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L'ÉDITO

 par Joël AUBERT Joël AUBERT
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10/11/2012

Sud Ouest : la fin d’une époque

A une époque où la presse quotidienne nationale jouissait encore d’une grande audience, Sud Ouest, comme d’autres titres, Ouest France ou La Voix du Nord par exemple, avait fait le pari d’un journal complet, tenant les deux bouts du spectre de l’information. A la fois journal couvrant l’information locale la plus humble et quotidien national, fort d’une rédaction parisienne réunissant quelques unes des plumes les plus brillantes de la chronique politique et parlementaire. Qu’ils se nomment Jean-François Dupeyron, Pierre Sainderichin ou André Mannon. Epoque faste où le grand reportage tenait lieu de label d’excellence aux yeux des éditeurs, fiers des prix Albert Londres couronnant les Jean-Claude Guillebaud, Pierre Veilletet ou Yves Harté.

Bon an mal an, à partir des années 75, sous l’autorité éditoriale de Jean-François Lemoîne disparu prématurément en 2001, Sud Ouest a tenu le cap sans parvenir à maintenir une diffusion, d’ailleurs a peu près partout à la baisse, souvent bridé d'ailleurs dans ses développements par le corporatisme du Syndicat du Livre. Pour y avoir vécu la grande grève de près d’un mois, de février 1972, l’auteur de ces lignes put mesurer, alors, à la fois le rôle irremplaçable que jouait le journal dans la vie sociale d’une région et la fragilité de son économie. Un actionnariat indécis qui ne joua pas son rôle, après la mort de Jean-François Lemoîne, déboucha sur une faillite de la gouvernance lorsque Pierre Jeantet quitta le groupe pour rejoindre Le Monde d’où il allait vendre, au prix fort, les actifs des journaux du Midi à... Sud Ouest, avant d'en reprendre la direction. Rappelons que ce rachat, conçu comme devant permettre une croissance externe du groupe bordelais, devait se faire en compagnie de la Dépêche du Midi mais que, finalement, celle-ci y renonça.

Ce rappel est indispensable, au moment où Sud Ouest referme la page d’une histoire brillante et nécessairement controversée. Jusqu’à ces derniers jours, dernières heures, le quotidien victime, comme d’autres, de la crise, de la chute de ses recettes publicitaires et de choix stratégiques malheureux, n’avait jamais renoncé à figurer parmi les meilleurs. Cela lui valait et lui vaut encore, sous réserve d’inventaire, une réputation flatteuse, dans un paysage de la PQR désolé. A quelques rares exceptions près dans l'Ouest qui s'appellent Ouest France ou le Télégramme, alors que chaque jour des titres disparaissent ou sont rachetés dans l'est notamment. Aujourd'hui, l’émotion qui s’est emparée de la rédaction et des journalistes de Sud Ouest, les poussant à la grève, renvoie certes à la crainte matérielle de l'avenir mais aussi au sentiment que le journal serait contraint de renoncer au meilleur de ce qui a fait son identité.

Ce 9 novembre, sous l’impulsion d’un manager sans état d’âme qui a considéré froidement les chiffres, et donc les pertes et les dettes du groupe, Sud Ouest a renoncé à son impérium, s’appuyant en particulier sur ses quotidiens départementaux qui sont bien implantés en Charente et dans les Pyrénées-Atlantiques, la Charente libre et la République des Pyrénées . En fermant du même coup des agences –la disparition de celle du Béarn dans la seconde ville de la région est quand même surprenante-qui entretenaient une saine concurrence. Le réalisme, en l’occurrence, ne fait pas bon ménage avec le pluralisme.

Condamné à évoluer, le groupe dont la famille Lemoîne reste encore, et de loin, le principal actionnaire veut entrer à marche forcée dans l’univers du numérique. Mais la tablette ne sera pas pas, forcément, du jour au lendemain, le support du renouveau de la diffusion. Il faudra continuer à faire le service d’un journal de qualité dans une région où les lecteurs ne vont pas rajeunir comme par enchantement.

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