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L'ÉDITO

 par Joël AUBERT Joël AUBERT
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06/05/2012

François Hollande, ce président  » normal  » face aux défis de la crise

Certes le parti socialiste, avec Lionel Jospin, a dirigé pendant cinq ans un gouvernement de cohabitation après la victoire de la gauche aux législatives anticipées décidées par Jacques Chirac, en 1997. Mais, depuis que De Gaulle a porté sur les fonts baptismaux la V° République en imposant l'élection du  président au suffrage universel direct, celle-ci est la clé de voûte des institutions. Ce moment, rare, où le peuple souverain tranche entre deux personnalités, deux conceptions de la vie publique et deux visions de l'avenir qu'ils se sont faites, à entendre leurs mots et parfois leurs programmes.

François Mitterrand qui avait vigoureusement combattu De Gaulle et la dimension monarchique de la Cinquième avait vite compris tout le parti qu'il pouvait en tirer pour accéder au pouvoir. Et s'y maintenir puisqu'il fût brillamment réélu en 1988.

François Hollande a construit sa victoire, à la fois en s'appuyant sur un système électoral qui nécessite d'avoir un parti puissant et en sachant, aussi, que pour que la gauche ait une chance de l'emporter, elle doit rassembler toutes ces composantes. Des plus extrêmes aux plus modérées, en prenant soin de s'attirer quelques bonnes grâces de la famille démocrate chrétienne, ce centre héritier du MRP et qu'incarne jusqu'à l'entêtement, réfléchi mais inefficace, François Bayrou.

Le nouveau président, si vilipendé pour avoir revendiqué son côté normal, a paradoxalement bénéficié de la comparaison avec le président sortant.

Car, la défaite de Nicolas Sarkozy, plus encore que celle de son camp, l'UMP, tient au rejet que l'homme a suscité. Le président sortant avec une hauteur de vue qui lui a souvent manqué l'a reconnu ce 6 mai avec les mots de circonstance. Il lui avait fallu faire un grand effort au début de sa campagne, pour reconnaître ces erreurs des premiers temps de son quinquennat, ces postures étrangères à ce qu'un citoyen attend d'un élu, ces excès de langage qui contrevenaient, au-delà de ce qu'il pouvait imaginer, à l'image que les Français ont du monarque qu'ils ont élu. A cet égard les engagements que François Hollande a pris de mettre en œuvre des réformes pour moraliser la vie publique devront être tenus, et vite tenus. Les enjeux de pareille évolution sont en fait de première importance pour un pays qui a besoin de justice et d'exemplarité.

L'autre raison de l'échec de Nicolas Sarkozy, sans doute décisive dans l'ultime ligne droite de la campagne, découle de cette tentative frénétique de récupération d'un électorat qui avait contribué à sa victoire de 2007 et l'avait abandonné : celui du Front National, devenu celui de Marine Le Pen et de son ambition. Certes, les électeurs frontistes pouvaient être considérés pour partie comme des citoyens égarés, inquiets et à la recherche d'un port d'attache. Surtout, ils étaient pour le plus grand nombre de vrais déçus du sarkozysme. A vouloir l'emporter à toutes fins, à droite toute, Nicolas Sarkozy a sous estimé le vieil impérium républicain qui ne fait pas bon ménage avec les valeurs d'une société qui s'efforce de croire encore qu'un humaniste vaut bien deux cyniques...

Voici l'Ump face à une situation d'autant plus compliquée pour aborder les législatives qu'elle a maintenu difficilement la fiction d'une unité derrière son candidat. Elle semble vouloir se battre pour empêcher, qu'après le Sénat, l'Assemblée nationale tombe à gauche. Vaste chantier que le nouveau poids électoral du FN peut contrarier malgré un scrutin majoritaire qui le défavorise. Et ce, d'autant qu'en couplant élections présidentielle et législative, la gauche sous Lionel Jospin a voulu rendre plus improbable de futures cohabitations.

François Hollande et le parti socialiste doivent, en effet, pour pouvoir gouverner réunir une majorité à l'assemblée. Une autre bataille va s'engager qui sera d'autant plus vive que le nouveau président va être observé à la loupe binoculaire. Son calendrier international, européen d'abord, est d'autant plus chargé et crucial que la crise est toujours là, et bien là, et que le nécessaire désendettement du pays est socialement inséparable d'un besoin de croissance. En un mot, tout ce qui est plus facile à dire qu'à faire et réussir dans le périmètre européen. Là encore, paradoxalement François Hollande a la chance d'arriver à la magistrature suprême au moment où l'idée fait son chemin et où la situation de nos voisins oscille entre le pire - l'Espagne - et une vraie fausse réussite, l'Allemagne.

Enfin, en ces heures d'un changement qui ne peut qu'impressionner les peuples européens, de plus en plus soumis à la loi d'airain du capitalisme financier, l'homme qui a osé parler de la finance comme d'une ennemie va être testé à la fois sur sa gauche et par les milieux d'affaires. Les prochains jours et semaines le dispenseront sûrement de l'habituel état de grâce.

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