André Boniface: « Plus que les victoires, c’est l’esprit du jeu qui compte »


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André Boniface: "Plus que les victoires, c'est l'esprit du jeu qui compte"

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 31/10/2016 PAR Solène MÉRIC

Sur le rugby français d’aujourd’hui, point d’admiration dans la bouche de l’ancien centre puis allié du Stade montois. Pour lui la seule référence qui vaille est celle du rugby …néo-zélandais, qu’il prendra souvent comme modèle tout au long de la soirée : «  Pour moi l’essentiel du jeu doit être basé sur la passe. C’est le cas des néo-zélandais qui ont un jeu de passes et de rapidité. On n’est pas sur un jeu d’écrasage, et d’empilage de barbaque, comme ce qu’on voit ici. Moi je n’aurais pas joué à ce rugby là !» Un commentaire pas vraiment étonnant dans la bouche de celui qui s’est fait connaître par ses « passes en or ». Il poursuit « Le fameux « french flair », dont on a beaucoup parlé à mon époque, ce n’est pas nous qui l’avons inventé en tant que tel. Ce sont les britanniques, à l’époque, qui ont été surpris par notre jeu, et qui l’ont baptisé ainsi. Aujourd’hui quand je lis ou écoute les commentateurs britanniques, ils disent que le french flair est en train de quitter le jeu français. Et c’est dommage, parce que l’important, ça n’est pas de gagner tout le temps, les résultats on s’en fout, c’est l’esprit qui compte ! On ne peut pas venir voir un match de rugby, et s’ennuyer pendant 80 minutes ! Et pourtant maintenant c’est souvent ça et c’est regrettable… » A l’entendre « la beauté du geste » qui a baptisé l’exposition qui lui est consacrée ainsi qu’à son défunt frère est en voie de disparition…

« Le rugby, c’était une espèce de drogue »Ses amertumes, incompréhensions et coups de colère sur le rugby d’aujourd’hui, et particulièrement le rugby français, sont nombreuses : « des changements de règles presque tous les ans et sans aucun intérêt », « une volonté d’attaquer perpétuelle », sans prendre le temps « ni d’analyser le jeu, ni de garder de la profondeur », la possibilité de « remplacer les joueurs à tout va, qui ne permet pas d’atteindre le point de rupture de la défense pour marquer », etc… L’occasion d’ailleurs de placer sans fierté particulière, « moi je vous avoue, je n’ai jamais eu l’impression d’être fatigué sur un terrain, jamais. Le rugby c’était même plutôt une espèce de drogue »… Une bonne drogue dans ce cas, contrairement à d’autres … Si de dopage, rien, dit-il, ne lui a été proposé, il n’est pas tendre sur ce qu’il constate aujourd’hui, ne serait-ce que sur le physique des joueurs, « on leur intoxique les muscles ! C’est pas la muscu qui leur donne cette carrure, et conséquences, les chevilles ou tendon d’Achille ne supportent pas tout ce poids, ils pètent. On les détruit ces jeunes ! », dit-il avec quelques noms en tête.
Une des conséquences sans doute de la professionnalisation du sport, même si sur l’évolution du jeu du rugby français, se sont plutôt les entraîneurs qu’il charge : « diplomés des écoles mais pas tellement du terrain… ». Cela dit, au sujet du professionnalisme… drôle d’impression dans le public, surtout pour les plus jeunes, quand l’international qu’il était, rappelle : « En 20 ans de carrière je n’ai jamais touché d’argent, pas une seule prime. Nous on était passionnés, on n’aurait même jamais pensé à monnayer notre valeur rugbystique… On aurait bien eu du mal à le faire d’ailleurs. Une seule fois pour une sélection en équipe de France, j’ai touché 2,5 francs par jour pour un déplacement de 2 mois en Nouvelle-Zélande. Sinon pour vivre, j’avais mon magasin à Mont-de-Marsan ».

« Avoir un don, c’est la plus belle chose, mais aussi la plus fragile »Un magasin, qu’il quittait chaque jour à 17h pour aller s’entraîner: « je courrais dans les sentiers autour de Mont-de-Marsan en écoutant mon corps, je faisais chaque jour 300 abdominaux, je buvais presque pas d’alcool, j’avais arrêté la viande à 18 ans, je faisais de l’athlétisme… On me prenait pour un anormal à m’entraîner comme ça.. !» Alors s’il veut bien admettre que malgré tout, il avait peut être aussi un don, il ajoute aussitôt que « si c’est la plus belle chose que d’avoir un don, c’est aussi la plus fragile… »
Mais une amertume quand même le hante, et l’exposition a été, malgré elle, l’occasion de le lui rappeler : l’absence de reconnaissance de la fédération, et en local, des dirigeants du club de Mont-de-Marsan. « On ne m’a jamais invité à voir un match international. Sur la tombe de mon frère, il n’y a aucune plaque de la fédération de rugby, pas un dirigeant de la fédé n’était là pour son enterrement…. Et pour cette exposition ici à Monfort, après 20 saisons dans ce club de Mont-de-Marsan, pas un dirigeant du club n’est venu, pas un. Les mêmes dirigeants qui par contre n’oublient pas, dès qu’ils peuvent de faire valoir, le glorieux passé du club… ». Plus qu’une amertume, c’est une blessure, un bleu à l’âme pour ce sportif franc et généreux. A l’entendre, c’est encore un peu de l’esprit du rugby qui se perd.

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