icone plume

L'ÉDITO

 par Laura Pargade Laura Pargade
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
01/03/2024

Faire du foin : le dernier recours ?

Ce vendredi du salon de l’agriculture, l’Arc de Triomphe s’est réveillé cerné par les bottes de foin, l’entrée de chaque avenue bloquée par des amas de paille. Et la circulation ralentie par les tractopelles de la police, qui ne doivent pas servir tous les jours, et se retrouvent, pleins de gaucherie, à tenter d’évacuer ce foin qui s’éparpille.


Je me souviens, enfant, d’un évènement qui m’avait marquée. Au même endroit, les Champs-Elysées avaient été pendant plusieurs jours entièrement transformés en champs. Ça avait dû couter une fortune, d’installer puis d’enlever tout cela, mais on rendait hommage aux campagnes, et les Parisiens ébahis découvraient le mouvement du blé dans la brise légère.


Impensable aujourd’hui. Les agriculteurs sont aux portes de Paris, murmurent certains, comme en temps de ville assiégée. Oui, ils sont même à la porte de Paris, celle de Versailles, où se tient le salon de l’agriculture toute la semaine dans de grands hangars. On les aime bien, les agriculteurs, mais quand ils restent circonscrits. Qu’on peut aller les voir, poliment, comme un malade à l’hôpital, en se réjouissant secrètement qu’il existe une heure de fin de visite.


Le même jour, un journal parisien titre en une sur le salon : « un lieu de lâcher-prise, propice à la drague et aux soirées débridées ». Voilà ce que l’on semble attendre aujourd’hui des agriculteurs : de l’amour dans le pré. Et une mort lente et romantique, telle une Madame Butterfly qui butine dans un champ de colza transgénique. Car après le mouvement paysan de ce début d’année, qui peut encore prétendre ignorer que c’est de cela qu’il s’agit, d’une menace définitive et réelle sur une certaine forme d’agriculture, étranglée par un modèle économique parfaitement calculé pour assurer une survie moribonde entre emprunts et subventions ?


Car c’est le modèle encouragé auprès de l’agriculture depuis quelques décennies. Le salut par l’augmentation des surfaces pour les économies d’échelle, la productivité par les intrants, la qualité par les normes, la modernité par les crédits pour des équipements présentés comme indispensables dont les budgets explosent. Une spirale infernale qui ne propose guère de porte de sortie.


Quelques modestes millions parviendront peut-être à éloigner temporairement l’odeur du foin des centres de décision. Comme les gilets jaunes en leur temps, essoufflés par les conditions financières même qu’ils dénonçaient, les agriculteurs retourneront dans leurs exploitations et arrêteront sûrement de faire autant de foin. Moins de foin, ou du meilleur foin, reste à savoir et à orienter clairement ce que l’on attend de notre agriculture.

Laissez vos commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

A lire ! Éditos précédents