Interview – Emmanuel Toniutti : « Je suis pour un retour aux idées premières du libéralisme »


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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 20/05/2010 PAR Joël AUBERT

@qui! – Ethique et leadership: comment convaincre le plus grand nombre que cesdeux termes sont compatibles dans une société où l’image est prépondérante et gouverne jusques et y compris les faits et gestes des gouvernants?

Emmanuel Toniutti – Pour convaincre, il faut croire…envers et contre tout. Il faut avoir le courage d’accepter l’inacceptable parce que, quelquefois, l’inacceptable constitue la réalité et nous ne pouvons rien contre la réalité. Dans ces cas là, la meilleure manière de convaincre, c’est de faire, c’est d’agir là où nous sommes dans la responsabilité que nous occupons et qui nous est confiée. L’éthique ne relève pas du discours mais de la pratique. Certes l’image est prépondérante dans nos sociétés mais je ne suis pas de ceux qui pensent que convaincre doit d’abord passer nécessairement par l’image, la  communication et le marketing. Nous devons d’abord développer notre propre conviction dans le fait qu’il est possible de conjuguer éthique, leadership et responsabilité. Ensuite ne jamais nous laisser abattre par le non éthique qui est quelques fois permanent; se garder de faire la morale et de critiquer sans construire une voie pour le futur. Faire, agir, c’est développer sa notoriété…la notoriété peut convaincre pas la colère.

La double performance objectif d’entreprise

@! – En période de crise, dans ce contexte de mondialisation exacerbée, y a-t-il vraiment place pour une conduite du changement dans l’entreprise qui soit sous-tendue par une véritable éthique?

E.T. – Il y a la place pour une conduite éthique du changement dans l’entreprise, cela ne fait aucun doute. Je le vis concrètement depuis 10 ans avec nos clients. Mais dans le contexte de mondialisation qui est le nôtre, cela va prendre beaucoup de temps, d’ailleurs très probablement « une véritable éthique », comme vous dîtes, ne sous-tendra t-elle jamais totalement l’entreprise. Il ne faut pas tomber dans l’idéologie du tout éthique, tout comme il ne faut pas tomber dans l’idéologie du tout non éthique. La sagesse se trouve dans l’équilibre. Il faut réussir à gérer l’entreprise tant dans sa performance économique que sa réussite humaine, ce que nous appelons la double performance. Et du point de vue de la mondialisation, le début de colonisation économique tout juste initié par la Chine en dehors de son propre territoire va naturellement amener les occidentaux à se réinterroger sur leurs fondamentaux. Dans ce sens pour ma part je suis pour un retour, non aux mécanismes d’origine (puisque le contexte a changé) mais aux idées
premières du libéralisme : retrouver le sens du risque, savoir concilier une juste répartition de la valeur financière entre le capital et le travail, intervenir dans l’économie lorsque les dirigeants ne sont plus capables d’avoir le sens des réalités, intervenir sur le marché lorsque celui-ci ne
se régule plus naturellement, éduquer les futurs dirigeants à l’exercice de la responsabilité éthique… Mais pour cela il faut se réinterroger sur les valeurs humaines fondamentales qui ont conduit à la naissance du libéralisme.

Un dilemme éthique

@! – Le mot valeur, dans notre vocabulaire courant semble retrouver, ces temps-ci, une place que l’on croyait disparue? Le ressentez-vous aussi?

E.T. – Oui nous parlons beaucoup du mot valeur. Je rencontre beaucoup de personnes dans mon entourage professionnel qui affichent la valeur du courage par exemple. Mais là encore, le problème n’est pas d’afficher mais de faire, d’agir. Vous comprenez, le mot courage prend une toute autre dimension, lorsque, par exemple dans des moments difficiles pour l’entreprise, vous arrivez le matin à votre bureau,l’actionnaire a décidé de licencier 10% des employés et vous devez être l’acteur de ces licenciements. Or vous défendez des valeurs humaines fortes et vous n’êtes personnellement pas d’accord avec cette décision mais vous venez d’acheter une maison, votre
femme est enceinte de votre deuxième enfant et vous briguez un poste à responsabilité plus importante : qu’est-ce que c’est que le courage dans un cas comme celui-là ? Se démettre, se soumettre ? Conduire les licenciements, parce qu’au fond je reçois également un salaire pour cela ? Voilà un dilemme éthique. Le tout éthique n’existe pas. Probablement, ici, le courage serait de
conduire le plan de licenciement et de s’assurer que toute personne licenciée, non mise à la retraite, retrouve un travail dans les meilleurs conditions dans une autre entreprise de la région. Le courage, c’est de se battre envers et contre tout mais, pour cela, il faut croire en soi-même et il faut amener les autres à croire en eux-mêmes, en fonction de leur personnalité et de leurs meilleurs  compétences.
En philosophie, nous faisons toujours une distinction entre l’utopie et l’esprit de l’utopie. L’utopie est quelque chose qui n’arrivera jamais dans la réalité, par exemple le tout éthique. L’esprit de l’utopie, c’est de croire que le changement vers l’éthique peut progresser sans jamais se faire d’illusion sur le fait que le tout éthique pourrait advenir vraiment. Il faut rester réaliste parce que la vie des affaires est un combat permanent. Mais si nous croyons dans des valeurs humaines fortes que nous  pouvons mettre au service de la double performance de l’entreprise alors, il est très clair que nous pourrons développer des modèles de leadership responsable adaptés à nos différentes stratégies. En conciliant théorie et pratique de la vie de chef d’entreprise, j’ai pu aborder ces questions dans
mon dernier ouvrage publié « L’urgence éthique. Une autre vision pour le monde des affaires ».

Plus d’information sur le site de l’Université hommes-entreprises ou sur Facebook

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