Le Grand entretien avec Alain Claeys (Grand Poitiers), Communauté urbaine : premiers bilans


Aqui.fr

Le Grand entretien avec Alain Claeys (Grand Poitiers), Communauté urbaine : premiers bilans

Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Temps de lecture 10 min

Publication PUBLIÉ LE 08/08/2019 PAR Julien PRIVAT

@qui !  Nous arrivons à une année charnière, celle des élections municipales. Pour l’instant deux candidats se sont déclarés : vous et Anthony Brothier (LREM). Comment se porte  cette nouvelle communauté urbaine, Grand Poitiers ou GP 40 comme on l’appelle ici. 

Alain Claeys : Avant de parler des éléments institutionnels, si je veux regarder l’activité économique, toutes les grandes entreprises sont en période d’investissement : la Saft ; Safran ; Eurofins-Cerep, entreprise de recherche sur des médicaments situé à Celles-l’Evescault ; B.Braun qui risque de doubler son activité ; Forsee Power qui s’est installée il y a un an maintenant. Toutes ces entreprises à haute valeur ajoutée et avec une recherche importante sont en croissance. Cela prouve bien que le territoire de Grand Poitiers est et deviendra de plus en plus attractif. 

@qui ! Y a-t-il d’autres indicateurs qui montrent ce dynamisme et l’attractivité du territoire ?

A. C. : Oui. Un autre indicateur qui n’est pas forcément une bonne nouvelle, mais c’est un constat. Le prix de l’immobilier a pris plus de 10% à Poitiers. Malgré cela, si on fait une comparaison avec Bordeaux ou Paris, nous restons extrêmement attractifs. Il y a une demande sur Poitiers et tous les investisseurs me le disent. 

D’autres indicateurs prouvent notre attractivité. Si je m’intéresse au chiffre des voyageurs sur la Ligne Grande Vitesse (Bordeaux/Poitiers et Poitiers/Paris) et que je me fie aux chiffres de la SNCF, c’est une augmentation à deux chiffres. Si je regarde le nombre d’étudiants, il est aussi en croissance. Je ne veux pas dire que tous les indicateurs sont au vert, mais Grand Poitiers est un territoire attractif. Comme tout territoire attractif, il y a la partie sombre et difficile. Grand Poitiers doit assumer la conséquence de son attractivité, tout son volet de solidarité, de personnes qui se trouvent en grande difficulté. Lorsqu’on est en grand difficulté, on a une tendance à venir à la ville pour essayer de trouver du travail plus facilement. Nous devons gérer cela aussi et ça rentre dans les fonctions normales de Grand Poitiers.

Attractivité et bienveillance

@qui ! Votre bilan semble plutôt positif après deux années de communauté urbaine à 40 communes ?  

A. C. : J’avais pris des engagements au niveau de Grand Poitiers. Ils sont au rendez-vous. Nous sommes dotés d’un projet de territoire. Il a été adopté par la quasi unanimité des maires. Il a fait l’objet d’une large concertation de tous les acteurs socio-économiques, culturels, sportifs, des associations aussi, tous ceux qui contribuent à la vie collective. Ce projet de territoire n’est pas un document que nous avons adopté comme ça. Il s’agit d’une stratégie qui définit notre conception à la fois de l’attractivité et de la bienveillance. 

Grand Poitiers veut jouer le futur

@qui ! Qui plus est,  elle a débouché sur le lancement en juin dernier d’une marque de territoire : Grand Poitiers : Jouons le futur ?

A. C. : Nous avons réussi une chose qui ne s’était jamais faite, c’est de mettre les acteurs de territoire au niveau du comité de réflexion. C’est le travail des acteurs de ce territoire. Autour de Jouons le futur, il y a plusieurs notions : Jouons le futur, économique et celui de l’emploi ; Jouons le futur sur la solidarité ; mais surtout Jouons le futur en s’inscrivant dans une transition énergétique et une révolution numérique qui marqueront très fortement notre territoire.

Des fonctions métropolitaines pour Grand Poitiers

@qui ! Grand Poitiers a sa carte à jouer dans la Nouvelle-Aquitaine en tant que porte d’entrée naturelle au nord de la région,  mais pas seulement finalement ?

