Maintenant que la ligne à grande vitesse en provenance de Tours est arrivée le 2 juillet dernier et a été inaugurée en grande pompe et alors qu’une future ligne reliant Bordeaux à Toulouse est toujours incertaine, la Gare Bordeaux Saint-Jean, récemment rénovée, tente de porter le regard ailleurs. En effet, nous vous avions déjà parlé d’un appel à projets baptisé XP Saint-Jean (il a été lancé officiellement en avril dernier à l’initiative de SNCF Gares & Connexions, SNCF Réseau, Keolis Bordeaux et la fondation Bordeaux Université). Ce dernier vient de se voir attribuer cinq lauréats ce lundi 17 juillet. L’objectif sur le papier est lui toujours le même : « proposer une nouvelle expérience pour les visiteurs en gare ». Et si ça valorisait un peu le patrimoine de la nouvelle gare, ce n’était évidemment pas un mal. Ces cinq lauréats (et six projets primés) se sont vus dotés d’une enveloppe de dotation totale de 65 000 euros (partagés entre les différents partenaires). En tout, plus d’une trentaine de dossiers ont été déposés et 13 retenus devant le jury. Sur les cinq, nous en avons choisi trois et interrogé leurs créateurs.
Gare et accessibilité
Le premier est sans doute le plus spécifique, au moins du point de vue du public visé. Lancée en septembre 2016, l’entreprise Mobalib n’en est pas à son coup d’essai : c’est déjà son « onze ou douzième concours » ou appel à projets, de l’aveu même de sa co-fondatrice Jessica Amrane Delafosse. « Ça nous sert à recueillir des avis d’experts pour pouvoir avancer dans notre propre projet ». Mobalib se présente en fait comme une application « collaborative permettant aux personnes en situation de handicap et à leur famille de trouver gratuitement toutes les informations dont elles ont besoin ». Schématiquement, c’est un peu comme un « Waze » pour personnes en situation de handicap physique (de tout type) : ses propres utilisateurs la font évoluer en tant réel en modifiant les alertes. Développée en lien étroit avec le laboratoire de l’Intégration du Matériau au Système (IMS) de l’Université de Bordeaux, Mobalib propose aussi l’idée d’un trajet « avec le premier et le dernier kilomètre personnalisé, qui compose un itinéraire en fonction du handicap ».
Pour l’instant, c’est un site web gratuit (qui devrait devenir, dans les prochains mois, une application) qui permet de « recommander et trouver des restaurants dans le département ». La réponse à l’appel à projets XP Saint-Jean est donc, pour la jeune société (incubée à la fois à Darwin et à Technowest), un nouvel arceau d’un plus large éventail. « Cette idée répond à un besoin standard, il nous fallait juste un terrain d’expérimentation pour tester des options concernant l’accessibilité et la mobilité en gare. En indiquant les voies réservées aux fauteuils, en donnant des astuces pour les mal-voyants, on se sert de cette application en recherche pour améliorer les normes d’accessibilité au numérique auprès personnes handicapées », affirme François Demontoux, lui-même enseignant chercheur à l’Université. Mobalib s’adaptera donc à la gare en proposant son système spécifiquement pour elle d’ici le mois de novembre prochain, venant ainsi compléter les différentes offres de service déjà proposées par la SNCF. Ce n’est pas la seule actualité pour la start-up, qui vient de se voir récompensée d’un autre chèque (de 5000 euros, celui-là) par la Fabrique Aviva, une opération de mécénat.
Visite guidée, lumières et bornes virtuelles
Notre deuxième choix est lui aussi privé, il s’agit de la toute jeune entreprise Com & Visit. Cette dernière a fondé un site internet (BienvenueEnCoulisses.com) le mois dernier, et propose des visites guidées un peu particulières dans des entreprises ou des lieux emblématiques de la métropole. Affiliée à l’Office de Tourisme, la jeune société tente, selon sa co-fondatrice Sandrine Larrouy Castera, de « centraliser ce type d’offres ». Pour l’instant, l’agence vous permet d’aller (pour un budget allant de trois à douze euros) au Relais (la fameuse entreprise de collecte de vêtements), à la Fonderie des Cyclopes de Mérignac, à Darwin et prochainement à la station d’épuration du cours Louis Fargue. Pour elle, l’objectif de ce nouveau projet (pour lequel elle a reçu 3000 euros) est simple : ajouter une nouvelle visite à son carnet d’adresse. Il fait donc partie de cet onglet « patrimoine » que le jury recherchait tant. Pour sa défense, il faut dire que la Gare Saint-Jean se parcourt en courant plus qu’elle ne se visite. En partenariat avec l’Institut d’Aménagement, Tourisme et Urbanisme et le master Tourisme de l’Université Bordeaux Montaigne, la construction de ce nouveau circuit de visite en gare va donc être créée avec des étudiants lors d’un stage en février. En revanche, vous devriez pouvoir être dans le groupe de visiteurs d’ici l’été prochain.
Troisième et dernier exemple choisi, le projet « Respiration Lumineuse » a été créé par une designer et scénographe indépendante et trois étudiants (le premier en arts décoratifs, la deuxième à Sciences-Po et le troisième à l’Ensap, l’école d’architecture de Bordeaux). « C’est une installation de lumières dans laquelle on va jouer sur la densité et la luminosité de l’éclairage ». Cette installation vise un secteur bien spécifique : souterrains, escaliers et rampes d’accès aux quais, pas vraiment destinés (en tout cas actuellement) à la contemplation. « On veut que ce soit quelque chose de vivant, pour casser l’image du tunnel un peu sombre », nous confie d’ailleurs William, l’étudiant parisien en arts décoratifs. « On formera aussi une signalétique à travers un code couleurs, mais ces installations ne sont pas figées, elles pourront être adaptées lors d’évènements spécifiques ». La suite en fin d’année.
Parce que les deux autres projets ne sont pas moins intéressants que ceux que l’on vient de détailler, citons les également : « Infomeless », destiné à « orienter les personnes en errance (SDF et migrants) vers une structure adaptée via une borne interactive multi-services et une application mobile ». Enfin, citons le projet de l’association Arbalet Living et de l’IUT de Bordeaux, qui implémenteront un « mur de pixels lumineux pour des séances de rétrogaming » et une borne permettant aux voyageurs ou aux visiteurs de la gare de réaliser (gratuitement) des selfies à 360 degrés devant la grande halle. De quoi prendre la nouvelle verrière sous tous les angles…
Développement « durable »
Ce premier appel à projet pourrait, à termes, en amener d’autres, mais le but resterait identique. « On avait envie de reccueillir des idées pour que le passage en gare soit différent, pour les garder sur place mais aussi, peut-être, les appliquer ailleurs », a insisté ce lundi Olivia Perez, directrice des gares de Bordeaux et de la métropole. « Dans les mois qui viennent, on va évaluer les besoins techniques de ces projets pour que ce qui ne sont pour l’instant que des esquisses puissent être concrétisées et respectent notre cahier des charges, même si elles sont déjà réalisables en l’état. On vise des premiers déploiements en fin d’année 2017 », a-t-elle ajouté. De son côté, la communication de la SNCF insiste bien sur un point : « si ces projets rencontrent le succès, ils pourront être déployés dans d’autres gares françaises ». Pour l’heure, Olivia Perez nous a confirmé qu’aucune discussion avec d’autres gares n’était pour l’instant engagée, mais il est évident qu’on veut ici reproduire l’initiative à succès du « piano gare », faisant aujourd’hui quasiment partie des meubles… Et vous, sur laquelle des cinq vous pariez le plus ?