Le logement solidaire face à la crise : entre désarroi et espérance


Pxhere.com

Le logement solidaire face à la crise : entre désarroi et espérance

Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 04/02/2021 PAR Solène MÉRIC

Parmi les valises, « la notion de  »misère » réapparue en lien avec l’exclusion sociale, culturelle sociétale… Bref, l’exclusion humaine que la crise a provoqué », cite immédiatement Marie-Christine Darmian, appuyée dans son constat par Emmanuelle Causse. « Cette misère on ne peut pas faire comme si on ne l’avait pas vue. Et en plus elle dure, avec une insécurité alimentaire qui s’ajoute à ce qu’on pouvait connaître avant », dénonce-t-elle avec tristesse.
Autre valise portée au plus fort de la crise sanitaire pour la présidente de l’Union social de l’habitat : « les conditions de travail des acteurs du logement et de nos salariés qui ont du parfois ouvrir des centres d’hébergement sans équipements de protection. Ou encore la nécessité d’avoir du se battre avec acharnement pour pouvoir maintenir ouvertes nos agences de proximité. Elles sont bien souvent le premier lieu de contact social pour nos bailleurs mais aussi utile pour le repérage de locataires nécessitant la mobilisation d’aides, alimentaires ou sociales… »

« Nous nous sommes sentis beaucoup trop petits »
Pour Anne-Cécile Dockès, c’est un certain sentiment d’impuissance, dont elle fait état. L’association qu’elle dirige, vise, face à l’envolée des prix immobiliers à Paris et désormais Bordeaux, à organiser des projets de colocations étudiantes dans des appartements du parc social. « Nous louons aux bailleurs sociaux de grands appartements que nous meublons et équipons puis que nous sous-louons en colocation à des étudiants, avec pour chacun des baux individuels », détaille-t-elle. « Habituellement nous nous voyons comme un petit complément du CROUS à destination des étudiants trop  »riches » pour bénéficier de ces logements CROUS mais trop pauvres pour pouvoir se loger dans le parc privatif… Là, avec l’arrêt des jobs étudiants notamment, nous avons eu un afflux énorme de jeunes qui habituellement arrivent à se loger dans le parc privé… Notre valise, c’est que nous nous sommes sentis beaucoup trop petits face à cette vague. »

Une impuissance ressentie finalement à tous les niveaux, y compris jusqu’à la vice-présidence du Conseil départemental. « Ma devise, rendre possible l’impossible, en a pris un sacré coup », reconnaît Martine Jardiné. Et là aussi le sentiment d’être submergée : « On a été confronté à la misère et à l’absence de possibilité de réponse car il y a eu des demandes exponentielles liées à la question des violences intra-familiales et de conflits de voisinages notamment », reconnaît-elle visiblement encore un peu sonnée par une forme de désillusion. « J’ai eu l’impression que tout ce qu’on avait mis en place et tout ce qu’on avait amélioré, tout s’écroulait », avoue-t-elle. Au total « un sentiment d’impuissance avec une problématique lourde de la question des espaces, des conditions de vie, d’insalubrité parfois, de voisinage, de petites pièces, d’absence d’accès à l’extérieur… Des choses que l’on ne voit pas forcément ou en tout cas que l’on supporte ou avec lesquelles on  »fait avec »… tant que l’on sort librement de chez soi. Mais qui deviennent invivables dès lors que vous y êtes enfermés du matin au soir ».

 » Il faut un sursaut des élus pour plus de logements sociaux ! « 
Un constat assez terrible qu’Emmanuelle Causse décide de voir comme un « point positif », un « ballon » de cette crise. « La promiscuité est invivable. Le sujet de l’espace disponible pour chacun doit amener demain à rouvrir des débats », espère-telle. De même que celui de l’accès à l’extérieur, à des terrasses » ajoute Martine Jardiné dans la même idée. En d’autres termes, revenir à un confort de vie, finalement basique et évident mais un peu trop délaissé au profit d’autres priorités. Autre « ballon » pour demain dans la vision d’Emmanuelle Causse : « il faudra se battre pour des loyers abordables, c’est une nécessité sociale, pas seulement politique. Demain il faut un sursaut des élus des territoires (communes et EPCI, ndlr) pour produire plus de logements sociaux, qu’ils mettent à disposition des m2 pour les bailleurs ». Une affirmation d’autant plus forte qu’elle rappelle que les chiffres de 2020 sont particulièrement mauvais en termes de nombre de projets de logements sociaux accordés par les collectivités.
Autre enjeu, plus large qu’elle souligne, la question du lieu de vie au-delà même du logement mais aussi des EPADH, des Résidences autonomie… « Un sujet qui vaut aussi pour les jeunes, quels modes d’habitats on imagine, et comment on intègre le vivre ensemble… »

De nouvelles formes d’habitats à inventer
Le vivre ensemble sans la promiscuité, c’est justement le ballon d’Anne-Cécile Dockès : « notre vision de la collocation, avec chacun son espace, a été fondamental durant la crise. Dans nos appartements il n’y avait pas d’étudiant seul toute la journée face à un écran ou seul le soir… ». Une remarque important au regard des dégâts psychologiques des différentes formes de confinements causées sur la population et notamment chez les jeunes.
Le vivre ensemble sans la promiscuité c’est aussi sans doute de nouvelles formes d’habitats à inventer, à l’image du projet « maison tortue » porté par Alexandre Brun, candidat au budget participatif de la Gironde. Un projet « en balbutiement », né il y a quelques mois à peine et dont la vocation est « de pouvoir avoir accès à la propriété en dissociant le bâti du foncier avec deux types de logements principaux : l’habitat léger (les tiny houses), facile et rapide à mettre en place et des habitats modulables réalisés à partir de conteneurs maritimes ». Le tout organisé sur des terrains adaptés pour créer des éco-villages, des villages étudiants ou intergénérationnels… Anne-Cécile Dockès et Alexandre Brun ont pris contact, le monde d’après est en marche.


A lire aussi sur l’évènement « Solutions solidaires »: Solidarités : « la participation citoyenne est essentielle » – Jean-Luc Gleyze

Partagez l'article !
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Laissez vos commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

On en parle ! Nouvelle-Aquitaine
À lire ! SOCIÉTÉ > Nos derniers articles