La Métropole dispute logement et transports


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La Métropole dispute logement et transports

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Temps de lecture 12 min

Publication PUBLIÉ LE 22/12/2017 PAR Romain Béteille

En Rose et Vert

Ce jeudi, en conseil de métropole, c’était un peu la foire d’empoigne des propositions. Il faut dire que les élus, de l’opposition comme de la majorité, auraient sans doute eu tort de manquer cette séance « extraordinaire » de fin d’année consacrée aux politiques de logement et de mobilité, face à un engorgement routier et une flambée des prix de l’immobilier sur l’agglomération bordelaise qui font grincer des dents depuis plusieurs mois. Chacun y est ainsi allé de sa propre vindicte, ce qui a considérablement allongé la durée des débats. Le groupe des écologistes (de la région, du département et de la métropole) a émis l’intention, concernant les transports, d’envoyer une lettre au Ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, afin d’apporter leurs contributions aux assises nationales de la mobilité. Autant dire que ces derniers sont très moyennement emballés par le spectre du grand contournement de la rocade : solution à trop long terme, coût prohibitif et destruction de l’environnement sont évidemment revenus comme un mantra inoxydable dans la bouche du président départemental du groupe EELV, Stéphane Saubusse. La suite de l’élargissement de la rocade y est nettement préférée, à la condition qu’une voie soit réservée aux transports en commun et au covoiturage, l’incitation de ce dernier par le développement de nouvelles aires étant d’ailleurs chaudement recommandé par les écologistes, transformant aisément les milliards d’un grand contournement aux quelques millions nécessaires pour les développer. Du côté des socialistes, on préfère « l’usage » aux « tuyaux », éléments de langage déjà évoqués par Vincent Feltesse lors de sa dernière profession de foi.

Les propositions des élus PS veulent aller dans ce sens, rajoutant aux recommandations des verts l’utilisation de la bande d’arrêt d’urgence aux heures de pointe, des parkings de rabattage pour les camions, une politique volontariste (Bureau des Temps, télétravail, création de « tiers lieux métropolitain »), une écotaxe régionale et un péage urbain ou encore élargir la politique de stationnement à l’ensemble de la métropole. Si le sujet de l’écotaxe avance, pour le reste c’est un peu plus compliqué… « Nous sommes face à un afflux centripète des salariés. Rien que sur les trois zones du CHU, du centre-ville et de l’Université, c’est plus de 25 000 salariés, sans compter les étudiants. Même si le CHU mène une politique de réduction des utilisateurs de voiture, ce n’est pas suffisant. On oublie deux critères : le fait que les femmes n’ont pas les mêmes contraintes et possibilités de mobilisation, et le fait que 50% des habitants, en raison de leur âge, ne peuvent pas se déplacer fréquemment en vélo », expliquait ainsi brièvement Michèle Delaunay mercredi soir. Cette dernière milite d’ailleurs pour une réelle incitation financière à l’achat de véhicules électriques, comme c’est le cas à Paris, qui « pourrait être en fonction des revenus ». Emmanuelle Ajon, de son côté, regrette l’absence de bornes de stationnement de VCub dans certains quartiers excentrés, comme la Benauge ou Caudéran. De même, elle serait largement favorable à une « carte d’accès » globale de mobilité, une sorte de tir groupé entre abonnements de trams, de bus, de Vcub, voitures électriques ou autres, comme c’est par exemple le cas à Oslo. Enfin, l’élue de la majorité départementale dénonce un manque de dialogue criant entre les différentes institutions, ce qu’elle illustre par l’exemple échaudé des dernières assises de la mobilité, au sein duquel elle trouve « absurde que les contributions de chacun aient été apportées sans avoir un noyau dur commun ». « Il faut amorcer un virage, mais ne pas changer de cap », métaphorise Vincent Feltesse.   

