permet de garantir le respect de ce taux. Le problème d’une contractualisation, c’est que normalement elle sous-entend un consentement partagé. Or, dans l’exercice que propose l’État, il n’y a aucun consentement, et il y a des particularités dans ce département comme la réalité des fragilités sociales qui fait que, de toute façon, nous avons une augmentation exponentielle de nos dépenses de fonctionnement. En face, nous avons une partie de recettes qui a plutôt diminué de 90 millions d’euros par an, des impôts dont nous assurons la stabilité et des recettes volatiles qui peuvent s’envoler du jour au lendemain ».  

Garanties sociales

Les perspectives de ces ajustements financiers sont d’autant plus incertaines que l’objectif d’investissement pour le Conseil départemental reste inchangé : sur le milliard d’euros fixé sur la mandature, 550 millions ont déjà été investis entre 2015 et 2017, et ces derniers devraient s’accélérer via plusieurs opérations d’envergure. Parmi elles, le plan « Collèges ambition 2024 » présenté ce jeudi, qui prévoit la construction de douze nouveaux établissements et la réhabilitation d’une dizaine de collèges, pour un montant de 470 millions d’euros. La collectivité prévoit même de sortir de son champ de compétences : ce jour, elle a acté le principe d’une participation à hauteur d’un million d’euros pour les travaux de rénovation de la ligne Bergerac-Libourne, concernée par un blocage financier pour acter la réfection de ces 63 kilomètres de voie ferrée (85 millions d’euros au lieu des 45 annoncés en 2015). Au total, les collectivités devraient abonder 6,75 millions d’euros pour que le chantier soit effectué. Un financement hors du cadre départemental, mais justifié selon Jean-Luc Gleyze, même si ce dernier « souhaite que cela reste exceptionnel ». Enfin, le département « se porte garant » des emprunts effectués par les bailleurs sociaux ou établissements sanitaires et sociaux, en pleine incertitude sur les applications réelles de la loi Élan, récemment posée sur le bureau du Conseil des ministres.

En 2017, ces garanties d’emprunt atteignaient 140,7 millions d’euros (+3,6%), soit la construction de 1575 logements sociaux en 2017 contre 949 en 2016. Le plan de réforme des HLM, qui a, selon les bailleurs sociaux, de sérieuses chances de réduire leur capacité d’investissements, pourrait par conséquent avoir également un impact potentiel sur l’augmentation prévisible du montant des garanties d’emprunts départementales, ce sur quoi l’élu affirme « rester vigilant » : « la conséquence, a fortiori avec la loi, risque d’être une baisse des investissements des bailleurs sociaux, qui peut amener ensuite à se questionner sur le nombre de logements sociaux qui seront créés ou sur la nécessité de garantir plus d’emprunts pour les bailleurs. Je n’ai pas aujourd’hui de vision claire du panorama, mais ce que l’on sait, c’est qu’il y a une grande incertitude désormais même si le logement social doit être impérativement développé. Nous avons d’ailleurs été retenus avec la métropole par un plan baptisé « Logement d’abord », notamment pour les SDF et les sans-abris. S’il y a un effort du gouvernement de ce côté là, il serait dommage que l’on ne garantisse pas ensuite la possibilité de financement pour les bailleurs sociaux ». En effet, ce plan « logement d’abord », faisant suite à un Appel à manifestation d’intéret déposé par l’État en fin d’année, a retenu la candidature du département et de la métropole dans le cadre d’un plan quinquennal du même nom, qui vise à développer d’avantage de logements abordables et « adaptés aux besoins des personnes sans-abirs et mal logés », « promouvoir et accélérer l’accès aux logements » et « mieux accompagner les personnes sans domicile ». Après trois ans de mandature, la majorité socialiste apparaît donc comme souhaitant maintenir le cap. Quant à l’ensemble des réformes concernant les collectivités territoriales, ses élus ne manqueront sûrement pas d’en scruter les effets sur les prochains budgets comme le lait sur le feu…

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