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L'ÉDITO

 par Joël AUBERT Joël AUBERT
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14/12/2008

Lycée, Ecole: Pourquoi Xavier Darcos entre dans une zone dépressionnaire


Réponse : des réformes décidées à la hussarde, justement entreprises par un homme auquel un hebdomadaire parisien consacrait sa couverture avec ce titre :"Le hussard de Sarkozy", allant même jusqu’à lui prédire les plus hautes destinées.
Ce rappel est en effet indispensable pour tenter de comprendre la situation actuelle. Au fond, Xavier Darcos que l’on connût naguère comme un centriste de conviction et de valeurs, un proche de François Bayrou, s’est converti, sans état d’âme, à la ligne sarkozyenne : rupture rapide, économie, reprise en main. Le tout légitimé par des enquêtes internationales comparatives qui, notamment au niveau de l’école primaire, aboutissaient à un constat accablant : « l’effondrement » du niveau des élèves au cours des dernières années. Sitôt en place, le ministre mit donc en route son plan de bataille, avec pour commencer l’application d’une mesure dont l’opportunité semblait plus que discutable à nombre d’enseignants : la semaine de quatre jours ! Fini les levers familiaux précipités du samedi matin : enfin un ministre qui comprenait les attentes citoyennes et allait dans le sens souhaité par beaucoup de parents. Premier vrai accroc avec des maîtres et maîtresses qui se voient obligés de compenser cette suppression. Et signal adressé à la grande armée enseignante : les temps changent. Ils changent si bien que tout s’enchaîne : carte scolaire, suppression de postes, usage strict du droit de grève…
Le miracle pour XavierDarcos, c’est qu'il ait réussi à passer ce premier vrai cap malgré un tel contexte qui aurait du lui valoir une rentrée 2008 ardue. Désormais cet « excellent ministre » , selon le jugement de Nicolas Sarkozy, entre dans une zone de dépression et de turbulences dont la durée est indéterminée mais prend de nouvelles formes. En effet, une partie du corps enseignant avec des directeurs d’école primaire en première ligne, choisit une ligne de défense nouvelle : la désobéissance. Le coup d’envoi de cette stratégie inédite est donné à la mi-octobre par un directeur d’école de Colmar sous ce titre :«c’est décidé , j’entre en résistance !! ». Et de dénoncer «le harcèlement administratif, les courriels qui arrivent par vagues, le « flicage institutionnel », l’infantilisation des enseignants, le manque de confiance. » La toile aidant, le mouvement de contestation s’étend. Un directeur d’école de Montpellier qui, fin novembre, s’était adressé à l’Elysée pour dénoncer, entre autres, la suppression du réseau d’aides spécialisées aux enfants en difficultés, les RASED, que les enseignants doivent suppléer par une aide personnalisée, se voit retirer l’équivalent de cinq jours de salaires.
Sur le fond, la pertinence même de l’analyse ministérielle, selon laquelle le niveau des élèves ne cesserait de diminuer est contredite par quelques uns des meilleurs pédagogues nationaux sur le thème : M. Darcos maître en déclinologie ». En réalité, beaucoup s’accorderaient, aujourd’hui, pour considérer qu’il existe un vrai problème pour les enfants du primaire, ou du moins ceux qui appartiennent aux couches les plus défavorisées : celui de l’acquisition de la lecture avec, son corollaire, l’absence d’une appropriation convenable de l’orthographe. Dès lors, la critique fondamentale qui pointe porte un nom : inégalités. Les enseignants les plus conscients, et d’ailleurs pas forcément toujours les plus politisés, en appellent aux valeurs de la République, face à ce que l’un d’entre eux nomme « le dogmatisme et le formatage ». Ilsrécusent « l’école à deux vitesses »
Xavier Darcos vient de tirer la leçon d'un possible dérapage de l'ensemble de sa stratégie: il a reporté la réforme de la seconde en accord avec l'hôte de l'Elysée. Reste que cette pomme de discorde n’était que la partie émergée de l’iceberg. Et que le ministre est bien entré dans une zone dépressionnaire dont les conséquences pour le pouvoir pourraient être d’autant plus délicates, qu’elle s’installerait sur une France menacée d’ une grave crise économique et sociale .

Joël Aubert

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