Jeunes « invisibles » : « mieux coordonner les actions »


Après 2 ans de programme In système visant à raccrocher les jeunes invisibles, la mission locale de Morlaàs dans les Pyrénées-Atlantiques tire un bilan un peu contrasté...

Atelier vitalité organisé par la Mission locale de Morlaàs dans le cadre du programme In SytèmeML Morlaàs

Atelier vitalité organisé par la Mission locale de Morlaàs dans le cadre du programme In Sytème

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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 14/12/2021 PAR Solène MÉRIC

Depuis 2 ans, la mission locale de Morlaàs, implantée au cœur d’une vaste zone rurale du Béarn, met en oeuvre son programme In système, visant au repérage et à la remobilisation des jeunes dits invisibles. En ce mois de décembre 2021, l’heure est au bilan, contrasté. Il faut dire que programmé de janvier 2019 à novembre 2021, le projet aura souffert de la crise sanitaire et de ses multiples restrictions drastiques. Pourtant des enseignements peuvent en être tirés. Dont un un peu inattendu, et synthétisé par Olivier Jeunot, directeur de la Mission locale « les jeunes invisibles sont sans doute moins nombreux que l’on pourrait croire ». Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a rien à faire, bien au contraire. C’est l’autre grand enseignement de ce projet.

In Système est un projet porté par l’association régionale de Nouvelle-Aquitaine, financé par le Programme d’Investissement dans les Compétences, auquel 37 missions locales ont répondu, dans le but de repérer et de mobiliser un public de jeunes « invisibles ». En d’autres termes des jeunes de 16 à 25 ans ni en scolarité, ni en formation, ni en emploi. Des jeunes en rupture, dont les différents acteurs formation, éducation, insertion, jeunesse, auraient a priori perdu la trace. Parmi les 37 missions locales impliquées, celle de Morlaàs, en Béarn, qui sur les 2 années du programme s’est efforcée à développer, dans ce but de repérage, de nouvelles initiatives, actions ou formats d’accueil et d’accompagnement.

Pas comme prévu
« L’ambition au démarrage était grande » rappelle Elsa Payri-Chinanou, coordinatrice du projet au sein de la mission locale : action hors les murs, création d’un festival, mise en lien avec les associations sportives, festives ou culturelles du vaste territoire, essentiellement rural qu’elle couvre. Objectif estimatif : ramener dans le giron de la mission locale 75 jeunes égarés sur le parcours de l’autonomie. Oui mais voilà, à peine le programme lancé, le Covid et les confinements et restrictions en tout genre qui en ont découlé ont mis à mal le concept même du « hors les murs ».

« Ajouté à cela, note le directeur, qu’on s’est aperçu que si les jeunes ont un usage aisé des outils du numérique en mode ludique, ou sur les réseaux sociaux, dès qu’on passe en mode administratif ou professionnel, pour des visios par exemple, le numérique ne passe plus ». En bref, des jeunes difficiles à capter en physique, du fait du caractère rural d’un territoire qui recouvre 150 communes (pour la plupart des villages), mais aussi en numérique.

Au total donc, le projet ne s’est pas déroulé comme prévu. Mais tout de même, des actions ont pu se faire. Parmi elles des ateliers divers et variés, des cinés débats, la participation à un événement sportif, des apéros santé environnement, ou encore la refonte du site internet, investissement de la mission locale sur les réseaux sociaux, renforcement des partenariats avec les acteurs du territoire, etc. La liste dressée par Elsa Payri-Chinanou, est tout de même fournie. Les idées, malgré l’adversité sanitaire n’ont pas manqué pour tenter de multiplier les « pas de côté » aux initiatives classiques de la mission locale.


34 jeunes raccrochés
Bilan chiffré du programme pour la mission locale béarnaise : « In système a permis de renouer le contact avec 34 jeunes, dont 7 mineurs, auprès desquels ont découlé 119 entretiens ». Parmi ceux-là 25 n’avait jamais eu de contact avec la Mission locale et 22 n’avaient pas de diplôme. Une fois repérés par la Mission locale, « 15 sont entrés en parcours d’accompagnement, dont 6 dans le cadre de la garantie jeune, qui ouvre droit à un accompagnement intensif de 9 à 18 mois, et à une allocation mensuelle de près de 500 € », détaille la coordinatrice du projet. Au titre du bilan, elle ajoute : « 7 jeunes ont trouvé un emploi, 1 est en contrat en alternance, 1 est en formation professionnelle, 1 autre a réintégré la formation initiale et 3 ont suivi un stage en entreprise pour confirmer ou infirmer un projet professionnel ».

