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PUBLIÉ LE 23/01/2009 PAR Joël AUBERTPour sa première rencontre cru 2009, l’organisatrice Isabelle Warin a voulu innover. « D’habitude, j’épluche les médias sur un traitement qu’ils ont eu de l’actualité. On débat ensuite avec le public. C’est un peu un exercice de bonne santé mentale », précise t-elle à l’assemblée. L’exercice n’est pas moins cérébral, ce mardi 20 janvier. Il théorise le concept d’ « autodéfense intellectuelle ». Mieux, il donne à voir un aperçu des travaux du « grand » Chomsky.
Parler de Noam Chomsky : vaste sujet. L’intellectuel américain finit par étourdir, tant ses publications sont nombreuses. Il est connu, il est brillant mais surtout il est insaisissable. Tour à tour linguiste, analyste des médias et homme politique engagé. Lui-même se décrit comme un « anarchiste socialiste ». Et si Noam Chomsky a fait l’objet d’un débat à l’Utopia, c’est pour sa pensée critique moderne. Un parallèle avec l’objectif de ces Rencontres « politique et médias ». Le chercheur travaille à décrypter la façon dont les médias influent sur les opinions.
Des médias façonnés ?
Eclaircir le débat, c’est le rôle attribué à Christiane Restier pendant cette projection-débat. Enseignante-chercheure en communication politique, elle est aussi membre de l’organisation Acrimed. Un site Internet qui s’inscrit dans la critique des médias. C’est à elle que revient le rôle de rappeler les grands évènements qui ont grandi l’intellectuel sur la scène médiatique. La Guerre du Vietnam d’abord : véritable boomerang que Chomsky se prend en pleine figure. Le traitement des médias américains, à l’époque, se serait dangereusement rapproché de la « propagande politique ». « Et puis Noam Chomsky a étudié la couverture de deux assassinats de prêtres au début des années 80. Tous les deux sont morts dans des conditions quasiment similaires et à peu près au même moment », précise Christiane Restier. « L’un était Polonais et c’est le parti communiste qui l’aurait tué. L’autre vient du Salvador, il a été assassiné par des milices armées, formées par les Etats-Unis. » L’américain analyse les différents traitements médiatiques. Il se rend alors compte qu’en période de Guerre froide, l’assassinat brutal d’un Polonais par des « Rouges » fait bonne presse dans les médias. Quant au second meurtre, qui concernerait les Etats-Unis de près, la couverture des journaux américains est moins développée.
Une analyse économique de l’information
L’audience a maintenant quelques éléments clés en tête. La projection de « Chomsky et compagnie », un documentaire réalisé par Olivier Azam et Daniel Mermet, complète les données. Le film est basé sur une série d’interviews réalisés par les journalistes pour l’émission de France Inter « Là-bas si j’y suis ».
Ce film présente les mécanismes de fabrication de l’information. Chomsky en tête, puis ses « adeptes » en expliquent les ficelles. Le montage insiste sur l’analyse économique du linguiste américain. Il étudie les médias à travers le prisme des entreprises qu’ils représentent. Des entreprises soumises à des résultats et des bénéfices qui travailleraient dans le sens de leur intérêt. Les journalistes sont le cheval de bataille du penseur. Mais il ne limite pas sa critique aux seuls médias. Selon lui, la tendance lucrative au façonnement de l’opinion touche aussi la politique, la publicité, le lobbying et les relations publiques. Ils se basent tous sur des supports communicants qui peuvent virer à la « propagande ».
« Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux ». Cette célèbre citation de La Boëtie apparaît dans le documentaire. Elle résume la pensée de Noam Chomsky. A l’opinion publique d’être attentive. A elle de se mettre debout, au même niveau de compréhension lucide, pour mieux séparer le bon grain de l’ivraie.
Crédit photo: Marcello Casal Jr/ABr, January/2003.
Illustration : jaquette du DVD « Chomsky et compagnie » produit par Les Mutins de Pangée.
