Julien Blanquet ou une installation sur un marché de niche: le lait d’ânesses bio


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Julien Blanquet ou une installation sur un marché de niche: le lait d'ânesses bio

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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 13/05/2019 PAR Solène MÉRIC

C’est dans son petit laboratoire que Julien Blanquet nous accueille. « Trop petit même. J’étais tellement concentré sur la partie élevage que j’ai sous-estimé le coût et l’importance du labo. Il y a des choses à améliorer ici!», reconnaît-il volontiers. C’est dans cette pièce d’environ 6 m2 située dans le sous-sol de sa maison au cœur du village de Lescun, que l’éleveur pasteurise, met en poche et prépare la surgélation de la production laitière de ses ânesses, dans un délai d’une heure après la traite. Production totale de ce jour de mai: 6 litres. C’est un début. En effet, la production est seulement lancée depuis début mai avec les premières mises bas. Sur son cheptel de 20 ânesses, 6 devraient bientôt être à la traite « si tout ce passe bien, car plein de choses pourraient arriver… » , tempère-t-il prudemment.

Un projet cohérent avec ses « exigences »
Installé en hors cadre familial, l’éleveur a tout de même quelques racines agricoles. « Ma grand-mère maternelle était agricultrice à Lescun. Les terres et la grange sont désormais en fermage. » Si Julien a grandi à Pau, c’est bien à Lescun qu’il a passé toutes ses vacances et bon nombre de ses week-end étant enfant. De quoi développer un goût pour le monde agricole, « mais de loin », ponctue-t-il. Pas si loin tout de même puisque c’est au lycée agricole de Montardon qu’il passe son bac S, avant de prendre la direction de Toulouse, pour l’école d’ingénieur de PURPAN. Sorti de l’école, et faisant fi des encouragements de ses professeurs pour une carrière à l’international, il n’en démord pas « mon argument principal de recherche d’emploi, c’était la localisation: le Sud-Ouest. La chasse, le rugby, les copains! ». Un emploi « local » qu’il décrochera au sein de l’abattoir Arcadie de Bayonne où il restera 3 ans et demi, l’occasion d’apprendre le commerce, peu abordé au cours de sa formation. Mais n’ayant « pas la fibre pour travailler dans une grande entreprise » c’est progressivement qu’il imagine un projet agricole, s’intégrant plus largement dans un projet de vie à Lescun.
Courant 2017, il a l’opportunité d’acheter ses premières ânesses. Démarre alors une année difficile entre un travail prenant, un temps de transport important et, 10 ânes (8 femelles et 2 mâles) à soigner. Un mal pour un bien en quelque sorte : « acheter ce troupeau laitier, ça m’a permis de fixer une date. » Julien quitte l’abattoir le 1er janvier 2018, pour se consacrer à son projet. Il lui faudra un an pour le construire, l’affiner, le finaliser et enfin le concrétiser. Il s’installe en tant que jeune agriculteur le 1er janvier dernier. Et le jeune homme sait ce qu’il veut : « une vie de famille, des vacances, une production avec de la valeur ajoutée, un modèle extensif, et tout ça en montagne. Ca commence à faire beaucoup dans le monde agricole ! », sourit-il. Quant au choix des ânes, outre une certaine cohérence avec ses exigences, il s’est fait « un peu par hasard » reconnaît-il. Un projet sur la filière asine laitière lors de sa quatrième année de formation, et une mère qui adorait les ânes auront peut-être fait basculer la balance en leur faveur.

