RER Métropolitain : une volonté de faire


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Temps de lecture 8 min

Publication PUBLIÉ LE 29/05/2019 PAR Romain Béteille

Depuis quelques semaines, les initiatives et les déclarations se multiplient sur tous les bords pour tenter de faire face aux problèmes de mobilité sur la métropole bordelaise et, plus globalement, la manière dont cette dernière dessert le reste de la région. Après un accord ambitieux dernièrement signé entre la région et SNCF Réseaux sur les TER, le sujet du grand contournement autoroutier, qui tourne autour des élus depuis trente ans, a fait à nouveau quelques vagues vendredi dernier en conseil de métropole. Ce projet de barreau autoroutier entre Langon et Mussidan, nouvelle solution après l’abandon du grand contournement ouest en 2007, a été écarté par le projet de Loi d’Orientation des Mobilités. Pourtant, la semaine dernière, la métropole a prouvé qu’elle avait de la suite dans les idées en présentant un protocole de cooopération avec Limoges et Mont-de-Marsan, dans l’objectif de créer un barreau Limoges-Langon (passant par Périgueux et Mussidan) dans le but de désengorger la rocade bordelaise, l’A63 et l’A10, ce qui n’a pas manqué d’attiser les foudres des élus écologistes. 

Vers un « schéma directeur national »

Ce mardi, en revanche, ces derniers auraient certainement vu moins rouge. Dans le cadre d’un colloque organisé par SNCF Réseau, ce fut au tour du fameux projet de RER Métropolitain de refaire à nouveau surface, après des premières déclarations plutôt frileuses de leur part il y a quelques mois. De nombreux sièges du centre des congrès Cité Mondiale étaient occupés, et pour cause : de nombreus élus et responsables de la SNCF, de la métropole et de la région y étaient notamment présents. Il a surtout été le théâtre d’une annonce qui risque de bousculer un peu le rythme ces prochains mois. Via une déclaration préparée pour l’occasion, la ministre des Transports Elizabeth Borne a remis quelques pendules à l’heure.

« Depuis deux ans nous sommes engagés dans une transformation profonde de la politique de mobilité pour répondre aux besoins du déplacement du quotidien. C’est ce que nous avons entrepris l’an dernier avec la réforme ferroviaire (qui n’a visiblement pas l’air de très bien passer) et que nous poursuivons actuellement avec la Loi d’Orientation des Mobilités. Au cœur de ce texte, nous portons un effort sans précédent pour investir dans nos infrastructures avec une priorité claire aux déplacements du quotidien. Le ferroviaire va constituer les trois quarts des investissements publics dans les infrastructures de transports durant le quinquennat », a notamment précisé la ministre. « Notre pays va croître de sept millions d’habitants dans les trente prochaines années. Dans certaines métropoles, la croissance sera de 20%. C’est un défi en matière de transport comme de qualité de vie, et nous ne pourrons le relever que grâce au train. Nous ne sommes pas en avance, mais les lignes bougent. Dans la programmation des infrastructures inscrites dans le projet de loi mobilités, ce sont 2,6 milliards d’euros que nous entendons mobiliser sur dix ans, dont la moitié de l’État, pour accélérer la désaturation des grands nœuds ferroviaires. Je souhaite que nous construisions un schéma directeur national des RER métropolitains. Le projet de loi mobilités prévoit que SNCF Réseaux présentera d’ici le 1er janvier 2020 un plan d’ensemble avec un cadre clair sur les zones concernées et les calendriers. Il ne s’agit pas de calquer partout un modèle francilien qui ne répondrait pas à la diversité des territoires. L’enjeu sera triple : accompagner les initiatives des régions et des métropoles, partager les connaissances des contraintes et des solutions et se donner toute la visibilité sur les capacités de l’État et de SNCF Réseaux pour les mener à bien ». 

Gros sous et points d’entrée

C’est peut-être à ce moment là que la conférence en question a commencé à prendre des atours intéressants. Dans une région représentant près de 10% du marché total de la SNCF et face à une mise en concurrence toujours en arrière-plan, le président délégué du directoire de la SNCF et PDG de SNCF Réseau Patrick Jeantet met les formes. « Chaque région et chaque métropole ira à la vitesse qu’elle souhaite sur la question du RER. Il n’y à qu’à Bordeaux où la région et la métropole se sont mis d’accord. Nous avons débuté les discussions avec d’autres régions mais nous discutons séparément avec les collectivités, comme à Toulouse ou à Lyon, par exemple ». C’est que l’idée du RER métropolitain a aussi ses enjeux de décongestion de la circulation routière et fait partie de la stratégie régionale d’augmentation de la part modale du train, lui qui représente environ 60 000 voyageurs par jour en Nouvelle-Aquitaine, un chiffre jugé, à l’unanimité, « insuffisant ». Une étude, réalisée en octobre 2018 précise que la métropole a un potentiel de « 17 gares », Bordeaux non-comprise (Parempuyre, Blanquefort, Bruges, Bouscat Sainte-Germaine, Caudéran, Arlac, Pessac centre, Pessac Alouette, Gazinet, Talence-Médoquine, Bègles, Villenave-d’Ornon, Cenon, Bassens, Sainte-Eulalie Carbon-Blanc, La Gorp et Ambarès), dont beaucoup sont sous-utilisées (la gare de Bègles, par exemple, c’est environ 20 000 voyageurs par an), desservies uniquement par certains TER voire totalement fermées (comme le cas de la gare de Talence, les élus de la métropole ont voté en novembre en faveur d’une réouverture pour 2023). La hausse de la fréquentation des TER, l’un des objectifs de la convention régionale, a semble-t-il dopé les ambitions d’SNCF Réseau.

