Bordeaux: La « Résidence du Lac », petite pierre d’un édifice ambitieux


Bordeaux 2030
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Temps de lecture 7 min

Publication PUBLIÉ LE 14/02/2018 PAR Romain Béteille

Accession « abordable »

« J’ai interrogé les propriétaires pour savoir s’il n’y avait pas eu de malfaçons. Ça va peut-être venir… enfin, ne soyons pas pessimistes ». Le petit mot doux glissé par le maire de Bordeaux aux bailleurs ce mercredi pourrait faire rire jaune, mais l’heure était plus aux félicitations qu’à la moquerie. Entre le ruban officiel, la visite des appartements et les petits fours, on a quand même réussi à apprendre que cette Résidence du Lac était composée de 156 logements dont 22 logements sociaux, 52 logements en pret social location-accession, 34 logements en « accession abordable » et 48 en accession libre. « Accession abordable », c’est une manière polie de nommer un prix moyen de 2500 euros du mètre carré TTC, et c’est le segment qui intéresse le plus la métropole, dont le but est de maîtriser le prix des logements. « On assiste à une surenchère depuis quelques temps, les promoteurs se précipitent sur tous les terrains constructibles. Nous souhaitons calmer le jeu, il ne s’agit pas d’acheter un terrain en spéculant sur la densification maximum qu’on peut en obtenir au terme du PLU mais de réfléchir avec chaque commune sur la constructibilité de ce terrain et d’en déduire une charge foncière qui soit raisonnable. Il faut densifier, mais il faut le faire intelligemment », a persisté ce matin Alain Juppé.

C’est que début février 2016, Bordeaux Métropole, la Caisse d’Épargne et plusieurs bailleurs sociaux et promoteurs s’étaient engagés pour qu’au moins un tiers des logements neufs construits dans le cadre du programme 50 000 logements soit abordable et ne dépasse pas ce fameux plafond de 2500 euros du mètre carré (contre, en moyenne, 3800 euros ailleurs). Plusieurs promoteurs avaient signé individuellement cette charte mais la FPI (Fédération des Promoteurs Immobiliers), s’y était, elle, refusée, ne considérant pas ses objectifs « tenables ». Avec 34 logements en « accession abordable », on est à priori assez loin du tiers, sauf que depuis, la métropole a revu ses objectifs à la baisse, passant à un ratio de 5 à 10% de logements « abordables à des prix maîtrisés » sur les 30 à 35% de logements en accession à la propriété. Certes, ça nuance un peu le tout mais avec ce petit îlot situé juste à l’angle de l’allée de Boutaut et de l’avenue Laroque à Bordeaux, dans le secteur du Lac, à deux pas du tramway, l’ambition de Bordeaux Métropole et des bailleurs semble moins être le pourcentage de logements en accession sociale que de montrer la faisabilité de ce plafonnement souhaité.  

Mais l’intention semble là et l’architecte (Bruno Rollet, aussi à l’oeuvre à Cenon) a même essayé d’innover en proposant des logements « évolutifs » via une extension possible pour une soixantaine d’entre eux. Une « pièce en plus » de dix mètres carrés non aménagée que chaque résident peut, théoriquement, investir quand il le souhaite. De loin, ça ressemble au cadeau Bonux. En vrai, c’est une pièce hors d’eau, hors d’air, non chauffée et non normée mais raccordable à l’électricité et dont le but principal est de permettre aux revenus modestes de disposer d’une pièce supplémentaire qui s’adapte à leurs évolutions. On a demandé ce qu’Axanis (filiale d’Aquitanis) entendait par « accession à la propriété à des prix maîtrisés ». La réponse de Loris de Zorzi, directeur général. « 90% des 42 logements vendus par Axanis l’ont été sous le plafond PLS (plafond de ressources HLM qui était de 20 304 euros pour un ménage de catégorie 1 au 1er janvier), ce qui veut dire que des locataires HLM peuvent accéder à la propriété dans ce type de réalisation ». Ce n’est pas la seule opération visée par la coopérative immobilière dans le cadre des « 50 000 logements » : Loris de Zorzi nous affirme qu’Axanis est déjà en train de concourir sur d’autres projets et qu’elle s’occupe déjà d’une quarantaine de logements sur le site de La Buttinière à Lormont. Ces échelles restent raisonnables car elles ont avant tout pour but de « réduire à des prix entre 2400 et 2500 euros du mètre carré, ce qui permet à des ménages qui ont des revenus supérieurs à deux SMIC d’y accéder. Sur la Buttinière, on sera un peu plus chers parce qu’on est sur un site très contraint, l’ensemble se construit sur un parking tram déjà existant, ça entraîne des coûts de construction assez élevés, mais on est partenaire avec Belin sur l’opération. Le nerf de la guerre pour obtenir un foncier aussi bas (un duplex de 104 mètres carrés vendu 215 000 euros parking compris, c’est plutôt inédit…), c’est évidemment le coût de construction : il est ici de 1320 euros du mètre carré pour l’accession sociale en surface habitable (parc géré, on l’a vu, par Axanis) et 1350 euros hors parking pour le reste de la programmation (Eiffage). Pour l’instant, la première phase composée de 66 logements, forme l’îlot 1 mais 90 logements supplémentaires devraient être achevés (Îlots deux et trois) en 2019. 

