Européennes : Interview de Gérard Onesta : « l’Europe surdétermine notre quotidien »


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Européennes : Interview de Gérard Onesta : « l'Europe surdétermine notre quotidien »

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 30/04/2009 PAR Solène MÉRIC

@qui! : Quelle est votre réaction face aux premières prévisions de participation aux élections européennes qui prévoit un taux d’abstention proche des 65 % ?
Gérard Onesta : C’est une catastrophe ! Les gens ne s’occupent pas de l’Europe mais pourtant l’Europe s’occupe d’eux. Parfois très bien, pour ce qui concerne la paix ou la protection de l’environnement mais parfois très mal en matière de protection sociale, de réglementation financière et fiscale. Quoi qu’il soit, les gens ne se rendent pas compte à quel point l’Europe surdétermine leur quotidien. Que se soit en matière de transport, d’énergie, d’alimentation…tout a à voir avec l’Europe. Il faut rappeler que les deux tiers des votes nationaux sont issus de décisions fermes, d’ores et déjà prises à Strasbourg. Donc s’ils ne se déplacent pas pour donner leur avis sur des sujets qui les concernent au quotidien, c’est qu’ils décident de se taire pendant cinq ans.

« Un réel problème de communication »

@! : On dit souvent de l’Union européenne qu’elle est trop éloignée des citoyens. Quelles sontvont suggestions pour rapprocher l’Europe des citoyens ?
G.O. : Sur ce point une part de responsabilité est à attribuer aux médias. Ils devraient être beaucoup plus concernés par le Parlement européen. Pour preuve, il est rarissime de voir un député européen invité sur un plateau télé. Les médias français n’ont aucun correspondant à Bruxelles, là où la Belgique à trois correspondants pour chaque chaîne. Dans ces conditions, comment expliquer l’Europe en quelques semaines quand on ne s’y intéresse pas pendant cinq ans ? Cela dit, les médias sont peu attirés par l’actualité européenne car le tempo européen est lent. Il faudrait que le rythme législatif s’accélère, car un processus d’adoption des règles de quatre, cinq ou dix ans, c’est trop long. Sans compter les retards des Etats dans la mise en application ou la transposition de ces règles européennes. La France à ce sujet est souvent condamnée par la Cour de Justice des Communautés Européennes pour ses retards.
Un autre problème qui justifie en partie la mise à distance de l’Europe, c’est ça grande complexité. Et le Traité de Lisbonne de M. Sarkozy, c’est tout sauf un traité simplifié ; sur ce plan, c’est du « foutage de gueule », même si certains aspects sont indispensables. Je pense notamment à l’élargissement de la procédure de codécision à de nouveaux domaines, tels que l’agriculture ou le Budget. Au-delà de ce traité, il y a un réel problème de communication. Quand les choses sont incompréhensibles, on ne peut pas reprocher aux gens de ne pas comprendre.

@! : Y’aurait-il des évolutions à envisager dans cette communication entre les citoyens et les députés européens ?
G. O. : Pour une meilleure communication et explication de l’Europe chaque député fait ce qu’il peut. A mon niveau, et en tant que Vice-président du Parlement européen, j’ai mis en place une « agora citoyenne » qui permet l’exercice d’une véritable démocratie participative à l’échelle de l’Europe. Concernant par exemple les problèmes environnementaux et les changements climatiques, on a convoqué 500 réseaux de la société civile européenne à s’exprimer librement sur ces thématiques durant 8 jours etau sein même de l’hémicycle. Il a également été crée une web télé européenne qui diffuse en direct et en 23 langues, une couverture continue des évènements parlementaires. Enfin, a été imaginé un Prix du Parlement européen pour le cinéma, parce que je suis convaincu que la culture reste le meilleur moyen de rapprocher les citoyens européens entre eux et avec l’Europe.

La Commission influencée par la voix des peuples ?


@! : Une dernière question, qui concerne à la fois l’agriculture, l’environnement et la santé : depuis quelques jours, l’Allemagne, au nom du principe de précaution, a interdit la culture du maïs transgénique MON 810 et rejoint ainsi le camp des Etats européens anti-OGM, dont la France fait déjà partie. C’est donc un Etat de plus qui s’oppose à la décision de la Commission d’autoriser la culture de ce maïs transgénique. Quelle est votre réaction à cette décision allemande et pensez-vous quelle puisse avoir un impact sur la position de la Commission ?
G. O. : Avec la seule démocratie, ce problème serait écarté depuis longtemps. En effet, les études qui sont faites montrent qu’il se passe des choses très bizarres avec ces OGM, et c’est sans compter que nombre de ces études sont réalisées par les semenciers eux-mêmes, ce qui est loin de garantir leur impartialité. Par conséquent, les Etats qui refusent ces cultures OGM sont de plus en plus nombreux. J’ai, moi-même, été devant le juge et condamné à 100.000 euros d’amende et trois mois de prison avec sursis pour m’être opposé à de telles pratiques agricoles. Si la décision incombait à la voix démocratique, on se soucierait plus du respect des sols et de la qualité des produits; on accentuerait l’aide au développement et à l’agriculture pour pouvoir nourrir les peuples. Mais au final, ici, c’est la Commission qui décide seule, et elle est passée outre ces problèmes. Cet aspect là ne change pas dans le nouveau traité ; la Commission restera la seule décisionnaire en la matière. Cela dit, le Traité de Lisbonne prévoit que ce sont les députés européens qui désigneront le Président de la Commission. Or, si ce sont les députés qui l’élisent, on peut penser que la Commission sera influencée par la voix des peuples. Il y a donc un espoir de ce coté là… et c’est une raison de plus pour les citoyens de se déplacer aux urnes le 7 juin prochain.

Solène Méric

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