Loin des 75 jeunes invisibles repérés au lancement d’In système, Olivier Jeunot pondère encore un peu plus le chiffre de la trentaine de jeunes « rattachés » par le programme : « sur les 15 jeunes qui nous étaient totalement inconnus, 7 ou 8 ont décroché en réalité au moment du premier confinement. Certains ont découvert pendant le confinement, des modalités d’existence éloignées des contraintes, mais qu’il est ensuite difficile de remobiliser. Le confinement a fait des dégâts chez les plus fragiles », constate-t-il.

ans le cadre du programme In Système, la mission locale de Morlaàs a notamment organisé des ateliers en partenariat avec les Compagnons bâtisseurs. Objectif: remobiliser de jeunes décrocheurs autour ici du projet de rénovation de l'espace d'accueil de la Mission localeML Morlaàs

ans le cadre du programme In Système, la mission locale de Morlaàs a notamment organisé des ateliers en partenariat avec les Compagnons bâtisseurs. Objectif: remobiliser de jeunes décrocheurs autour ici du projet de rénovation de l’espace d’accueil de la Mission locale

Absence de mobilité, désintérêt, perte de sens

Pour les décrocheurs de plus longue date, le premier frein pour se mettre en mouvement et se remobiliser sur son avenir est avant tout « le peu ou l’absence de mobilité pour les jeunes », et plus encore quand il s’agit du vaste territoire rural de la mission locale. Autre constat d’ordre général : « il y a un réel désintérêt des jeunes pour les propositions faites. Face à une hyperstimulation numérique et offre de service et de loisirs pléthorique, ajouté aux effets délétères des périodes de confinements en termes d’isolement, les jeunes ont une réelle difficulté à se projeter et à exprimer des attentes claires », retient Olivier Jeunot. « Une perte de sens qui amène aussi une difficulté, voire un refus, à s’engager, complète Elsa Payri-Chinanou. Les parcours linéaires proposés par les missions locales, ne correspondent pas à des jeunes qui veulent pouvoir revenir en arrière, changer de décision… », précise-t-elle.

En réalité, les constats du programme In système ne révèlent rien de « vraiment nouveau » notent les deux responsables, mais ajouté à la crise sanitaire, qui aura joué un rôle de catalyseur sur la situation des plus fragiles, ln Système a favorisé « l’émergence d’un diagnostic territorial partagé ». « Partagé », car un des points forts de celui-ci est bien d’avoir réussi à rétablir des liens jusque-là parfois un peu trop distendus entre les différents acteurs autour des jeunes.

A tel point que selon Olivier Jeunot, « les invisibles n’existent pas réellement. Ils sont en réalité connus par les uns ou les autres des partenaires. Ils arrivent par les services sociaux, par le bouche à oreille, par notre site internet ou encore par les plateformes de décrochage. Le problème c’est qu’ils arrivent vers nos services un peu tard, entre le moment où ils quittent l’école et où ils sont repérés comme étant en rupture parce qu’il s’est passé quelque chose qui fait qu’on les repère… Il faut une meilleure coordination des actions et qu’elles soient menées de façon plus rapide pour éviter la perte de chance pour le jeune. Nous avons par exemple une difficulté de lien avec l’Education nationale, notre zone est aussi une zone blanche en matière de prévention spécialisée en santé, les élus s’étaient mobilisés mais les choses sont à l’arrêt, c’est dommage », illustre-t-il.

Projets locaux et dispositifs nationaux

Mais rien n’est irréversible et c’est bien là un des apports d’In System : mettre en question les fonctionnements et pratiques des professionnels, afin de penser de nouveaux projets répondant mieux aux besoins et attentes des jeunes. Parmi les chantiers évoqués au sein de la mission locale de Morlaàs : le développement d’un Bureau Information Jeunesse, « qui aidera sans doute au lien avec les collèges », commente Olivier Jeunot, de même que le Point santé de la mission locale devrait aussi étoffer son offre de services en direction des jeunes du territoire.

Autre sujet pour les responsables de la structure : l’ouverture d’une Maison France Service mi-décembre au sein de ses locaux devrait permettre de mieux valoriser ses services notamment auprès du public jeunes. Le tout sans rien renier à l’effort de maillage du territoire entre la Mission locale, les élus, et l’ensemble des structures ou institutions en lien avec la jeunesse.

Enfin de nouveaux dispositifs mis en place au niveau national (Garantie Jeune rénovée et le Contrat d’engagement jeunes) pourrait aussi permettre à la fois de faciliter les accompagnements par la mission locale mais aussi de les rendre plus attractifs pour des jeunes en décrochage.

 

LES CHIFFRES IN SYSTEME AU NIVEAU REGIONAL :

3 252 jeunes ont été repérés par les 37 missions locales impliquées dans le programme In Système dont 765 mineurs, soit 52% du potentiel de jeunes invisibles (6 210) présents sur le territoire néo-aquitain dès la première année de déploiement de l’expérimentation IN Système.

Parmi ces jeunes repérés :
2 394 jeunes dont 698 mineurs qui étaient inconnus des missions locales avant leur repérage
858 jeunes dont 67 mineurs qui étaient connus des missions locales avant leur repérage mais avec qui le contact était rompu depuis 6 mois ou plus.

871 sont entré.es en PACEA (accompagnement par une mission locale)
255 ont intégré la Garantie Jeunes
53 se sont engagés dans un Service Civique
513 ont trouvé un emploi
166 sont entrés en formation

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