Les Chambres d’agriculture cherchent un nouveau paradigme


Les Chambres d’agriculture vont fêter leur cent ans cette année. De nouveaux défis les attendent pour répondre aux besoins alimentaires alors que les barrages paysans se multiplient sur les routes.

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Charlotte Nommé, nouvelle directrice de la Chambre régionale d'agriculture, Luc Servant, président de la Chambre régionale d'agriculture et Tony Cornelissen, président de la Chambre d'agriculture de la Corrèze ont brossé les grands enjeux qui attendent les agriculteurs néo-aquitains cette année.

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 23/01/2024 PAR Corinne Merigaud

Le centenaire des chambres d’agriculture sera commémoré durant le Salon de l’agriculture de Nouvelle-Aquitaine qui se déroulera, du 18 au 26 mai, au Parc des Expositions de Bordeaux. Un anniversaire qui résonne en cette année de mise en œuvre des nouvelles politiques agricoles et du dispositif régional sur l’installation/transmission. « Les Chambres d’agriculture sont attendues, affirme Luc Servant, président de la Chambre régionale d’agriculture, on a envie de parler renaissance ou nouveau départ par rapport aux enjeux. La production agricole, la souveraineté et la sécurité alimentaire ainsi que la compétitivité sont de très grands défis qui se présentent à nous. »
Malgré un climat « plus sympathique » l’an dernier qu’en 2022, les pluies de l’automne et du début d’hiver ont retardé et empêché les semis sur une grande partie de la région.

Accompagner la transition écologique

La maladie hémorragique épizootique ou MHE est arrivée en Nouvelle-Aquitaine cet automne obligeant à « garder un oeil vigilant car nous avons des craintes pour le printemps annonce-t-il, la production de bovins a déjà été fortement impactée. Cette crise aura des conséquences lourdes pour l’élevage en particulier en Limousin. » Une crise sanitaire qui s’ajoute aux contraintes fortes subies par les agriculteurs de la région en raison « de fortes fluctuations des prix de vente et d’achat, des rendements difficiles à gérer et la transition écologique qui est fortement demandée et qu’on nous demande d’accompagner. Cela doit se faire dans le souci du maintien des productions et de solutions trouvées. »

Retrouver la place de n°1

Depuis l’an dernier, le grand Est est devenue première région agricole de France en termes de chiffre d’affaires reléguant la Nouvelle-Aquitaine au second rang. Pour retrouver sa place, celle-ci doit maintenir sa production « ce sera l’objectif n°1 » assène Luc Servant. Plusieurs raisons expliquent cette relégation, à savoir le changement climatique avec, par exemple, de fortes attaques de mildiou sur le vignoble bordelais. « La région est touchée à l’inverse du Nord qui tire profit du réchauffement climatique » observe le président régional. Autre challenge à relever, la nécessité d’adapter la production: « On veut mettre l‘accent là dessus en 2024 . »
La région détient le plus grande nombre de productions sous signes officiels de qualité (IGP, AOP) et elle a misé aussi sur le bio. Depuis deux ans, ces marchés plafonnent obligeant les agriculteurs à se tourner vers d’autres productions à cause du budget alimentaire des consommateurs qui diminue. « Ils se tournent vers d’autres produits sur lesquels on n’est plus présents ou qu’on importe comme la volaille, les fruits et légumes, la viande bovine avec essentiellement du steak haché et beaucoup de moins de morceaux nobles » remarque-t-il.

La solution passe par des produits plus standards, qui correspondent à la demande, avec un coût de revient moins élevé, sans perdre de vue la transition écologique. Il signale que, cette année, la production de poulets de Loué va baisser de 20 % alors que l’importation de poulets d’Ukraine a bondi de 17 % l’an dernier « des poulets différents montrant que le le marché a évolué. »

On importe plus de 85 % de nos jus de tomates, 800.000 tonnes, principalement de Chine qu’on pourrait très bien faire chez nous.


En Nouvelle-Aquitaine, il évoque « 540 élevages de trop en volailles de qualité » alors qu’en Bourgogne, on réinstalle des élevages de poulets plus standards dans les zones céréalières. « On importe plus de 85 % de nos jus de tomates, 800.000 tonnes principalement de Chine qu’on pourrait très bien faire chez nous. »

La question de la sécurisation de l’eau se pose alors face aux difficultés à mettre des ouvrages dédiés. Les nouvelles politiques agricoles vont se mettre en place cette année en lien avec la PAC. Avec le nouveau dispositif d’installation/transmission de la région, les Chambres d’agriculture souhaitent garder un œil attentif « sur le profil des jeunes qui vont s’installer et les accompagner vers les marchés qui sont là » en restant vigilant sur l’agriculture bio « pour ne pas les emmener dans le mur. »

Baisse des veaux sous la mère

En Limousin, les éleveurs sont également inquiets. « Alors que les Chambres d’agriculture veulent relancer la transmission, on est rattrapé par différents problèmes, la baisse des revenus, la MHE, une maladie sournoise qui commence par des avortements et la stérilité, signale Tony Cornelissen, président de la Chambre d’agriculture de la Corrèze.
Le jeune retraité va lâcher la présidence de la Chambre prochainement, un an avant la fin du mandat, après avoir transmis l’exploitation à son fils.

Il pointe les signaux négatifs que ce soit la « grosse crise de l’élevage au niveau national qui est plus marquée en Limousin » entraînant une très forte baisse de la production et regrettant la baisse de 20 % en un an du cheptel de veaux sous la mère, filière phare de ce département, ainsi que de 20 % de la production laitière en 5 ans au niveau régional.

Pour maintenir l’élevage et les pâtures, il appelle à un changement de paradigme afin de « proposer des productions à valeur ajoutée qui rapportent de l‘économie et des emplois notamment pour les entreprises agro-alimentaires du secteur.» Une conjoncture qui interpelle de plus en plus les élus et le Parc naturel régional qui demandent aux agriculteurs de se lancer dans la transition. «Une exploitation qui se crée c’est presque 5 emplois qui participent au maintien des populations rurales et des commerces, ajoute-il, on doit travailler ensemble, voir ce qui est possible et souhaitable » en n’écartant pas la production de poulets standard et de cochons.

Il appelle de ses voeux un « réel plan de reconquête humain, alimentaire et environnemental de productions. On n’a pas envie de laisser s’éteindre l’agriculture comme les chiffres l’annoncent avec demain moins d’un agriculteur par commune, renchérit-il, c’est inimaginable et les maires commencent à s’inquiéter. Demain, on aura encore plus besoin de manger.»

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