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L'ÉDITO

 par Joël AUBERT Joël AUBERT
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21/12/2008

Printemps, TGV: des faits divers, de l’émotion mais quelle information?


Qu’est-ce donc qui préside, aujourd’hui, au choix de l’information ? L’émotion et son corollaire la communication. Le phénomène n’est pas nouveau mais il ne cesse de prendre de l’ampleur, souvent habilement accompagné, à moins qu’il ne soit anticipé par ceux qui sont en charge de gouverner le pays. A ce jeu la télévision, surtout les chaînes privées, qui font de l’émotion leur fonds de commerce sont promptes à tirer un sujet en longueur. Et, bien entendu, à y adjoindre des commentaires, évidemment autorisés, d’experts immédiatement requis pour tenter, par le biais d’un « éclairage », d’entretenir le suspense, à défaut d’apporter un début de vérité.
La découverte de cinq bâtons de dynamite dans les toilettes du « Printemps » à Paris est à cet égard un cas d’école. Ouverture des journaux télévisés, reprise par la presse écrite, lien immédiat avec la présence de l’armée française en Afghanistan malgré une revendication pour le moins bizarre, sollicitation des experts en géopolitique d’ailleurs assez embarrassés, images de la ministre de l’Intérieur se rendant sur les lieux au pas de charge, déclaration alarmante du premier ministre sur le risque terroriste en France… Le scénario s’écrit selon un mode qui emprunte plus à la mise en scène qu’à la conduite sereine d’une enquête.Dans pareille situation, même si l’on peut considérer que les gouvernants font leur travail, y compris de communication politique, c’est l’empressement des médias à relayer le discours, en l’amplifiant, qui est révélatrice des dérives actuelles. Aucun vrai recul vis à vis de l’information, renoncement à choisir, hiérarchiser comme on l’apprend encore dans les écoles de journalisme… mais plutôt emploi des termes officiels pour désigner des coupables potentiels. C’est ainsi que « l’ultra gauche » française a fait son apparition dans le langage informatif à la faveur de l’étrange campagne de sabotage des lignes du TGV. Que la ministre choisisse ce terme, cela participe après tout de sa responsabilité mais que les médias du 20heures présentent, sans enquête de fond, cette « engeance » dont certains membres fils de bonne famille est surprenant. Le temps de la vérité -on le vérifie d’ailleurs dans cette affaire où les présumés coupables auront bientôt été tous libérés, ce qui ne veut pas dire que certains n’entre eux ne soient pas coupables – n’est pas celui du micro que l’on tend.
Pareille évolution, dans un contexte de concurrence exacerbée, témoigne de la propension à l’emballement médiatique. Au renoncement à la recherche de la vérité, au profit du politiquement correct et, en revanche, à la substitution, à l’information, du couple infernal émotion/communication. Une dérive d’autant plus préoccupante que la démocratie pour prospérer a besoin d’échapper aux manipulations et la société, tout simplement pour vivre, d’un peu d’air frais et de hauteur de vue.

Joël Aubert

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