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L'ÉDITO

 par Joël AUBERT Joël AUBERT
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17/10/2010

Quand Nicolas Sarkozy s’obstine à ne pas bouger

Certes, mais dans l'histoire de la V° République des précédents existent où les présidents ont dû renoncer face à la contestation sociale et populaire. Légitimité populaire de la rue contre légitimité populaire issue des urnes ? Vieux débat franco-français...
Souvenons-nous de la bataille idéologique qui, jetant dans la rue des millions de personnes contre le projet de réforme de l'école et l'alignement de l'école privée sur l'école publique, avait contraint François Mitterrand, contre sa majorité parlementaire, à renoncer.
Souvenons-nous de la réforme Devaquet de l'Enseignement Supérieur que Jacques Chirac dut retirer en période de cohabitation en 1986, de la réforme des régimes spéciaux de retraites qu'Alain Juppé, sous la première présidence Chirac, abandonna en 1995, du CPE, le fameux Contrat Première Embauche auquel Dominique de Villepin s'accrochait, avant que Jacques Chirac ne siffle la fin de partie en 2006.
Ce qui fut donc possible à plusieurs reprises sous la Cinquième République ne le serait plus en cet automne 2010, au prétexte qu'il y a urgence à « sauver notre système de retraite par répartition » ? Certainement pas, et encore moins maintenant que l'opposition en la personne deMartine Aubry, jouant enfin dans le registre responsable, a suggéré que le Sénat qui a déjà pratiquement bouclé ses travaux les suspendent, allantmême jusqu'à promettre de soutenir une nouvelle négociation...
A cela, il existe une objection majeure pour un Nicolas Sarkozy au plus bas de la considération populaire.Celle du crédit ; il en a déjà beaucoup perdu, au fil des ces trois annéeset demi passées à l'Elysée. Et, circonstance nouvelle et aggravante par rapport à ses prédécesseurs dans l'Histoire de la V°, il a imposé un nouvel usage de la Constitution, s'occupant de tout et à tout instant, dans une hâte que le quinquennat ne fait qu'accentuer, sans chercher à protéger la fonction présidentielle.
Avouer un échec qui le dévaluerait davantage encore, tant aux yeux des siens que de l'étranger lui est insupportable. Et sans doute inimaginable dans la perspective de 2012. N'oublions pas, en outre, qu'il doit assumer, très prochainement, la présidence du G20 et qu'il a l'ambition d'y jouer un rôle, ce qui semble, déjà, en soi plus qu'improbable quand on considère le cynisme parfait de la Chine et l'autisme des Etats-Unis, très occupés à remettre en route leur économie.
L'homme de l'Elysée va donc jouer son va-tout, fouettant les humeurs de certains dans sa majorité, et poursuivant sa réforme à marche forcée, avec l'ambition de prendre de vitesse toute tentative de radicalisation de la contestation actuelle. Sitôt celle-ci votée à l'assemblée, il tentera de changer de terrain et d'imposer une nouvelle donne, nouveau gouvernement à la clé, dans la fenêtre des vacances de Toussaint. Le scénario est écrit ; qu'est-ce qui pourrait l'interrompre ?
La poursuite des manifestations sous leur forme habituelle ? Celles-ci confirment l'impopularité d'un texte dont François Chéréque rappelait, simplement, ce samedi que le jeune ouvrier qui avait commencé à travailler à 18 ans devrait cotiser pendant quarante quatre ans pour atteindre l'âge légal alors que l'entrée de nombre de jeunes dans la vie active ne commence guère qu'à 25. La marge de manœuvre du parlement est désormais quasiment nulle pour apaiser la fronde syndicale dont il est quand même significatif que le leader de la CFDT, d'ordinaire porté au compromis, peste contre l'absence d'une vraie négociation.
L'arrivée en plus grand nombre des jeunes, justement, dans les manifestations? Sans doute et jusqu'ici les étudiants en période de rentrée universitaire ne sont pas entrés dans la contestation.
Les blocages de type corporatiste, émanant des routiers notamment ? Ils font peur mais ce pouvoir ne lésinera pas sur les moyens pour rétablir l'ordre.
L'usure de la contestation sociale est toujours espérée par l'Elysée qui se moque bien de l'autre contestation, politique celle-là. Seul un drame, et c'est terrible à rappeler, pourrait comme ce fut le cas en 1986 avec la mort d'une jeune, contraindre l'exécutif à bouger.
Cette France de l'automne 2010 entre générosité et autisme nous fait peur.

Joël Aubert

 

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