Le pari de la ligne Bordeaux-Lyon se complique pour Railcoop


Les dirigeants de Railcoop reviennent sur leur annonce de reporter le lancement de la ligne Bordeaux-Lyon. Le projet persiste, mais sans date de réalisation connue.

Image d'illustration - Rail voie ferrée - jonctionTama66- Pixabay

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 12/04/2022 PAR Solène MÉRIC

Promise au 11 décembre 2022 par la coopérative Railcoop, la ligne Bordeaux-Lyon, qui doit desservir en région, les gares de Libourne, Périgueux, Limoges, Saint-Sulpice-Laurière et Guéret, va encore devoir attendre. L’opérateur coopératif, nouveau venu sur le marché des services ferroviaires désormais ouvert à la concurrence, a décalé pour une seconde fois et à « une date indéterminée », le lancement de cette ligne. En cause notamment, le financement du projet à 30 M€ qui n’est toujours pas bouclé. Loin d’abandonner l’idée, l’équipe dirigeante reste mobilisée et appelle à la mise en place d’un système de garantie public afin de rassurer des banques frileuses à la soutenir.

« Ce n’est pas simple. Comme toute entreprise qui se monte, on a par moment des difficultés, on perd de l’argent. Mais ces obstacles, on les lève au fur et à mesure. Nous n’avons pas d’inquiétude sur notre pérennité », tient à rassurer Alexandra Debaisieux, directrice générale déléguée de Railcoop. L’heure est donc au message de confiance.

Confiance, car comme le rappelle son président Dominique Guerrée, « Railcoop a déjà franchi un certain nombre d’étapes dont l’obtention de la licence d’entreprise ferroviaire il y a plus d’un an et du certificat de sécurité unique qui a permis le lancement d’un service fret en novembre 2021. » Tout cela en 28 mois d’existence d’une équipe qui compte aujourd’hui 34 salariés, appuie-t-il.

Frilosité des banques

Du côté des obstacles financiers, il rappelle que la coopérative a levé 7 millions d’euros en fonds propres auprès de 12 000 sociétaires de la SCIC (société coopérative d’intérêt collectif). Principalement des personnes physiques mais aussi 200 entreprises et associations, ainsi qu’une trentaine de collectivités locales.

Sa déléguée générale adjointe de préciser que la coopérative continue les levées de fonds auprès des sociétaires personnes morales. « Notre enjeu est de lever les obstacles en travaillant la diversité du sociétariat mais aussi par l’émission de titres participatifs, qui permettent l’investissement dans le projet d’acteurs extérieurs ». Elle cite l’exemple de la Confédération générale des Scoop (CG Scoop) qui a donné son accord pour un accompagnement de 500 000 euros en titres participatifs en plus d’un accompagnement sur le volet juridique ou un soutien du projet auprès de la Banque des Territoires.

Si les responsables semblent avoir bon espoir sur le bouclage financier lié à l’achat et à la rénovation du matériel qui pèse environ la moitié du coût du projet (soit 15M€), c’est le financement du risque d’un service ferroviaire non exploité, autant dire l’accès à l’emprunt, qui apparaît le plus problématique. Une enveloppe couvrant les 50% restant du projet, donc près de 15 M€ aussi. La coopérative fait ici face à une frilosité de certains acteurs bancaires « au regard du caractère très innovant du service proposé », puisqu’il est le premier du genre, commente Aurélien Hiraux, en charge des outils financiers de la CG Soop, et allié affirmé et enthousiaste de Railcoop.

Les nouveaux acteurs ferroviaires, un « impensé » de l’ouverture du marché ?

Pour tenter de faire sauter quelques verrous, et attendrir le regard des banquiers, les dirigeants de Railcoop sollicitent un système de garantie par les pouvoirs publics, qu’ils soient Région ou Etat. En effet, le financement du risque, est une condition sine qua non à la réalisation de ce nouveau service voyageurs, complémentaire au service public assuré par la SNCF.

A ce propos, Nicolas Debaisieux dans son message aux pouvoirs publics, pointe un élément qui ne vient pas faciliter la tâche de ce nouveau venu du transport ferroviaire. « L’ouverture du marché ferroviaire a été pensée en estimant que seuls les gros acteurs européens y rentreraient et qu’il n’y avait donc pas besoin d’un mécanisme d’amorçage, comme cela existe dans de nombreux secteurs d’activité, pour soutenir les petits nouveaux. Or, nous sommes parmi les premiers à arriver. C’est un vrai questionnement que nous posons à l’Etat et aux collectivités locales : le secteur ferroviaire peut-il aussi voir émerger de nouveaux acteurs qui ne sont pas les acteurs historiques ? » Face à cet « impensé », Railcoop « avance en marchant ». Le système de garantie « pourrait faire bouger les lignes », espèrent les dirigeants.

Une rame X72 500 d'Alstom, lemodèle que Railcoop compte mettre à disposition sur sa ligne Bordeaux-LyonFr.Latreille

Une rame X72 500 d’Alstom, le modèle que Railcoop compte mettre à disposition sur sa ligne Bordeaux-Lyon

Huit rames X72500 à rénover

Outre les difficultés sur le financement, un second obstacle barre la voie à Railcoop : la rénovation des 8 rames X72500 cédées à la coopérative par SNCF Voyageurs. Là aussi le délai se rallonge. Un mal pour un bien, car cela permet « un gain financier », explique Dominique Guérrée. « Avec une mise en circulation en décembre 2022, une première rénovation de niveau 4 aurait été nécessaire, puis un an plus tard celle de niveau 5, qui correspond à l’opération de mi-vie. Donc deux rénovations au lieu d’une ». A toute chose, malheur est bon. 

Cela dit, des désaccords apparaissent sur le coût de ces rénovations entre Railcoop et les industriels. Afin de s’assurer de l’investissement à y mettre et poser un diagnostic précis de l’état des rames, datant des années 1990 ou 2000,« Il y a besoin de « dérisquer » le matériel », explique le directeur général de Railcoop. « Nous allons faire entrer en atelier une première rame pour faire son évaluation. C’est une question de semaines », assure-t-il. Autre élement pesant sur l’incertitude calendaire qui se pose à Railcoop : l’absence de réponses des industriels sur leurs délais pour mettre en oeuvre et réaliser ces rénovations.

 

Une activité fret « à booster »

Si, en l’état, les dirigeants concèdent « avoir levé le crayon » sur les autres lignes voyageurs pressenties après la symbolique Bordeaux-Lyon, la mobilisation de l’équipe se porte aussi sur le fret. En effet, bien que lancé depuis la fin d’année, « le projet initial ne marche pas comme prévu du point de vue commercial » , reconnaît la coop. En cause notamment, les frais logistiques des premiers et derniers kilomètres d’une stratégie qui se voulait conçue autour de « tout petits volumes ». Afin de booster la dimension commerciale de ce segment, une réorientation vers des volumes plus conséquents est en cours. Et quelques premiers contrats « intéressants » s’annoncent. Mais la mobilisation reste de mise.
A ce train là, tant sur le fret que sur le transport voyageurs, l’année s’avère cruciale pour la jeune coopérative.

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