icone plume

L'ÉDITO

 par Joël AUBERT Joël AUBERT
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
03/07/2016

Rocard : sa liberté de parole va nous manquer

La Gauche parlait surtout l'accent de la Bigorre, celle du communiste Jacques Duclos qui avait recueilli 21,27% des suffrages au premier tour, rendant encore plus cruels les 5% de Gaston Defferre et des socialistes. Dans ce contexte, Rocard fait beaucoup plus que de réunir 3,6%, il déroule de façon inimitable son discours autogestionnaire qui fait écho aux folles heures de mai 68. Chacun perçoit, alors, à l'aune des mots prononcés et des utopies qui s'envolent, la naissance d'un destin qui ne pourra être que singulier... Il le restera jusqu'au bout et c'est cette parole libre, cette rigueur de la pensée, nourrie aux sources du protestantisme, que l'on salue aujourd'hui dans une rare unanimité.

Car cet homme, d'une intelligence exceptionnelle, dont Alain Juppé rappelle justement « l'esprit agile et la culture historique » pouvait être socialiste, le rester, et dire sans ménagement son fait à la famille qu'il avait rejointe trois ans après le congrès fondateur du PS à Epinay et le triomphe de François Mitterrand.

De ces deux hommes qui ont incarné la gauche, avec Pierre Mauroy puis Jacques Delors, pendant les années qui allaient la conduire jusqu'aux marches dee l'Elysée, il est peu de dire qu'ils n'avaient rien pour s'entendre, ni l'extraction, ni la conception du pouvoir. François Mitterrand n'avait pas craint de théoriser « la rupture » avec le capitalisme, ce qui l'aiderait grandement, par la suite, à embarquer le parti communiste dans cette union de la gauche qui, seule, pouvait lui autoriser la victoire aux présidentielles, ce qui, après l'échec de 1974,  fut fait en 1981. Michel Rocard ne pouvait pas concevoir cette union-là, au-delà d'une élection, pour gouverner. Une union qui trouva pourtant sa courte apogée dans cette campagne des nationalisations, issues du programme commun que d'aucuns se plaisaient à qualifier de communiste... Ministre, parfois là où on ne l'attendait pas, à l'Agriculture notamment ou au Plan et à l'aménagement du territoire, le maire de Conflans-Sainte Honorine empruntait un chemin affirmant le besoin d'inventer et d'agir. De défendre, en particulier, la nécessité de la décentralisation dont nous l'entendîmes parler avec des accents plus que visionnaires et celle, aussi, d'un syndicalisme réformateur. On a beaucoup dit que si François Mitterrand avait fini, contre l'avis de beaucoup des siens, par le nommer premier ministre, après sa réélection brillante de 1988 ce n'était que pour mieux l'affaiblir... Les trois années passées à Matignon révéleront les capacités d'un véritable homme d'Etat, négociateur dans l'âme, imposant un accord pourtant improbable entre caldoches et kanaks de Nouvelle Calédonie. Un homme qui ne cèdera pas sur l'exigence de vérité, qu'il s'agisse d'économie ou des libertés, qui s'était engagé pour défendre la planète et qu'exaspéraient au plus au plus haut point, au soir de sa vie, les emballements d'une société gouvernée par la communication.

Laissez vos commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

A lire ! Éditos précédents