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L'ÉDITO

 par Joël AUBERT Joël AUBERT
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21/07/2019

Humeurs d’été: A la découverte du Camus journaliste

Ce Camus, tout jeune reporter à Alger républicain, habité de bonne heure par le sens aigu de l'injustice, ce journaliste de la locale d'Alger qui rend compte d'une session pittoresque du conseil municipal où le sérieux n'est pas au rendez vous, ou encore d'un reportage lors d'une visite en 1938 au navire -prison « La Martinière », amarré dans le port d'Alger. Camus, rapporte Maria Santos Sainz, y « découvre des géôles, des cellules disciplinaires, des habitacles minuscules et sans lumière » ce qui lui vaut ces propos qui contiennent le cœur de ce que sera l'oeuvre de l'écrivain, l'exigence morale, le devoir d'humanité : « Il n' y a pas de spectacle plus abject que de voir des hommes ramenés au-dessous de la condition d'homme. » Imagine-t-on l'effet produit par de tels articles dans la bonne société algéroise et dans les salons du gouverneur ?

Mais ces récits n'étaient que de peu encore au regard de ce que l'auteur nomme le « J'accuse de Camus », par référence à celui de Zola, défendant le capitaine Dreyfus. Camus s'engage, en effet, dans « l'emblématique cas Hodent qui deviendra une cause exemplaire ». L'histoire « d'un modeste fonctionnaire de la Société indigène de prévoyance de Trézel, dans la province d'Oran et la municipalité de Tiaret, accusé en mars 1939 par le tribunal correctionnel de la ville d'avoir détourné des fonds issus de la venté de blé au détriment des cultivateurs, dans leur majorité propriétaires terriens, et incarcéré sans aucune preuve. Camus enquête, prend la mesure des faux témoignages de ces puissants qui, alliés à quelques caÏds et aux autorités locales, veulent démanteler le service public crée par le « Front populaire pour éviter la spéculation sur les cours du blé .» Le cas Hodent devient exemplaire de la résistance contre la corruption et, au terme d'une campagne faite de révélations, le reporter d'Alger républicain arrache, après une lettre ouverte au gouverneur général Le Beau, la libération d'un homme, emprisonné avant que son procès n'ait eu lieu. Un homme qui finalement sera innocenté, dans un contexte où le journal d'Alger aura su créer, en sa faveur, un courant d'opinion. Et Maria Santos Sainz de souligner : « ce n'est pas un hasard si Camus écrit l' Etranger en 1940, ouvrage dans lequel le procès de Meursault ressemble étrangement à celui de Michel Hodent... »

 

De ce Camus, fils d'une famille pauvre du quartier Belcourt qui devra tant à son instituteur Louis Germain à qui il dédiera son Nobel de littérature, à l'éditorialiste du « Combat » de la Résistance qui n'aura pas de mots pour stigmatiser la collaboration de la bourgeoisie qui « n'aimait pas le peuple et aurait tout accepté pour se sauver de lui », puis au chroniqueur de l'Express qui vivra la guerre d'Algérie comme un déchirement, en passant par les mots de son ami Jean Daniel, le fondateur de « l'Obs qui fête ses 99ans ce 21 juillet (1) le voyage que nous offre le livre de Maria Santos Sainz ( éditions Apogée) nous relie, avec une acuité rare, aux dérives contemporaines du « plus beau métier du monde »

 

1.«  la question de l'opportunité de la publication est en train de disparaître par sa présence rapide et omnivore de tous côtés »... Camus nous aide à penser notre modernité. »

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