Des pistes à plus court terme

Du côté de la majorité municipale, le maire de Bordeaux, Alain Juppé, a semblé ce vendredi vouloir répondre point par point aux critiques effectuées par les différents groupes de l’opposition, dénonçant globalement un immobilisme et des projets à trop long terme encombrants. Par exemple, alors qu’un parking de 960 places pour le futur parking de l’Arena de Floirac a été acté et que la métropole réfléchit déjà à un nouveau cadencement des bus, la question de l’affluence dans ce secteur pose toujours question. « Il faudra venir par d’autres moyens que la voiture. Il faut réfléchir à des solutions transitoires, on peut avoir des dessertes de bus à partir de certains parkings. J’ai par exemple entendu hier certains élus nous dire qu’il fallait absolument doubler les capacités du parc-relais de la Buttinière, je le demande depuis cinq ans mais la ville de Lormont a lancé un programme immobilier sur le terrain voisin qui va retarder cette extension. Il faut aussi parfois être cohérent dans ses objectifs, ce qui n’est pas toujours le cas… » élude le maire de Bordeaux. Engorgement de la rocade, politique de TER déficiente, activation réelle d’un futur grand contournement ? Pas forcément à la seule charge de la métropole, qui va quand même « continuer à assumer ses responsabilités, mais il y a des domaines où ce n’est pas elle qui est en première ligne. Je rappelle que c’est l’État qui est le propriétaire de la rocade et qui la gère. S’il y a un jour, et je le souhaite de tout coeur, un contournement de Bordeaux, c’est l’État qui en sera le maître d’ouvrage puisque ça débordera largement du territoire de la métropole (…), il y a des serpents de mer qui finissent par s’imposer petit à petit… Pour tout ce qui concerne le ferroviaire et notamment les TER, c’est la région qui est l’interlocuteur de la SNCF. Ce n’est pas du tout pour renvoyer le bébé à d’autres, mais nous devons agir collectivement ».

Le regroupement des institutions souhaité par l’ancien conseiller de François Hollande sur la question des transports semble par ailleurs prendre forme. « Nous avons été unanimes à lancer un appel pour que les Présidents de la Région, du Département et de la Métropole se rencontrent le plus rapidement possible et mettent en place ce syndicat des transports que j’appelle de mes voeux depuis trois ans ». Et le court-terme, alors, on y pense ? Visiblement, si l’on en croit la délibération proposée en guise de retour des assises de la mobilité, qui rappelle que la part modale de la voiture baisse selon les résultats provisoires d’une enquête réalisée en septembre-octobre sur un pannel de 3000 habitants, situant pour la première fois la part de la voiture en dessous de 50% (contre 59% en 2009), compensée par celles de la marche à pied (25% mais impossible de savoir si c’est pour de bonnes raisons…) et du vélo (entre 7 et 8%). Pour faire face  aux mutiples obstacles en termes de politique de mobilité (sous-dimensionnement de la rocade, transit des poids lourds, capacités financière de l’État bloquées à dix millions d’euros par an sur la rocade, absence de solutions de transports alternatifs en zone périurbaine, saturation du réseau TBM), des réponses veulent visiblement être apportées par la métropole. « Les élus socialistes de Bordeaux n’ont pas beaucoup d’idées nouvelles, notamment sur la mobilité où j’ai été frappé par l’indigence de leurs propositions, qui consistait à reprendre à peu près tout ce qui figurait déjà dans le plan stratégique. J’ai proposé une liste d’une vingtaine d’actions sur trois ans. J’ai bien conscience que parler aux bordelais et aux métropolitains d’un contournement qui se fera peut-être dans quinze ans, ce n’est pas de nature à améliorer leur vie quotidienne. Ce que nous souhaitons aussi, c’est prendre des mesures de court-terme. Un groupe de travail a été constitué pour les passer au peigne fin, nous les approuverons je l’espère avant la fin du prochain trimestre », professe le maire de Bordeaux. Sans détailler la totalité des propositions, citons par exemple la fin (actée par l’État) de la piste cyclable sur le pont Mitterrand (qui ne fait pas que des heureux), l’achat de dix nouvelles rames de tramway pour conforter les lignes A,B et C, le deuxième « plan vélo »,  ou encore la concertation sur la liaison « Gradignan-Talence-Bordeaux-Cenon » qui démarrera à la rentrée de septembre prochain. À voir si toutes ces pistes aboutiront à des améliorations réelles, mais ne doutons pas que ces propositions devraient se retrouver dans les ordres du jour des prochains mois même s’il y a peu de chances que l’idée (proposée par Gilles Savary en novembre) d’un métro bordelais ne fasse partie des pistes envisagées…

« Urbanisme de pacotille »

