Transmission agricole : les étapes pour sauter le pas


Anne-Lise Durif
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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 29/03/2019 PAR Anne-Lise Durif

Cette référente RH auprès de GAEC et Sociétés délivrait donc ses conseils aux agriculteurs durant ce mois du Printemps de la transmission, organisée dans les départements de Nouvelle Aquitaine par la Chambre d’agriculture régionale.


1)      Se laisser du temps

Pour Danielle Guillebaud, un changement de vie quel qu’il soit prend du temps psychologiquement. Une transmission agricole n’échappe donc pas à la règle, et il faut laisser aux exploitants le temps de se faire à cette idée. « Le point de départ pour commencer à y réfléchir, c’est quand l’agriculteur commence à se poser des questions sur sa retraite. Parfois, c’est même avant, quand il y a un ras-le-bol récurrent et qu’on se dit « à quoi bon continuer ». Ce sont autant de signes avant-coureurs qui demandent d’engager une réflexion sur l’après », explique l’animatrice, qui constate que les agriculteurs sont de plus en plus nombreux à arrêter bien avant leur retraite, pour s’orienter vers une autre profession. « Il arrive souvent que le moral fasse des allers-retours entre le ras-le-bol et un regain de motivation. C’est normal d’être dans l’incertitude. Il ne faut pas se laisser culpabiliser par son entourage qui vous somme de prendre une décision ferme et rapide. L’acceptation du changement prend du temps […] L’élément déclencheur du projet, c’est quand on est prêt à annoncer une date de changement de vie ».


2)      Les bonnes questions à se poser

« Il y a encore trente ans, on ne se posait pas la question de la transmission de son exploitation : ça restait forcément dans la famille. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. La propriété agricole est devenu un bien comme un autre, et la transmission un marché. C’est une réalité parfois dure à accepter pour les agriculteurs qui se sont investis toute leur vie dans cet outil de travail ». La première question à se poser est donc celle de la valeur de son exploitation par rapport au marché, qui n’est pas toujours en adéquation avec l’estimation qu’en fait l’exploitant. Il faut donc se poser des questions comme « quel est mon environnement ? », « quel profil de candidats mon exploitation peut intéresser ? », « en quoi elle est attractive ? ». « C’est comme vendre une maison. Si elle ne correspond pas à la demande ou si elle est mal entretenue, vous n’aurez pas d’acheteur », explique Danielle Guillebaud. Mieux vaut donc se faire accompagner pour l’estimer, par les Points accompagnement transmission (PAT) notamment. 


3)      Mettre au clair son projet avec soi même et avec ses proches

Avant de mettre en place toute chose, Danielle Guillebaud conseille de réunir toute la famille autour de la table pour parler du projet de transmission. « Des fois, une vocation se déclare tardivement chez un parent, y compris éloigné. Il fait un autre métier mais un déclic se produit au moment l’annonce du départ. Il ne faut donc pas préjuger de ce qu’ils pensent. J’entends parfois des réflexions du style : ah non mais lui, jamais ça ne l’intéressera, il gagne bien sa vie. Vous n’en savez rien. Les motivations d’une réorientation sont souvent liées à des envies de changement de vie, de lui donner du sens.» Il faut donc faire part de ses projets, en posant notamment la question du devenir de la maison familiale attachée à la ferme, où on généralement grandi les enfants : « Est-ce qu’on la transmet avec le reste ou est-ce qu’on la garde ? Est-ce que les enfants veulent la récupérer et si oui dans quelles conditions ? » En GAEC, il faut naturellement se poser la question du statut du nouveau venu : salarié ou associé ? Dans quelles conditions ? « La façon dont on va intégrer un hors cadre familial est aussi primordiale. C’est difficile pour un nouvel arrivant d’intégrer une famille avec ses codes et ses modes de fonctionnement, on peut se sentir comme un étranger. Il faut souvent remettre à plats les habitudes familiales et passer à un fonctionnement professionnel où le privé ne déborde pas sur le travail.»

Si tout ou partie de l’exploitation appartient à des propriétaires non exploitants, il faut également leur faire part de ses projets.

