Fort du Portalet : la liberté au pied du mur


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Fort du Portalet : la liberté au pied du mur

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 29/04/2015 PAR Jean-Jacques Nicomette

Accroché à son éperon rocheux, le fort du Portalet, c’est d’abord une mémoire, pas toujours glorieuse. A partir de 1846, cet imposant édifice édifié au fin fond du Béarn sur l’ordre du roi Louis-Philippe était destiné à protéger les abords de la frontière franco-espagnole. Par la suite, sous le régime de Vichy, plusieurs personnalités y furent internées. Léon Blum et Georges Mandel figuraient parmi elles. On vit même  le maréchal Pétain séjourner dans ce site austère quelques mois après la seconde  guerre mondiale.

Aujourd’hui, l’endroit n’abrite plus que des escaliers vertigineux, des pièces glaciales, et des régiments de courants d’air. Ce qui n’empêche pas des visites d’y être organisées l’été pour des groupes restreints de touristes. Tandis que l’Etat et les collectivités locales se mobilisent pour sauvegarder le site  et le rendre plus accessible encore au public. Alain Rousset, le président du Conseil régional, qui a ses habitudes en vallée d’Aspe, rêve par exemple de voir se créer ici un festival de théâtre historique.

Chaque soir, dans le village voisinEn attendant, le pain ne manque pas sur la planche. Car le vent, la pluie et le temps qui passe ont fait  leur travail de sape. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que le lieu ait  été choisi pour mener une expérience originale.

 Six détenus de la maison de Pau, rebaptisés stagiaires pour la circonstance et sélectionnés parmi une quinzaine de volontaires, y découvrent jusqu’à la fin septembre le métier de maçon. Ils dorment chaque soir dans un gite du village voisin, Sarrance. Avec la possibilité de retrouver leurs proches le week-end. Bref, ils oublient les barreaux et la prison.

Le fort du Portalet, accrroché sur un éperon rocheux, au coeur de la vallée d'Aspe

« Les journées sont bien remplies »Que l’on ne se méprenne pas. L’affaire n’a rien d’un camp de vacances. Les journées de travail et de cours théoriques, que l’on révise généralement jusqu’à 23 heures, sont bien remplies. Les taches consistant à enduire des parois, refaire murets et manteaux de cheminée exigent de la rigueur. Quant à la discipline, elle est stricte. Même si elle n’est plus assurée par le personnel pénitentiaire. Une sortie quotidienne d’une heure est autorisée. Mais l’alcool est interdit. Un comportement irréprochable est exigé. Et le retour en cellule est garanti au moindre dérapage.

De toute évidence, la méthode fonctionne bien. Formés par les Compagnons du Devoir,  les stagiaires sont encadrés et accompagnés par les membres d’une association locale d’insertion : Estivade. L’ensemble est supervisé par le service pénitentiaire d’insertion et de probation. Tout un suivi qui permet également aux intéressés de se préparer  à la recherche d’un futur emploi, en apprenant entre autres à rédiger un CV.

On n’était jamais allé aussi loinDe nombreuses formations professionnelles sont déjà proposées aux 2 600 détenus que l’on dénombre en Aquitaine. Qu’il s’agisse de devenir cuisinier, comme à Bayonne, peintre en bâtiment comme à Gradignan, horticulteur comme à Mauzac, et l’on en passe…

Depuis quatre ans, plus de 3 000 personnes en ont bénéficié, avec un taux de réussite de plus de 90% aux examens pour celles qui parviennent à aller jusqu’au bout du processus, précise Alain Rousset. « Une somme de 1,38 million d’euros a été consacrée à la formation par le Conseil régional, qui exerce ici l’un de ses domaines de compétences. »

Par contre, on n’était jamais allé aussi loin dans la démarche. C’est-à-dire hors du milieu carcéral, comme cela se pratique au fort du Portalet.

« Une telle initiative relève d’une très forte volonté d’insertion » souligne le préfet, Pierre-André Durand. Tandis que les services de la Justice insistent sur la motivation des détenus choisis pour mener l’expérience. Des personnes qui, après avoir été condamnées entre 1 et 3 ans de prison, par exemple pour des faits de violences ou de trafic de stupéfiant, sont sélectionnées en fonction de divers critères : leur comportement au sein de l’établissement pénitentiaire, leur manque de diplôme, le reliquat de peine qu’elles ont à accomplir. « Mais d’abord leur réelle volonté de s’en sortir ».

  » Bien pour repartir sur de bonnes bases « « Cette formation, c’est une vraie chance. Elle va me permettre d’effacer le mauvais passage que j’ai connu dans ma vie » reconnait ainsi Jean,  38 ans, qui compte en profiter pour compléter les compétences techniques dont il bénéficiait déjà dans le bâtiment. Et surtout,  ne jamais retourner derrière les barreaux.  « Tout le monde sait ce qui s’y passe. Pour les plus faibles, c’est très dur ».

Mêmes échos chez Fred, un Béarnais de 40 ans, qui apprécie l’esprit de solidarité régnant parmi les stagiaires du Portalet. « Ce projet, c’est bien pour repartir sur de bonnes bases. J’avais déjà goûté à la prison il y a vingt ans. Je m’en foutais. Je ne voyais pas la vie très loin. Aujourd’hui, j’ai deux petits garçons. Je ne rechuterai pas ».

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