Deuxième chantier, et non des moindres, celui du logement. Là non plus, les socialistes n’y vont pas de main morte. Logement de plus en plus cher, « urbanisme de pacotille », création de banlieusards métropolitains favorisant un refuge et un enchérissement de l’ancien face à une « crise de l’habitat », projets d’aménagement jugés « monumentalistes » : l’opposition fait plus dans le vitriol que dans la dentelle. Il est vrai que les chiffres que ces derniers donnent ne poussent pas vraiment à l’optimisme autant que le sont les projets des promoteurs : 9000 nouveaux habitants par an de 2009 à 2014 (contre 4000 entre 2006 et 2011), 9000 logements par an dont 75% de la production départementale situés sur le territoire de la métropole, un loyer qui grimpe à 3800 euros du mètre carré en moyenne (soit 10% de plus en quatre ans). Enfin, elle dénonce le retard pris sur la politique de logement social (bien réel mais à nuancer  selon les communes), légèrement supérieur à 17% contre 15% en 2001. La création d’un Établissement Public Foncier ne connaîtra pas ses premiers effets avant plusieurs années. De même, Emmanuelle Ajon cite la part trop importante de logements défiscalisés : 70% des logements neufs (le contre-exemple étant lyonnais, où 65% des logements sont créés pour les primo-accédants (50% pour la moyenne nationale), pour un revenu médian de 2400 euros représentant 90% de la demande bordelaise en locatif. « Le quartier de Ginko est en mauvais état, il y a un turn-over incroyable des habitants. Pour la ZAC Niel, on n’a même pas encore posé la première pierre que c’est déjà has-been, construit sur une multitudes de dérogations à l’environnement et à l’urbanisme, formant un urbanisme monumentaliste qui vient écraser le quartier. On construit un éco-quartier aux sols pollués et soumis à 70% à la défiscalisation (…) Il faut savoir pour qui et pourquoi on construit », expose l’élue socialiste.

Au rayon des idées proposées, on trouve un aménagement du territoire plus étalé faisant ainsi un pied de nez à la « métropole millionnaire » (comme quoi, les formules tendances, ça va ça vient…) pour éviter « d’assécher les villes moyennes », établir des contrats d’axe TER/Ville hors métropole en partenariat avec les différentes institutions, éviter la sur-densification de certains nouveaux quartiers ou de quartiers existants, comme celui du Grand Parc « en ayant conscience des capacités financières des bailleurs sociaux, limitées suite aux annonces gouvernementales » rajouter « de qualité » et « transmissible  ou revendable sans pertes » à l’objectif « produire du logement », anticiper la transformation des Boulevards, mettre en place un « observatoire des co-propriétés ou encore signer une convention avec les promoteurs pour éviter que les nouveaux programmes immobiliers ne dépassent le seuil des 50% de produits d’investissement dans les programmes immobiliers. Dans les faits, cette mesure est, selon le Président de la métropole, plus facile à dire qu’à faire. Ce dernier y va d’ailleurs de ses propres chiffres, sourcés au sein de L’Oiso (pour Observatoire Immobilier du Sud-Ouest), dont on apprenait en 2016 que les ventes en secteur aménagé (comme les ZAC, par exemple) représentaient 39% du marché métropolitain et 73% sur la ville de Bordeaux (Bassins à flot et Euratlantique en tête).

Vers un urbanisme « raisonné » ? 