Après avoir joué cartes sur table avec la famille, il faut se mettre au clair avec soi-même. « Répertoriez ce qui est négociable ou pas pour vous dans vos conditions de transmission. Si vous êtes hésitant au moment de la rencontre avec le candidat, il va penser que vous n’êtes pas prêt et il ira voir ailleurs », prévient Danielle Guillebaud en rappelant qu’il y aujourd’hui plus d’offres à la reprise que de demandes, laissant un large choix aux porteurs de projets.


4)      Ne pas s’endormir sur ses lauriers

Pour assurer une transmission, il n’y a pas de secret : il faut être dans l’action. « Il ne faut pas se contenter d’attendre que le PAT vous amène un candidat. Il faut en parler un maximum autour de soi : à la Chambre, aux réunions de CUMA, dans son réseau professionnel…  Y compris à des gens dont on ne pense pas que la reprise d’une exploitation puisse les intéresser. On ne sait jamais ! » Concernant son exploitation non plus, il ne faut pas s’endormir sur ses lauriers. « Il faut continuer à l’entretenir et se demander comment on peut l’améliorer : c’est le moment de la mettre en valeur, de la faire évoluer en innovant, en se tenant au courant des nouvelles tendances, voire de lancer une nouvelle production. » Pour Danielle Guillebaud, l’idée générale est de faire passer le message que la ferme est adaptable au projet du candidat.  «Il ne faut pas se faire d’illusion. Aucun candidat intéressé par votre exploitation n’aura l’envie de refaire les choses à 100% comme vous, même si vous pouvez vous accorder dans les grandes lignes. Il faut donc lui montrer que votre exploitation offre une certaine souplesse qui lui permette de développer son projet d’entreprise.»

L’optimisme reste également le meilleur atout pour se vendre. « Allez de l’avant, acceptez les changements même si vous trouvez au fond de vous que « c’était mieux avant ». On se vend toujours mieux quand on est positif et dans un état d’esprit ouvert. » Commencez à penser son 2e projet de vie, post transmission, est également un autre moyen d’aller de l’avant.


5)      Intégrer le candidat au projet de transmission

« Transmettre une exploitation, ce n’est pas seulement céder un foncier, c’est aussi une aventure humaine ». Les passations de témoin du jour au lendemain, avec une rupture brutale entre l’avant et l’après activités, sont généralement mal vécues par l’exploitant, et pas forcément mieux par le repreneur. La meilleure solution reste de faire une transition en douceur, de plusieurs mois à plusieurs années. Danielle Guillebaud estime en moyenne le temps de transmission de 4 ou 5 ans, entre la décision de transmettre et le départ définitif de l’exploitant. « Après, il n’y a pas de modèle idéal, chaque transmission est un cas particulier. C’est au cédant et au repreneur de trouver ensemble la façon qui leur convient pour assurer cette période de transition », explique Danielle Guillebaud. L’agriculteur doit donc se poser la question, en amont, du statut et de la place qu’il peut accorder au repreneur le temps de cette passation : stagiaire, apprenti, salarié ou associé ? A mi-temps ou à temps plein ? Combien de parts en cas d’association ?  En sachant qu’un repreneur peut aussi passer progressivement par tous ces statuts avant de reprendre l’exploitation. Le PAT peut notamment accompagner les deux parties pour trouver des réponses à ces questions, la problématique principale étant souvent financière. Autre point d’importance : le PAT constate souvent que les candidats à la reprise sont très demandeurs de transmission de savoirs de la part de leurs ainés, en particulier les candidats non issus du milieu agricole. Une passation de témoin sur plusieurs années, avec un exploitant initial qui s’efface progressivement des prises de décision et de l’activité de l’exploitation, semble ainsi être la meilleure solution pour les deux parties.  « A condition de rester ouvert aux idées de l’autre », rappelle Danielle Guillebaud, « il faut toujours garder à l’esprit que le repreneur porte un projet d’entreprise et qu’il s’est lancé dans l’aventure pour le porter jusqu’au bout.» Bref, il faut être en capacité de se mettre à sa place, et de le conseiller sans le brider.

Une fois le modèle de transmission mis en place, le cédant peut alors commencer à se libérer du temps pour poser les jalons de sa deuxième vie.  

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