Interview: Alain Claeys (maire de Poitiers) : « Grand Poitiers a intérêt à renforcer son attractivité »


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Interview: Alain Claeys (maire de Poitiers) : "Grand Poitiers a intérêt à renforcer son attractivité"

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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 08/07/2017 PAR Joël Aubert - Julien Privat

@qui!: Poitiers devient Grand Poitiers, passer de 13 à 40 communes dans une nouvelle intercommunalité, et ceci dans le cadre d’une loi, la loi NOTRe (loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République), comment ça s’est fait et ça se vit ?

Alain Claeys : Plein de choses se passent. Poitiers était capitale régionale. Elle ne l’est plus. Pourquoi ce coup d’accélérateur ? Je pense que la nouvelle région, la Nouvelle-Aquitaine, contrairement à ce que beaucoup de monde dit, a été un accélérateur pour faire évoluer le paysage institutionnel. Poitiers était une agglomération de 140 000 habitants. Suite à cette nouvelle région, cette nouvelle carte régionale, nous avons décidé de réduire les intercommunalités dans la Vienne. Dans ce cadre-là, la préfète a proposé, avec mon accord, une carte qui faisait passer Poitiers de 13 à 40 communes, c’est-à-dire à 200 000 habitants. C’était osé car, à 40, nous franchissons un cap et l’objectif était de passer en communauté urbaine. Au 1er juillet 2017, nous sommes passés finalement en communauté urbaine.

Une gouvernance consensuelle

@qui! : Fédérer quarante communes, cela ne doit pas être si évident que cela ?

A. C. : Il y a eu une accélération des prises de consciences. Pour vous répondre très franchement, il y a dix ans nous n’aurions pas fait cette intercommunalité. Est-ce qu’il y a eu des réticences ? Oui, certaines communautés de communes ont d’abord été hostiles. Des pétitions ont circulé et pas forcément dans les communes les plus rurales. Les maires ont ensuite adhéré au projet. Il y a une chose qui s’est passée avec l’intercommunalité. Je m’en suis rendu compte en visitant les communes. Quand vous voyez les conseils municipaux dans une commune, 50% des personnes, qui les composent, sont des gens enracinés dans la commune parfois depuis plusieurs générations. L’autre moitié a été porte-parole pour faire avancer l’intercommunalité. Ce sont souvent des personnes qui travaillent à Poitiers mais par confort, par goût, sont venues s’installer dans ces communes. Ces gens-là sont des avocats, d’une certaine manière, de l’intercommunalité. En disant que s’ils se sont installés dans ces communes c’est qu’ils ont trouvé du travail à Poitiers. Mettre en place cette intercommunalité a été une très belle aventure. Fédérer quarante communes, construire un budget en 2017, nous l’avons fait. J’ai souhaité une gouvernance consensuelle c’est-à-dire que j’ai institué une conférence des maires. Ces quarante maires ont construit progressivement cette communauté jusqu’au 1er janvier 2017. J’ai voulu que toutes les sensibilités politiques figurent dans cette gouvernance. Tous les maires ont joué le jeu et ont accepté. Nous avons aujourd’hui une gouvernance homogène avec des maires de droite, de centre droit, de centre gauche, de gauche… qui s’inscrivent dans cette logique territoriale.

200.000 habitants, 26.000 étudiants

@qui! : Créer une institution comme celle-ci, certes dans le cadre de la loi mais encore faut-il qu’elle y ait intérêt?

A. C. : C’est lié aux compétences. La loi NOTRe crée des compétences très précises. Nous avons tout intérêt, nous qui nous situons à l’entrée de ce nouveau territoire de la Nouvelle-Aquitaine, à renforcer notre attractivité. Quels sont nos atouts ? Nous sommes une ville universitaire. Nous accueillons pratiquement 26 000 étudiants pour une ville intramuros de 90 00 habitants et pour une agglomération de 200 000 habitants; nous nous situons entre Paris et Bordeaux et nous sommes une ville très compétitive au niveau du prix du logement, au niveau du foncier, ce qui est important pour les entreprises et représente un avantage comparatif important. Nous sommes, aussi, une ville où l’environnement autour des entreprises est très développé (je pense en disant ça à la politique culturelle, sportive et éducative). Dans le domaine du numérique, nous avons une spécificité que nous allons développer. Toutes les villes veulent évidemment se développer dans ce domaine. Mais Poitiers et Grand Poitiers ont un créneau : le numérique et l’éducation. Il se trouve que dans Grand Poitiers nous avons deux acteurs de l’éducation essentiels qui ont été délocalisés : le CNED et CANOPE. Ce sont deux acteurs qui peuvent demain permettre la création d’un écosystème avec l’université sur le thème de l’éducation, les jeux et le numérique. Et je ne parle pas du Futuroscope qui amène chaque année environ 2 millions de visiteurs… Bref, nous avons tout un environnement propice à l’innovation, qui est un élément essentiel de l’attractivité.