A. C. : Il y a un débat qui existe sur le déclassement de Poitiers. C’est à la fois un débat anxiogène qui ne repose sur rien et qui n’est pas un bon signe. La ville serait déclassée,  parce qu’elle aurait perdu le statut de capitale régionale. Ça ne veut rien dire. Que nous soyons en région Poitou-Charentes ou en région Nouvelle-Aquitaine, le phénomène que nous devons observer est celui de la métropole. Il s’agit pour notre territoire de Bordeaux. Elle se serait développée quelle que  soit la configuration institutionnelle (Poitou-Charentes ou Nouvelle-Aquitaine). Pourquoi Poitiers est un atout considérable ? Je l’ai expliqué à plusieurs reprises. Je suis convaincu que, lorsque nous parlons de transitions énergétiques ou encore de numérique, la France ne pourra pas être organisée autour de Paris ou de cinq grandes métropoles. Il y a une quinzaine d’agglomérations du type de Poitiers (c’est-à-dire avec environ 200 000 habitants), mêlant urbain et rural, qui ont une carte considérable à jouer. Pour cela il faut que les fonctions métropolitaines dans ces villes soient assurées. Pour nous, il s’agit de l’université, de la recherche. C’est pour cette raison que,  parallèlement au projet de territoire,  nous avons adopté notre schéma local d’enseignement supérieur de recherche et d’innovation que nous avons élaboré avec la région, car il y a une synergie entre les priorités de la région et les nôtres. C’est également pour cela qu’au niveau du CHU, qui a une fonction métropolitaine importante, nous avons rédigé le livre blanc avec nos forces et faiblesses. Il y a déjà des premiers résultats avec l’autorisation que le CHU a eu en terme d’imagerie médicale de se doter d’un IRM 7 Tesla. L’IRM (Imagerie par résonance magnétique) le plus puissant  aujourd’hui. Jusqu’alors seulement deux sites en possédaient un, le CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives) de Paris-Saclay et l’hôpital de la Timone de Marseille. À Poitiers, cet équipement nous permettra de faire de la recherche, mais pourra aussi être utilisé à des fins cliniques. Il va donc attirer des chercheurs et au niveau clinique, cela nous permettra de faire ce que nous ne pouvons pas réaliser actuellement. Le coût de cet investissement est de 8 millions d’euros.  

@qui ! Grand Poitiers a conservé également d’autres fonctions métropolitaine. Le 26 juin dernier, la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, est venue inaugurer le nouveau palais de justice de Poitiers où tous les tribunaux y sont rassemblés en un seul et même lieu.  

A. C. : Effectivement et on m’avait dit que nous allions perdre la cour d’appel. La cour d’appel est toujours là, elle est dans ses nouveaux murs. C’est une réalité. 

@qui ! En revanche pour le rectorat, ça semble plus compliqué ; vous vous êtes battus  pour le conserver ici et finalement on a l’impression que son rôle s’amoindrit 

A. C. : Concernant le rectorat, le danger n’est pas là où on le pense. Il y a eu une petite opération politique qui n’est pas méchante et qui est de bonne guerre. Quand on ne sait plus quoi dire, on dit souvent c’est la loi NOTRe (loi portant sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République), elle n’a rien à voir là-dedans. Il y a un risque et je suis en désaccord avec la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Mme Frédérique Vidal, et le ministre de l’Éducation nationale et la Jeunesse, M. Jean-Michel Blanquer, c’est de régionaliser l’enseignement supérieur, la recherche, et l’innovation. Ils sont en train de vouloir créer des recteurs dédiés au niveau des grandes régions. Il faut savoir que l’enseignement et la recherche sont les plus  petits services des rectorats. Je suis favorable à l’autonomie des universités. Mais l’autonomie a une contrepartie, c’est que l’État doit être stratège en matière des définitions, au niveau des prévisions de recherche et d’innovation et d’enseignement supérieur. Un exemple,  sur l’Intelligence Artificielle, si on veut développer des programmes de recherche, ce n’est pas au niveau d’une région qu’on le fera. C’est au niveau national. Vouloir trop coller l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation aux nouvelles régions, il y a un risque,  celui que les présidents de région se considèrent comme des ministres de l’enseignement supérieur de la recherche et de l’innovation et que l’État perde son rôle de stratège. Il y a trois grandes universités en Nouvelle-Aquitaine. Poitiers est la deuxième de ces universités. Les relations de nos laboratoires ne se résument pas aux relations avec des laboratoires de Nouvelle-Aquitaine. Nous avons historiquement des relations avec le Centre par exemple. C’est un point de désaccord que j’ai avec la ministre. Pour être juste, c’est un projet qui date depuis de nombreuses années. J’ai suivi pendant presque vingt ans l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation. Lorsqu’on a abordé pour la première fois cette question d’autonomie des universités, c’était avant l’élection de Nicolas Sarkozy. Il y avait une confusion déjà entre l’autonomie des universités et la régionalisation. Quand Valérie Pécresse a fait la loi sur l’autonomie,  c’était l’autonomie des universités, l’État restant stratège. C’est donc un sujet sur lequel il faut réfléchir.

