Mal logement: « En 22 ans, pas d’amélioration »


Solène Méric

Mal logement: "En 22 ans, pas d'amélioration"

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Temps de lecture 5 min

Publication PUBLIÉ LE 21/04/2017 PAR Solène MÉRIC

Ce vendredi 21 avril et à la suite des 3 jours de sensibilisation au mal logement organisé à l’IRTS de Talence, la Fondation Abbé Pierre présente son 22ème rapport sur l’Etat du mal logement en région. Une région (taille ex Aquitaine) qui a toujours pour « grande caractéristique d’être victime de son succès. Entre littoral, montagne, campagne et métropole les 5 départements ont une attractivité forte », décrit Pascal Paoli, le Directeur de l’agence régionale de la Fondation Abbé Pierre. Sur la façade littorale par exemple, les trois départements subissent un double problème en matière de logement : ils suscitent « le rêve de la maison secondaire sur des zones à construire qui sont limitées par des normes de protection environnementale par exemple ». Au total peu de foncier disponible et beaucoup de demande donc les prix flambent, excluant ainsi toute possibilité de logement pour une partie de la population.

« La Région a mis le paquet sur le logement étudiant »

A l’intérieur des terres, Bordeaux et la métropole sont attractifs notamment en terme de bassin d’emploi et de formation. Si selon Pascal Paoli, la région, utilisant sa compétence sur ce segment, « a mis le paquet » sur le logement étudiant ou assimilable, il n’y a pas eu d’investissement sur le parc privé ancien. Il n’y a pas de réponse pour les familles qui en plus doivent aussi faire face à une augmentation des prix. « 67% des ménages primo-accédants ne pourraient pas se payer un bien aujourd’hui en secteur métropolitain, et ont l’obligation de migrer, entraînant l’éloignement du lieu de travail et donc en plus d’une empreinte environnementale plus forte, plus de fatigue, plus d’irritabilité, de disputes, un certain mal être, et au final des couples qui explosent. Du point de vue du logement, le besoin devient donc double avec des marges de manoeuvres financières d’autant plus réduites pour les personnes », synthétise Pascal Paoli. Or, en parallèle le logement social ne suit pas. « Ce sont plus de 40 000 personnes qui sont éligibles au logement social au regard de leur rémunération, mais qui n’y accèdent pas. Et une partie d’entre elles viennent compléter cette absence de réponse en sollicitant de l’hébergement d’urgence, dont ce n’est pas le rôle… Conséquence : le 115 a un retour de satisfaction limité à 50%… » Le syndrome de la tache de vin sur la nappe en quelque sorte.

Au delà du logement, la qualité de l’habitat

Une tache qui s’élargit encore, puisque ce manque de réponse du 115 a pour conséquence le constat par la Fondation Abbé Pierre d’ « un nouveau phénomène métropolitain : les bidonvilles et les squats qui se multiplient dans des lieux qui sont parfois dangereux, sans eau potable ni électricité tout en essayant quand même de travailler et scolariser les enfants. »
Quant au reste de l’ex Aquitaine, il reste toujours marqué par le « croissant de la pauvreté », allant du Médoc jusqu’en Dordogne, en passant par le Lot-et-Garonne, avec des personnes qui vivent dans « des taudis », selon le mot de Pascal Paoli. « Un phénomène qui non seulement persiste, mais s’accentuepuisque le décalage entre les prix des logements liés à la raréfaction de l’offre, et la progression de l’attractivité ajouté à des revenus qui, au mieux, restent stables, perdure. »
Pour ces personnes autant que pour les squatteurs en métropole, au-delà d’avoir un logement, le problème ici porte sur la question de la qualité de l’habitat. « Ce ne sont pas des habitats ni dignes ni décents. Ce sont des lieux insalubres, des lieux qui rendent leurs habitants malades au sens propre du terme, et qui, pour les enfants, sont des lieux facteurs d’échec scolaire. Le mal logement non seulement détruit la vie des personnes ou empêche leur insertion sociale, mais a aussi au final un coût pour l’ensemble de la société ! s’indigne le militant. Et depuis 22 ans on ne constate pas d’amélioration. » Et de citer quelques chiffres, rares dans la bouche de Pascal Paoli, qui dit préférer poser des situations en mots plutôt qu’en chiffres : « En France, en 10 ans, le nombre de sans abri a augmenté de 50%, 30 000 enfants vivent sans domicile fixe, chaque année la rue fait 2000 morts, tout ça dans la 5ème économie mondiale ! » Et pourtant, il le reconnaît, « la puissance publique fait des efforts, mais ça ne résout pas le volume des personnes concernées ».

Exposition sur le mal logement présentée du 18 au 20 avril 2017 à l'IRTS de Talence

Anticipation et reserves foncières

Plusieurs causes à cela selon lui. D’abord, « les pouvoirs publics ont inversé les priorités, faisant passer la production de logements avant le logement lui-même. Désormais ce qu’il faut, plutôt que le revenu universel c’est le logement universel, car c’est le socle de tout. Or, avec de la volonté politique on pourrait faire des choses. Il y a des espaces et des lieux» Et de prendre l’exemple des logements trouvés pour répondre aux besoins suite au démantèlement de la jungle de Calais.
Ensuite, l’impulsion de l’Etat sur la production de logements (les fameux « 500 000 logements par an ») a démarré avec un temps de retard. « Un retard qui se cumule d’une année sur l’autre, d’autant que la temporalité du logement, de l’achat du terrain à l’entrée des occupants, est bien plus lent que l’évolution parallèle des besoins en logement, qui elle, ne cesse de croître. » Autre regret de Pascal Paoli : « 60% des opérations de production se déroulent désormais en VEFA ». En d’autres termes, elles sont réalisées par des promoteurs immobiliers privés qui les vendent pour tout ou partie en Etat Futur d’Achèvement aux bailleurs sociaux. Ce qui n’est pas sans poser des interrogations en termes de prix et de qualité de ces logements, suggère-t-il.

« Alain Juppé a enfin compris… »

Sur la question des prix de la production des logements, et donc au final du prix du logement, pointe aussi en terme d’aménagement du territoire, le manque d’anticipation en ce qui concerne la constitution de réserves foncières, et tout particulièrement dans la métropole où le prix ne cesse de grimper plus vite encore qu’ailleurs… Un petit espoir peut-être en la matière, avec l’annonce, de l’adhésion de Bordeaux Métropole à l’Etablissement Public Foncier hérité de Poitou-Charentes, qui étend ses prérogatives à la l’aune de la grande région. « Après s’y être opposé pendant des années, Alain Juppé a fini par comprendre… », glisse le directeur régional.

Après les mots et les idées quelques chiffres tout de même, Pascal Paoli admettant que les proportions de 2014 valent bien celles de 2016, ce sont à l’échelle de l’Aquitaine environ 180 000 personnes qui souffrent de mal logement, 100 000 logements qui sont considérés comme habitats indignes et 17 000 sans confort. Enfin au 31 décembre 2014 plus de 73 000 ménages aquitains étaient en attente d’un logement social.

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