A 1h17 de Paris avec la LGV

@qui! : En plus, vous avez la LGV dont la ligne est entrée en service le 2 juillet dernier.

A. C. : Nous faisons partie du petit club des villes TGV. Il n’y a pas de développement aujourd’hui pour les villes si elles ne sont pas au milieu des flux. Être au milieu des flux, c’est-à-dire, au milieu du nœud TGV. Certes, le TGV n’est pas une fin en soi. C’est un outil au service de l’attractivité. Parce qu’aller de plus en plus vite pour venir à Poitiers, c’est bien mais pour quoi faire ?

@qui! : D’ailleurs qu’est-ce que cette nouvelle ligne à grande vitesse va changer pour Poitiers et/ou Grand Poitiers ?

A. C. : On pouvait penser que l’objectif était d’aller de Paris à Bordeaux le plus rapidement possible en oubliant les villes situées entre elles. Nous avons accueilli le 1er et 2 juillet cette nouvelle ligne avec un nombre de fréquences aussi important qu’avant (16 ou 17 chaque jour vers Paris et vers Bordeaux). Avec un temps pour la capitale qui sera autour des 1h17. Nous rentrons dans le club des villes à moins d’une heure et demi de Paris. C’est un atout considérable. Résonons pour une entreprise ou un start-up qui veut s’installer à Poitiers. Ces dernières peuvent recruter des Master (bac+5) sans problème via l’université. Les salariés peuvent, en une matinée, discuter avec les « donneurs d’ordre » qui se trouvent à Paris. Ces entreprises peuvent loger leur personnel dans des conditions beaucoup plus attrayantes que la région parisienne.

@qui! : Vous évoquez Paris mais on peut parler aussi d’un rapprochement d’Angoulême et de Bordeaux. Quand on voit le courant de relations et d’affaires qui s’est développé d’ailleurs entre ces deux villes ça semble prometteur.

A. C. : Au niveau de la carte des grandes régions, la première mouture était de rattacher le Poitou-Charentes avec la région Centre. Pourquoi ? Parce qu’il y avait des liens universitaires, de recherches avec Tours, Orléans, Nantes, etc. En fait, ça a été l’autre possibilité qui a finalement été retenue. Certaines personnes disent que Poitiers va être « mangée » par Bordeaux. Mais cette remarque est un peu stupide et surtout elle est réductrice. S’il n’y avait pas eu la Nouvelle-Aquitaine, la métropole Bordeaux existerait quand même aujourd’hui.

Le fait métropolitain existe partout en France: Il y a Bordeaux, Lyon, Nantes et d’autres villes. La stratégie n’est pas de se replier sur soi-même, de faire des lignes Maginot. Aujourd’hui, Poitiers a intérêt à garder ses coopérations avec Tours, mais aussi à coopérer dans de nouveaux espaces et notamment avec Bordeaux dans toute une série de secteurs. Je pense au CHU, je pense à l’aéronautique, entre autres. Bref toute cette période de chamboule-tout nous a conduit à quoi ? À nous obliger, au niveau institutionnel à faire des choix. Ça a été au niveau de la communauté urbaine; domaines par domaines cela nous a conduit à nous demander par rapport à cette grande région où sont nos domaines de forces (le CHU, l’enseignement supérieur…).

L’ADN de Poitiers

@qui! : L’enseignement supérieur puisque vous abordez le sujet, c’est une sorte de marqueur pour Poitiers.

A. C. : L’université, c’est l’ADN de Poitiers. Nous sommes une université généraliste. Toutes les disciplines y sont représentées. Je crois, aujourd’hui, que l’objectif pour une université comme la nôtre, est de trouver ses spécificités. Pour cela, il faut multiplier des alliances. Il y a par exemple, au niveau de la recherche en terme de santé, des créneaux sur lesquels il faut travailler. On a des équipes INSERM reconnues au niveau national maintenant. Il y a autour des sciences de l’ingénieur le laboratoire Pprime qui est un des plus grands laboratoires de France sur les sciences de l’ingénieur et qui regroupe notamment des chercheurs de l’école supérieure de l’aéronautique (l’ENSMA) et différents laboratoires de l’université. Nous avons dans les sciences humaines, des disciplines extrêmement développées et un avenir grâce aux choix que l’université fera. Mais là encore avec une vision d’alliance de stratégie, se mettant en rapport avec Bordeaux, Limoges, Tours et même La Rochelle.

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