Petite contribution, vaste opération

Cet exemple ne représente qu’une petite partie de la dynamique en train de s’opérer dans le secteur du Lac : le quartier Ginko a toujours des programmes immobiliers en cours et un gymnase doit suivre la nouvelle église; une résidence « Ginseng » inaugurée en décembre dernier, un chantier de 600 logements sur la ZAC du Tasta : la mode est aux loyers « adaptés » et, plus récemment, au bien construire : le « pas cher » attire les méfiances, surtout dans un secteur où les prix flambent… Toutes ces opérations font partie d’un changement auquel les quelques 3800 habitants du quartier des Aubiers vont devoir s’habituer. Le Projet de Renouvellement Urbain voit même jusqu’en 2030. Dans une zone où le revenu fiscal moyen par ménage est de 500 euros et où la totalité des 1300 logements sont en parc locatif social, un projet chiffré à 50 millions d’euros d’investissement dans les dix ans paraît évidemment plus ambitieux que le reste. Lancée en septembre par la mairie, la concertation publique se poursuit, d’après Pierre de Gaétan Njikam, maire adjoint en charge du quartier Bordeaux Maritime, dans lequel la zone des Aubiers est insérée. « Nous avons entamé les concertations avec les habitants et les bailleurs Aquitanis et Domofrance. Quatre ateliers ont été ciblés  : l’habitat, les déplacements, les équipements publics et les espaces publics de manière plus générale. C’est que le PRU est ambitieux. Si les immeubles HLM ne vont pas disparaître, Aquitanis a tout de même investi quinze millions d’euros dans la rénovation de 700 logements, Domofrance devrait suivre derrière. Pour ce qui est du neuf, on table toujours sur 900 logements « en petits collectifs » (plus de grands immeubles, donc), la destruction et la reconstruction de l’école Jean-Monnet (qui passerait de quinze à dix-huit classes), la réhabilitation de l’école Lac 2 et du centre social, une nouvelle salle des sports, l’installation de l’école du cirque de Bordeaux, le prolongement du cours des Aubiers et de nouvelles voies piétons/cyclistes… le projet imaginé en concertation et dont la trame a été réalisée par l’agence Flint est ambitieux.

Le seul bémol, c’est qu’en novembre dernier, les principaux interessés étaient décrits comme « partagés » lors d’une dernière mise à jour. Raison : les jardins partagés qui pourraient être déplacés pour que la future nouvelle école puisse occuper une partie du terrain. Alors la métropole a redonné un peu de verdure : les jardins partagés devraient rester et une ferme urbaine verrait même le jour. Questionné sur le sujet, l’adjoint municipal va même plus loin : « il y aura une concertation spécifique sur les jardins familiaux avec notamment les quinze particulièrement concernés par cette problématique préoccupante pour les propriétaires ». Et si la première des quatre concertations a déjà eu lieu, on y a déjà vu naître des « préoccupations » plus importantes que d’autres, notamment « cette idée de préserver des espaces verts, faire en sorte qu’il y ait de la respiration dans la projet pour poursuivre le désenclavement du quartier des Aubiers entamé avec l’aménagement des friches ferroviaires de Cracovie ». Même son de cloche pour le maire de Bordeaux, qui a profité de la visite au sein de cette « Résidence du Lac » pour demander « aux constructeurs d’intégrer cet aspect de nature dans leurs projets. Nos concitoyens expriment le besoin d’évoluer dans un cadre aussi arboré et vert que possible, on peut faire de la densification avec des espaces verts importants ». Les chantiers immobiliers veulent donc verdir leur image et en faire profiter tout le monde, tout en oeuvrant à une « nécessaire » densification. Après la signature la semaine dernière d’une « charte du bien construire », cette dernière devrait être, par l’intermédiaire de débats avec les opérateurs sur le contrôle du foncier, le prochain chantier de Bordeaux Métropole. La prochaine réunion de concertation du PRU des Aubiers, elle, aura lieu le 8 mars (comptez sur nous pour nous y inviter…) et les aides de l’État devraient être connues courant juin, date de remise d’un « plan guide » aux habitants du quartier par la mairie de Bordeaux. Enfin, le programme 50 000 logements continue son extension : sur les « îlots communs » répartis dans onze communes, 200 logements ont été livrés en 2017, 300 devraient l’être en 2018 avant un sérieux coup de boost qui prévoit 2000 nouvelles livraisons entre 2019 et 2020. Selon les données de Bordeaux Métropole, d’ici le mois de juin, les permis de constuire optenus « représenteront un volume d’environ 3800 logements ». Bègles, Eysines, Bruges, Le Bouscat, Mérignac et Villenave d’Ornon font déjà partie de la quinzaine d’opérations déjà actives, Le Haillan et Gradignan devraient suivre dès cette année. Des preuves s’il en est qu’à Bordeaux, la future loi logement ne semble pas vraiment freiner le désir de loger les nouveaux arrivants de la onzième ville la plus attractive de France… 

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