« Un marché de niche sans référentiel ni protocole d’exploitation »
Toujours est-il, que c’est bien avec les ânesses que les choses sont donc désormais et depuis très récemment lancées. Les premières traites, les premières pasteurisations et les premières ventes à des laboratoires, savonneries ou éleveurs qui n’ont pas assez de production sur leur ferme pour la fabrication de leur savon. Car c’est bien là la vocation finale du lait des ânesses de Julien: être transformé en savon ou autres produits cosmétiques. Un marché de niche pour une matière première visiblement recherchée: ses clients l’ont contacté avant même le début de sa production. « Je fonctionne en flux tendus !» Un élément pour le moins rassurant pour le démarrage de l’éleveur pour qui « tout est encore à créer », le tout dans une dans une filière tellement peu développée qu’il n’existe aucun référentiel technico-économique, ni aucun protocole d’exploitation dans les chambres d’agriculture. « C’est un peu le flou artistique de ce côté là… ».
Dans son parcours d’installation, même s’il salue l’efficacité de la conseillère technique de la Chambre, ou encore la formation du parcours Jeune Agriculteur, le plus précieux des coups de main est venu de deux professionnels. D’abord de Patrick Ballet, l’éleveur à qui il a racheté ses premières ânesses, et de Cécile Guichard, de la ferme du Hitton dans le Gers, qui avait elle-même bénéficié des bons conseils du premier et a bien voulu à son tour passer le relais. « Par exemple ; si mes analyses sont bonnes aujourd’hui c’est grâce au protocole de conditionnement qu’ils ont bien voulu partager avec moi… Sans eux ça aurait été très difficile de mettre tout ça au point ».
Quant à la partie administrative de l’installation, « c’est un vrai défi ! Ma formation d’ingénieur et ma courte expérience en entreprise m’ont sans doute beaucoup aidé sur cette partie. Il faut gérer plusieurs dossiers sur le temps long, ajouter à cela la certification bio, la PAC… » Pour tout agriculteur s’installant hors cadre familial, l’administratif, c’est véritablement l’occasion d’éprouver son projet et sa motivation à le réaliser, assure-t-il.

Les ânesses de Julien Blanquet


Suivre l’herbe!
Autre difficulté rencontrée lors de son installation : l’accès au foncier. Le jeune homme reste amer envers la SAFER, selon lui bien trop absente dans son parcours d’installation. « Ils m’ont dit par téléphone qu’il n’y avait pas de terres ni à louer ni à acheter sur la vallée d’Aspe. Pourtant nous sommes deux à avoir réussi à nous installer au 1er janvier 2019 à Lescun… Nous avons bien réussi à les trouver, nous, ces hectares ! ». Une vingtaine d’hectares au total qui se répartissent entre fermage, prêt à usage, et enfin bail à ferme sur un petit bout des terres familiales. « Une dizaine d’hectare est située sur la commune de Lescun et le reste est réparti dans la vallée ». Bien conscient que les baux ruraux sont très protecteurs, il a aussi volontairement fait le choix de ne pas investir dans du foncier, pour diminuer les frais et charges de son installation.
Un objectif de moindre frais qui est une ligne force de son projet. « J’ai fait le choix de ne pas avoir de bâtiment ni les charges qui vont avec comme l’électricité, le foncier, etc… Et puis les ânes sont des animaux qui ne sont pas fragiles et qui peuvent dormir dehors. Pour mon exploitation, je me suis inspiré d’un bon ami, berger sans terre, qui pratiquait la transhumance permanente. » Si le troupeau est actuellement sur le secteur de Lescun, dans un mois, ils seront à 1400 m d’altitude. Ils passeront de nouveau l’automne à Lescun, et l’hiver du côté d’Oloron, dans le bas de la vallée. « L’objectif est de ne pas avoir de charge de fourrage, seulement de l’orge et de la féverole pour attirer les animaux à la traite ». Une traite qui se fait dans un parc de traite amovible, à la main.
Avec un élevage déjà en bio, l’idée de Julien est bien de faire un produit haut de gamme. « Plus la production est labellisée et plus sa qualité est reconnue, mieux ce sera ». La transhumance pour « suivre l’herbe » fait aussi partie de cette stratégie de qualité. « L’idée est de pouvoir vendre mon lait sous l’étiquette « lait de montagne », même si ça n’est pas un label ou une appellation officielle. Je veux pouvoir expliquer aux gens que mes ânesses produisent leur lait à partir d’herbe de montagne, en toute sincérité. » Car en effet d’ici 5 à 10 ans, Julien espère bien pousser un peu plus loin ses activités en transformant et vendant en direct une partie de sa production sous forme de produit cosmétique et de lait frais, tout en couplant cette ativité avec des visites à la ferme et une activité de gite à la ferme. Quant aux anons, ils sont vendus à 1 an pour être éduqués et ensuite partir dans les écoles de tractions animales et s’ouvrent alors à eux par exemple, des destinées d’ânes maraîchers.


Renseignements pris auprès de la Safer, quant à son défaut d’accompagnement dans le parcours d’installation de Julien, un représentant de la structure « dit avoir conscience que la couverture du département par seulement 2 conseillers fonciers pose une vraie difficulté à être présent sur tous les territoires du département ». Afin, justement, d’améliorer cette présence, le recrutement d’un troisième conseiller foncier est en cours au sein de la SAFER 64.

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