Bordeaux a beau fêter le fleuve, les centaines de manifestants de ce samedi 23 mai qui ont défilé une partie de l’après-midi n’en avaient cure. Leur grand ennemi ? Ni la réforme du collège, ni les persécutions syriennes. Non, le grand ennemi, celui que l’on voyait affiché sur toutes les pancartes affublées de cornes du diable et chanté dans tous les slogans, c’était Monsanto. Monsanto, le leader américain de la biotechnologie agricole, des pesticides et des engrais, qui a su se faire une solide réputation dans le paysage de l’agriculture. Monsanto, c’était aussi un symbole de la malbouffe à l’américaine, car la manifestation visait aussi à soutenir la biodiversité.
Elle a réuni tous âges confondus entre 1000 et 1500 personnes à Bordeaux, mais aussi un peu partout en France comme à Paris, Nice, Toulouse ou encore Grenoble. Le tout relayé dans le cadre d’une journée mondiale de lutte contre le producteur de semences. En tout, 6 organismes ont répondu à l’appel dont Europe Ecologie Les Verts, Les Faucheurs Volontaires ou encore Atac. Pas de heurts à déclarer, la marche s’est faite pacifiquement, entre chants, contre-chants et au son des tams tams et des klaxons. Le tout a duré environ deux heures, un moment bref que Colette, retraitée et militante depuis des années, ne voulait pas manquer. « Je suis très contente que ça se soit aussi fait à Bordeaux, et aussi du fait que ça n’ait rien de politique. On nous cache beaucoup de choses sur les épandages. Je pense à mes petits-enfants, au futur, à ce que le monde mangera demain ».
Ils sont en tout six organisateurs, principalement des jeunes, et l’essentiel du ralliement s’est fait via les réseaux sociaux. Et au milieu des pancartes « Mangez OGM : mangez du Mensonge » ou des cercueils en carton avec un « ci-gît l’agriculture paysanne » en guise d’épitaphe, il y avait l’un d’eux, en gilet jaune, au devant du cortège. Pour Quentin Vidil, cette manifestation là est une réussite dans l’ensemble. « C’est bien qu’on ait réussi à mobiliser autant de monde, dont beaucoup d’associations totalement apolitiques. Tout est parti d’une précédente manifestation qu’on avait organisée sur le climat en septembre; on a voulu retenter le coup pour autre chose. Il n’y aura probablement pas de suite, mais c’est avant tout une lutte pour le respect de l’environnement. La seule chose qu’on regrette, c’est de ne pas avoir réussi à mobiliser les professionnels agriculteurs ou éleveurs avec nous », déplore le jeune homme.
Pourtant, certains ont bien répondu présents de leur plein gré. Ils se font même prendre en photo, affublé d’une tenue blanche et d’un casque protecteur. Nicolas est apiculteur en Gironde, et pour lui, tout le monde est concerné. « Les produits chimiques qu’ils répandent dans les champs détruisent tous les insectes. Il y a 30 ans, on avait moins de 10% de pertes, aujourd’hui on en a entre 15 et 90%, sans autre précision parce que c’est difficile à chiffrer. On ne veut pas dramatiser la chose, mais nous sommes tous victimes, et à des taux élevés ». Sur place, des jeunes déguisés en bouffons se sont amusés à tendre un artichaud en guise de micro à certains passants, tantôt interloqués, amusés ou gênés. En tout, la manifestation s’est déroulée dans près d’une vingtaine de villes en France, et plus largement dans une cinquantaine de pays dans le Monde. Déjà initiée en 2013 par le mouvement militant Occupy, ce type de marche s’est multiplié ces deux dernières années. Cela n’empêche pas la firme Monsanto de prospérer : en 2012, elle affichait un chiffre d’affaire record de 13,5 milliards de dollars, en hausse de 14% par rapport à 2011.