« C’était il y a 40 ans… » Bertrand Favreau, avocat, diplômé de Sciences Po en 1968, revient sur ses années d’étudiant et sur… mai 68


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« C'était il y a 40 ans... » Bertrand Favreau, avocat, diplômé de Sciences Po en 1968, revient sur ses années d'étudiant et sur... mai 68

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 31/10/2008 PAR Piotr Czarzasty
C’était en 1965. Bertrand Favreau et ses camarades sont plus d’une centaine à rentrer en première année de Sciences Po. L’institut est encore jeune et a du mal à affirmer son autonomie. « On avait des cours communs avec la fac de droit, mais on y allait souvent aussi parce que, tout simplement, Sciences Po manquait d’amphithéâtre à l’époque. » raconte M. Favreau. L’IEP avait néanmoins sa propre bibliothèque, « … qui était d’ailleurs dans un désordre épouvantable. » se souvient-t-il. « Pour changer de salle qui se trouvait à un autre étage il fallait passer par la bibliothèque ; c’était donc tout sauf un lieu tranquille où l’on pourrait lire et réviser en paix. »

Sciences Po au 4, rue du Maréchal Joffre…
Les anciens locaux avaient tout de même un certain charme : « Je me rappelle que lorsqu’on empruntait l’escalier on passait toujours devant la porte de la concierge, et le soir avec les odeurs qui se dégageaint de sa cuisine on pouvait toujours deviner quel était le repas du soir. » La vie de l’Institut fut, bien que moins qu’aujourd’hui, assez animée. Deux évènements en particulier marquaient l’année universitaire : les élections étudiantes et la venue d’un grand homme politique un fois par an. « Une fois, en 1966 je crois, c’était Maurice Duverger qu’on accueillait à l’IEP ; il devait présenter son nouvel ouvrage « La démocratie sans le peuple », tout tournait autour de ça déjà un mois avant, à tel point qu’on nous demandait de préparer des questions. » Les élections furent non moins mouvementées : « C’était des rivalités permanentes entre les différentes équipes candidates ; l’enjeu reposait sur les polycopiés ; chacun promettait d’en faire plus que la dernière équipe. Elle n’y arrivait pas bien sûr et l’année suivante une autre équipe la succédait sur les mêmes promesses, que tout le monde savait impossibles à tenir. »

Un rally automobile avec des questions de culture G.
Mais ceux-ci nétaient pas les seuls divertissements : « On organisait un rally automobile aussi. » raconte M. Favreau. « Il se déroulait en Gironde et passait notamment par Blaye, Saint-Emilion, Libourne ; les coureurs devaient, sur les différentes étapes, répondre à des questions pointues de culture générale ou à des énigmes. » Les questions de logistique étaient cependant plus difficiles à maîtriser : « Il fallait obtenir l’autorisation de la préfecture et puis tout le monde n’avait pas de voiture, chacun l’empruntait en général à ses parents. » rappelle-t-il. Puis c’est la grande rupture. durant l’été 1967, Sciences Po déménage vers le campus de Pessac.

Pessac, un nouveau chapitre
« Je me souvient encore des consignes du directeur, qu’il rappelait souvent d’ailleurs, « On a eu du mal à avoir ces locaux, donc s’il vout plaît ne les abimez pas. » nous disait-il. » Des locaux neufs et modernes, avec, enfin, deux amphithéâtres, Sciences Po montrait une nouvelle image d’un établissement performant doté non seulement de cadres mais aussi d’équipements de très haut niveau. La vie pour les étudiants par contre, se complique : « C’était le co-voiturage permanent, on n’avait plus trop d’endroit pour sortir non plus.» rappelle M. Favreau. « Mais ce déménagement a permis de connaître pas mal de monde, qui venait de différentes facs, et plus uniquement de droit. » Le mode de vie, notamment sous l’esprit de mai 68, traversait un petit bouleversement, « C’est le jean qui apparaît, costards et cravates disparaissent peu à peu, la grande famille de Sciences Po connaît de même un brassage qui se fait de plus en plus resentir. »

Mai 68, « bouillonant » mais sans plus
L’IEP ne se retrouve pas pour autant perturbé par le mouvement de mai 68 : « Pas une seule minute l’établissement n’a été occupé. » souligne Bertrand Favreau, « Tout le monde demeurait tout de même dans un état d’alerte, très attentif à ce qui se passait. Faut pas croire, Sciences Po bouillonait de l’intérieur. » Mais comme il le précise en même temps : « Tout s’est déroulé à la manière Sciences Po, dans une culture de débat, très agitée certes, sans excès pour autant. » L’enjeu ne semblait d’ailleurs plus valoir la chandelle pour les étudiants de Sciences Po : « On avait passé la majorité de nos examens déjà en avril, il nous restait plus qu’une épreuve à vrai dire. » se souvient M. Favreau. Le directeur de l’établissement M. Mabileau ne perdait pas l’occasion de le leur rappeler : « Il nous disait : « A quoi bon boycotter maintenant, alors que vous avez fait le plus dur ? Soyez gentils, passez l’examen. » » Le plus grand moment de tension lié à mai 68 eut lieu lors du discours radio prononcé par le général De Gaulle. « On était tous rassemblés au pied de l’escalier de l’amphithéâtre Montesquieu où on avait installé des transistors pour écouter le discours… » raconte M. Favreau, « Tout le monde s’attendait bien sûr à une réaction très ferme de la part du général, on le voyait tous déclarer l’Etat d’urgence et envoyer les chars pour disperser tout ce beau monde. Inutile de vous dire la déception de certains, lorsque l’on a appris qu’il ne s’agissait finalement « que » d’une dissolution de l’Assemblée. »

Sciences Po, l’incontournable
Les émotions une fois tombées, Bertrand Favreau devient aussitôt un heureux diplômé de Sciences Po Bordeaux. Un diplôme dont il est fier et qui lui rappelera toujours de bons souvenirs. « Quand je pense à Sciences Po, j’éprouve une grande reconnaissance. » dit-il. « C’est une école qui m’a rendu curieux, qui a suscité mon intérêt pour des choses que j’ai pu développer par la suite. » M. Favreau va même jusqu’à affirmer que c’est une formation dont on ne peut se passer. « C’est une école qui apprend à apprendre, elle n’oriente pas forcément vers un chemin précis mais permet d’y voir plus clair. Je ne serais sûrement pas un bon avocat aujourd’hui si je n’étais pas passé par Sciences Po. »

Piotr Czarzasty

Photo: tom.newens



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