Selon un dernier rapport dudit observatoire cité par Alain Juppé, ‘la part de vente aux occupants représente 30%, la vente à des investisseurs 70%, cette dernière a reculé de quatre points. À Bordeaux, la situation est meilleure, puisque la part investisseur n’est que de 58% contre 42% pour les occupants. Ça dépend aussi des communes : sur les neuf ventes réalisées à Ambès, on est à 100% de part d’occupants. On n’a pas de moyens d’action », déplore-t-il. « Ce qu’on pourrait éventuellement demander, c’est une mesure législative qui plafonne les avantages de la loi Pinel, de façon à ce que les investisseurs soient moins présents, mais nous n’avons malheureusement pas les outils à notre disposition pour le faire. L’urbanisme négocié, comme on l’a pratiqué aux Bassins à Flots, permet notamment de traiter la question de la densification. C’est le travail que Jacques Mangon (maire de Saint-Médard-en-Jalles et élu à la métropole en charge de l’urbanisme) est en train de faire. Aujourd’hui, il y a incontestablement une surenchère sur le foncier. Quand les promoteurs voient un terrain, ils se questionnent sur ce qu’ils peuvent construire au maximum en fonction du PLU (plan local d’urbanisme), ce qui fait monter les prix. Notre démarche est de dire que compte tenu du contexte et de la politique de chaque municipalité, il n’est pas évident qu’on souhaite aller à la densification maximum. Dans le cadre du dialogue entre l’autorité qui délivre le permis de construire et le promoteur, on se met d’accord sur une densité idéale et on en conclut la valeur vénale du terrain qui n’est pas forcément la valeur de densification maximum. Les constructeurs sont en train d’y adhérer, si les négociations aboutissent, on pourra adopter une charte qui substituera la valeur à densité souhaitée à la valeur à densité maximum ». Reste qu’on fait dire ce qu’on veut aux chiffres. Selon ceux du cabinet Adéquation dévoilés en novembre, 1341 logements ont été vendus sur la métropole au cours des neuf premiers mois de 2017, soit 7% de plus qu’à la même période en 2016 mais 85% de plus par rapport à 2015. Sur le neuf, l’évolution est en hausse de +15% (4217 ventes). Globalement, la hausse des prix de vente a surtout bondi sur les T2 (13,2%) avant de le faire sur les T3 (+7,5%) et les T4 (+1,6%) de manière moindre. De même, si Bordeaux tente de diminuer sa part de logements vendus à des investisseurs, elle reste la seule ville à dépasser la moyenne de l’agglomération en termes de prix au mètre carré : 4200 euros (+6,5%) contre 3320 euros (+2,4%) pour une rive droite jugée en décrochage selon les responsables de l’Oiso.

Précisons également qu’en terme de mesure sur le « mal logement », les élus ont validé la mise en place d’une future « plateforme partenariale de repérage et de traitement des situations », dont on devrait reparler des les prochains mois. En attendant, pas de discours alarmiste pour la métropole. « Nous souhaitons encourager cette diminution de la part des investisseurs dans les programmes, parce que c’est d’abord une façon d’avoir des quartiers habités par des propriétaires qui ont choisi d’y habiter. C’est aussi un élément de pression sur les prix : les investisseurs ont tendance à être plus laxistes du point de vue des prix d’acquisition alors que quand on achète pour soi-même, on est parfois plus vigilant et la commercialisation est parfois plus difficile, raison pour laquelle elle n’est pas majoritaire. Nous allons pousser dans cette direction ». Pour autant, il n’est pas vraiment prévu que ces négociations aient un volet contraignant, cette nouvelle direction souhaitée reposant plus sur les bonnes volontés que sur une obligation quelconque, dans le but évident d’éviter un recul de l’investissement des promoteurs et de la construction de logement, auquel certains élus de la métropole auraient plutôt tendance à être favorables. « La contrainte dans ce domaine n’existe pas, on ne peut pas l’imposer à des promoteurs privés », précise de son côté le maire de Bordeaux. « On peut négocier par contre. Ils sont prêts à y venir, ils voient bien que c’est dans leur intérêt et ils ne peuvent pas s’affronter non plus à la collectivité. Les discussions ont bien avancé, on est assez optimiste sur la conclusion d’un accord dans les premiers mois de l’année prochaine ». La métropole pourrait-elle aller vers le renforcement des bails réels solidaires (comme c’est le cas à Lille), modèle dans lequel Euratlantique a déjà prévu de prendre une part ? « C’est un outil spéculatif qui peut être utilisé davantage ». Mais ce que craint le plus le maire de Bordeaux, c’est moins l’explosion potentielle de la bulle immobilière que le « Bordeaux Bashing » qui renverraient tous les nouveaux arrivants chez eux aussi sec. « Il faut éviter le dénigrement. La ville de Bordeaux a perdu 100 000 habitants entre le début du 20ème siècle et le début des années 90. Est-ce que c’est ce que l’on veut retrouver ? Une ville qui se vide de ses habitants ? Nous avons transformé la ville qui est devenue une des agglomérations les plus attractives de France, les difficultés de mobilité et les tensions sur le logement en sont les contreparties. Il faut les affronter de façon positive pour trouver des solutions et ne pas passer son temps à dénigrer Bordeaux. Vincent Feltesse a raison : une image, ça met du temps à se construire mais ça peut se dégrader et se casser beaucoup plus vite… ». Voilà qui prouve que même sur les sujets les plus épineux, le consensus peut, même un bref instant, être de mise… 

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