Pour Christophe Duprat (vice-président de la métropole en charge des transports) comme pour Renaud Lagrave (vice-président de la région chargé de la mobilité), en revanche, le « diable » est soit dans le détail, soit dans les comptes. « Il va falloir se mettre d’accord sur le financement puisqu’on l’est sur le programme. Bordeaux Métropole, même si cela ne fait pas partie de ses compétences, est prête  à financer l’investissement si ça apporte des services supplémentaires dans la desserte et le fonctionnement des lignes. On répondra présents pour les aménagements ferroviaires au sud de Bordeaux, mais il ne faut pas oublier que 42% des utilisateurs du tramway vivent en dehors de la métropole, or elle l’a financé en totalité. Il ne faut pas reproduire cela », souligne le premier. « Nous sommes prêts à investir 532 millions d’euros dans les prochaines années pour ne pas fermer une seule ligne en Nouvelle-Aquitaine. Nous versons chaque année soixante millions d’euros à Réseau pour l’entretien, et nous avons financé 2,1 milliards d’euros de travaux depuis 2002. Pourtant, il y a un paradoxe : plus on investit, plus on paye en péage pour faire passer les trains. En gare de Bordeaux, ce dernier est passé de 24 euros par train à 123, sans que l’on sache vraiment pourquoi. C’est insoutenable pour la région au moment où elle veut remettre de la fréquence, sauf à trouver une autre gare que Bordeaux… », renchérit le second. L’ardoise a été donnée à la louche par le président de Bordeaux Métropole, Patrick Bobet : 150 millions d’euros pour le RER Métropolitain (comprenant, notamment la réouverture de gares comme la halte ferroviaire Sainte-Germaine, au Bouscat) et 600 pour réaménager la sortie du Sud de Bordeaux Des chiffres à prendre avec de grosses pincettes : dans l’étude d’octobre 2018, on parle plutôt de 230 millions avec un calendrier à horizon 2030.

Gagner du temps

Ce dernier avait déjà pointé le manque de solution à court-terme, en attendant que le RER soit totalement effectif. Ces dernières ont été brièvement évoquées par Christophe Duprat : une première ligne de cars express dès septembre, qui devrait desservir Créon, Salleboeuf et Bordeaux centre tous les quart d’heure aux heures de pointes de 6h30 à 21/22h, une « expérimentation et peut-être une solution à dupliquer, par exemple entre Blaye et Bordeaux. En décembre 2019, TBM va relier Pessac-Alouette en bus en utilisant la bande d’arrêt d’urgence. Une ligne ferroviaire va relier Libourne à Cestas en 2020 en passant par la zone d’activité de Pessac, ce qui n’est pas neutre. Le pire serait d’attendre que la situation soit idéale pour le RER ». « Rajouter un train et une fréquence, c’est 500 000 euros à l’année. J’espère que la loi mobilités abordera la question des ressources parce que 500 000 euros multipliés par le nombre de trains demandés par les usagers, sans aucune ressource fiscale et avec un plafonnement des dépenses de fonctionnement à 1,2% par an, c’est une équation difficile à résoudre », a réaffirmé Renaud Lagrave. L’enjeu de la diamétralisation est évidemment en ligne de mire (autrement dit, relier les villes de la métropole sans forcément s’arrêter à Bordeaux) : pour relier Carbon-Blanc à Mérignac, par exemple, le RER métropolitain pourrait mettre 22 minutes. Patrick Jeantet, de son côté, assure que Réseau est déjà à l’oeuvre. « Concernant la diamétralisation, des tests vont être effectués pour mettre des premières lignes en place dès 2021 ». Le billet unique, en ce moment en cours d’élaboration par le syndicat mixte intermodal de Nouvelle-Aquitaine, devrait contribué à accélérer les choix, mais l’augmentation de la part de marché du ferroviaire dans les villes proches de Bordeaux reste la principale ligne de mire. Elle va d’ailleurs être discutée âprement par la mise en place, d’ici l’été, d’un « plateau commun » piloté par SNCF Réseau et auquel vont être associées les collectivités, dans le but de présenter un schéma directeur de l’ensemble des noeuds ferroviaires des métropoles françaises (en tout cas, celles qui seront volontaires pour un RER) d’ici décembre.

« Réseau aura un rôle plus actif dans optimisation, notamment dans la définition des plans d’exploitation du réseau. Il faut partir des services pour pouvoir identifier ensuite les infrastructures à modifier. Pour ce qui est de Libourne/Arcachon, envisagé pour l’instant pour 2025, on doit pouvoir diamétraliser sans investir trop, ça pourrait aller assez vite. La région a voté un dispositif baptisé OptimTER, qui prévoit d’augmenter l’offre de 8 à 10% sur chaque bassin de mobilité. Le premier lot actionné sera celui de Périgueux en 2020, Bordeaux devrait être le suivant »,  précise Patrick Jeantet. « Pour le RER métropolitain, il faudra sans doute un peu de nouveau matériel, c’est en tout cas une question qui va se poser, soit immédiatement soit dans un deuxième temps, une première phase étant faisable avec du matériel existant et un objectif de cadence de 30 minutes. Les directeurs territoriaux de Réseau vont aller voir les régions et proposer des pré-schémas et un travail commun sur ce projet co-financé par l’État. Une première phase de diamétralisation pourrait arriver d’ici deux ans, avant de petits investissements à suivre pour faire sauter des verrous ». Quant-à la possibilité d’une concurrence sur le réseau métropolitain, le responsable botte en touche : « ça dépendra de la région… ». Rendez-vous en décembre pour voir si le cadeau est bel et bien sous le sapin, si tant est que ce dernier ne déploie pas trop d’épines…

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