Il reste moins d’un mois pour courir aller voir la riche exposition : « Ils y viennent tous… au cinéma » aux Archives départementales de la Gironde, à Bordeaux. Organisé par le Conseil départemental de la Gironde, cet événement culturel majeur, consacré aux débuts du cinéma, dont Laurent Velay est le commissaire scientifique, a l’originalité d’actionner simultanément deux projecteurs. L’un qui met la focale sur le succès de la diffusion du cinéma en Gironde, l’autre sur l’abondance et la variété des documents et matériel présentés, facilitant notre réflexion sur la naissance de cet art au niveau national, au début du XXème siècle, et plus précisément, de 1908 à 1919.
On rappellera que Max Linder, immense acteur comique du cinéma muet, tôt disparu, était né en Gironde. L’un des films présentés le voit d’ailleurs arriver en train dans sa ville natale de Saint-Loubès. Et l’exposition de photos de salles de cinéma, accueillie dans le hall des Archives, montre l’image du cinéma Max Linder à Saint-Loubès.
Comités de vigilance et engouement populaire
Les archives présentées se font l’écho de l’essor des salles de cinéma en Gironde, à Bordeaux, où officiaient également, place des Quinconces lors des foires, des « baraques foraines », lieux mobiles de projection. Elles font concurrence aux nombreux cinémas installés « en dur » un peu partout dans la ville : on dénombre pas moins de 16 salles en 1907, pour arriver à une trentaine après 1918.
Très vite des ligues de morale et les pouvoirs publics interviennent pour mettre un peu d’ordre et de décence dans tout ça : le comité bordelais de vigilance pour la protection morale de la jeunesse et la répression de la licence et de bienséance, par exemple, proteste auprès du maire de Bordeaux, par lettre datée de mars 1909, contre les baraques licencieuses ; la police entend interdire aux salles de montrer des films célébrant le crime et l’anarchie. En tout cas, l’essor témoigne du formidable engouement pour ce spectacle devenu très vite populaire.
Archéologie du cinématographe
La Cinémathèque française, celle de Toulouse, la Bibliothèque des littératures policières (BILIPO), de nombreuses fondations, des particuliers ont mis à disposition une très riche documentation, tant technique (les appareils de projection), qu’artistique et littéraire : on voit la naissance de la critique cinématographique (Louis Delluc), le succès des films à épisodes. Qu’on les appelle des romans -cinémas, serials ou feuilletons, ils mettent à l’honneur cinéastes (Louis Feuillade : Les Vampires, Judex), acteurs et actrices. Parmi eux, René Navarre interprète de Fantomas ou Musidora, sublime en sa combinaison noire et carte maîtresse du gang des Vampires.
Le décor souterrain de la salle d’exposition des Archives se prête bien à cette archéologie du cinématographe ; comme autant de niches, le parcours sous les espaces voûtés permet de s’arrêter dans de petites salles de projection et d’y suivre les tribulations -par extraits- des premiers pas de la fiction, du documentaire, et aussi des techniques de tournage de l’époque. On y décèle toute l’inventivité extraordinaire de cet art, avec parfois l’impression que les dispositifs techniques de l’époque ont comme un temps de retard sur les géniales découvertes artistiques.
Manifestations
Pour accompagner l’exposition, une série de manifestations ont été mises en place, preuves de la vie toujours palpitante du cinéma : en collaboration avec des salles de l’agglomération- au Jean Eustache de Pessac, à l’Utopia de Bordeaux- et bientôt, le 25 février, une reconstitution d’une séance d’époque à l’Olympia d’Arcachon. Sans oublier les conférences et les films d’époque qui jalonnent le parcours, qui sont présentés aux Archives. Il ne faudra pas manquer le bouquet final : la projection de deux merveilles du 7ème art, Forfaiture (1915) de l’américain Cecil B. de Mille et J’accuse (1919) d’Abel Gance.
Exposition « Ils y viennent tous…au cinéma », l’essor d’un spectacle populaire (1908-1919) du 28 novembre 2021 au 6 mars 2022, , Archives départementales de la Gironde 72 cours Balguerie -Stuttenberg, 33000 Bordeaux, entrée libre et gratuite. Renseignements sur le site : archives.gironde.fr
Catalogue de l’exposition, sous la direction de Laurent Véray, éditions Le Passage- 272 pages- 29 €