La bataille rails et voitures

@qui ! Au niveau des transports. Vous en avez parlé tout à l’heure: la Ligne Grande Vitesse entre Bordeaux et Tours dessert Poitiers. Vous en êtes satisfait ? 

A. C. : Sur Poitiers/Paris, au-delà du fait que le TGV est cher, le nombre de fréquences et les horaires sont parfaits. On m’a dit que sur Bordeaux pour les retours ce n’était pas bon. Il y a un travail à faire, même si nous sommes bien desservis, pour améliorer ces points. Les TER irriguent bien la partie Lusignan, Rouillé, une partie de notre agglomération. Mais la grande victime aujourd’hui dans cette nouvelle grande région est Limoges, parce que la porte naturelle pour Limoges et le TGV, c’est Poitiers. A partir du moment où le projet de LGV entre Poitiers et Limoges a été abandonné, nous sommes dans une grande difficulté. 

@qui ! Justement, il y a un débat sur la Nationale 147 qui relie Poitiers et Limoges, très accidentogène et surtout beaucoup empruntée. Le débat tourne autour d’une deux fois deux voies : qu’en pensez-vous ? 

A. C. : J’ai sifflé la fin de la partie concernant la déviation de Mignaloux. On ne peut pas tenir des discours contradictoires. D’où viennent ces embouteillages au niveau du rond point CHU de Mignaloux sur la 147 ? On ne va pas refaire l’histoire, nous aurions dû prendre une décision en 2006, elle n’a pas été prise. Donc l’État a fait une erreur. Ils ont décidé de parler de tracé avant de se poser une question simple. Si on veut aborder la transition énergétique, c’est le sujet de mobilité :  d’où viennent ces voitures ? Est-ce qu’elles viennent de proximité ? quelle proximité ? quels sont les horaires ? etc. J’ai donc demandé à la préfète une étude sur la mobilité. Je suis obligé de prendre en charge la maîtrise d’oeuvre, car c’est la compétence des agglomérations. Mais je peux vous l’annoncer, la préfète a accepté un comité de pilotage présidé conjointement par elle et moi.

Je pense que c’est au regard de cette étude que des décisions devront être prises sur la mobilité de proximité (des formes douces) d’où le schéma de train entre Jardres et Mignaloux. Bref tout est lié. Je ne crois pas que Grand Poitiers ait commis de fautes quand elle décide, pour Jardres-Mignaloux,  d’être la seule collectivité à financer à hauteur de 500 000 euros le transport de céréales par rail plutôt que par route. Nous avons vu juste. Je pense qu’il faudrait interpeler la SNCF et la région en disant que ce qu’on a fait pour les céréales, on pourrait le faire pour le train.

Un programme communautaire

@qui ! Nous ne sommes pas loin du début de la campagne électorale. Vous avez annoncé le 26 mars dernier votre candidature à la mairie de Poitiers …

A. C. : Il va y avoir des élections municipales en 2020. 85% du programme sera communautaire et donc je ferai une campagne communautaire. Par honnêteté, quand l’urbanisme, l’économie, la voirie, la culture, le sport, la politique de la ville sont communautaires, il faut parler de la communauté.

@qui ! Vous souhaiteriez également poursuivre à la présidence de la communauté urbaine ?

A. C. : Je ne veux pas rentrer dans la campagne électorale. Je ne suis pas en campagne, mais je pense, et j’aurais l’occasion de le réaffirmer, qu’il n’y a rien d’automatique mais que le maire de la ville « capitale » doit être président de la communauté urbaine, mais la solution idéale est très difficile à réaliser. Je pense que ceux qui lèvent les impôts doivent être élus au suffrage universel direct. On n’a pas trouvé le bon système pour élire  des conseillers communautaires. Comment pondérer la représentation, afin qu’il n’y ait pas une surprésentation sur la ville centre ?

@qui ! Actuellement le conseil communautaire composé de 91 délégués fonctionne bien ?

A. C. : J’ai institué une conférence des maires pour les impliquer. Le conseil communautaire est une élection au second degré. Donc ceux qui portent la légitimité, ce sont les maires. Le conseil des maires se réunit à chaque fois qu’il y a un conseil communautaire et on vote les décisions. J’ai voulu que l’exécutif, les vice présidents, les délégués des présidents soient à l’image du territoire géographique. Je n’ai pas fait un parti unique comme « en marche », mais j’ai dit que toutes les sensibilités politiques devaient être en gros représentées ce qui est le cas et c’est comme ça que j’entends continuer.

Partagez l'article !
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
Laissez vos commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

On en parle ! Vienne
À lire ! POLITIQUE > Nos derniers articles