Shoah: Le non de Simone Veil

Il aura donc fallu quecette femme respectée et exigeante qui vient de donner dans "la vie", son livre de mémoire, une leçon de dignité, sans ménager les hommes de pouvoir qu'elle a cotoyés, crie son indignation. Oui, il aura fallu que cette voix, plus que toute autre légitime, s'élève pour que nous prenions l'exacte mesure de cette "incroyable idée" dont on aimerait qu'elle n'appartînt pas à Nicolas Sarkozy, même s'il n'a pas craint de la faire sienne.

Faire d'un gamin, d'une gamine de Cours Moyen, en quelque sorte, le parrain d'un enfant mort, victime de la Shoah, lui intimer cet ordre de repentance: quelle injuste peine! comme le souligne Simone Veil et quelle dangereuse initiative, à une époque où la recherche exacerbée de la culpabilité est déjà un mal social. Alors qu'il faudrait, surtout, chercher à mettre en confiance les jeunes, à renforcer leur capacité à se forger une personnalité, et ceci d'où qu'ils viennent, à quelque milieu social qu'ils appartiennent. Croit-on que c'est en associant, à un crime horrible, la fraîcheuret la part nécessaire d'innocence qui gît en chaque écolier que l'on va en finir avec le devoir collectif de mémoire qui nous incombe? Enseignons-leur, juste un peu plus tard, dans leur scolarité, ce que fûrent le régime de Vichy, les lois anti-juives et disons-leur quel genre de politicien fût Pierre Laval... Mais, de grâce, ne leur faisons pas porter un poids trop lourd et probablement, pour beaucoup, incompréhensible.

Un homme, un président de la République, un vieil humaniste qui avait au moins le mérite de détester l'extrême droite et de ne rien lui concéder a, au nom de l'Etat français, assumé la responsabilité des horreurs d'un régime qui a trahi les valeurs de la République. Cet homme s'appelle Jacques Chirac.

Il n'était nul besoin que l'entourage de Nicolas Sarkozy, fait de plumes ostentatoires et de donneurs de leçons d'Histoire, ajoute à toutes les malheureuses initiatives qui discréditent le sommet du pouvoir éxécutif.

Joël Aubert