A Pessac, Michel Winock revient sur les engagements communistes des intellectuels


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A Pessac, Michel Winock revient sur les engagements communistes des intellectuels

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 14/11/2009 PAR Joël AUBERT

« Ce n’était pas précisément la médiocrité qui poussait les intellectuels vers le communisme ».Dès le début de la rencontre, avec emphase, Michel Winock annonce la couleur. Etre communiste était un signe de talent. Même si chaque engagement était personnel, « un cas d’espèce » rappelle t-il, comment des gens si brillants que Michel Foucault, Edgar Morin, Jean-Paul Sartre, pour ne citer que les plus connus, ont-ils pu adhérer corps et âme à une doctrine, comme des croyants dictés par la foi ?

« C’était des croyants ! »
Des multiples raisons que donne Michel Winock pour expliquer ce phénomène, il insiste avant tout sur la méthodologie de l’historien qui doit faire preuve d’empathie. Il définit alors l’empathie comme « la volonté de comprendre les choses de l’intérieur ». Il fallait s’imaginer l’époque où au sortir de la guerre, l’Union Soviétique, terrassant le monstre nazi à Stalingrad, libérant Auschwitz, symbolisait la résistance, l’héroïsme, la fraternité et la conscience morale. Entrer au Parti communiste c’était être dans le bon camp.

Michel Winock, sans concession, affirme que derrière ce besoin des intellectuels de se rapprocher du destin des prolétaires, il y a une mauvaise conscience bourgeoise qui les tenaille.Et il enfonce le clou en poursuivant son raisonnement : derrière le besoin de solidarité, il y a la figure du Christ.

« Beaucoup de compagnons de route, dit-il sur un ton laconique, sous-entendant une évidence qui n’est plus à prouver, étaient poussés par un sentiment chrétien, et Michel Winock s’enflamme, le PC était le parti des pauvres ! Cet espoir d’un monde fraternel conduisait les intellectuels à oublier leur devoir de penser le politique, indépendamment de la Foi ! C’était des croyants ! »

« Le PS n’était pas sexy ! »
Vient alors se poser le sujet épineux du rôle des ces intellectuels, oublieux de leur condition, près du peuple et qui servent activement le parti communiste. Si la droite n’existait pas vraiment à l’époque, ce que l’on appelait la troisième force (démocrates chrétiens, droite libérale et SFIO) était privée du soutien des intellectuels. Ceux-ci étaient -Michel Winock citant tour à tour Staline et Gramsci- occupés à conquérir les esprits pour préparer le Grand Soir, défendant la ligne du parti dans le domaine politique, culturel et diplomatique. Les intellectuels étaient obnubilés par la puissance soviétique, « la poétique de la production », « l’énorme chantier» que représentait l’URSS. A côté de ce rêve éveillé et de ce système promettant un avenir radieux pour tous, « le PS n’était pas sexy !», déclame Michel Winock, droit sur son fauteuil. En principe marxiste, mais coupé du syndicalisme, loin de la lutte de terrain et de la réalité ouvrière, la SFIO ne représente ni la fraternité avec le peuple, ni l’espoir d’un monde meilleur. Le grand phare de l’humanité est à l’extrême gauche.

« Quitter le parti était un déchirement existentiel ! »
Michel Winock revient ensuite sur la terrible année 1956 pour le parti communiste et la réaction ambiguë des intellectuels face au retour brutal de la vérité. En mai 1956, le journal « Le Monde » publie le rapport Kroutchev qui fait état des crimes du stalinisme. Cette brèche devient un gouffre lorsque, durant l’automne 1956, les chars russes écrasent l’insurrection des ouvriers hongrois.

«Certains décident de ne plus y croire, affirme Michel Winock, pourtant aucun n’ose quitter le parti. Etre au PC, était moins un acte de raison qu’un acte d’amour, du parti, des compagnons… Quitter le parti était un déchirement existentiel, abandonner les ouvriers était un crève-cœur !Certains professeurs attendaient une mutation.»

Olivier Darrioumerle

 

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