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L'ÉDITO

 par Joël AUBERT Joël AUBERT
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11/05/2014

Attention danger ! Le jacobinisme refait surface

Un président qui, n'étant plus à une contradiction près, après avoir défendu le département à l'heure des vœux en... Corrèze, le jette aux orties sans ménagement d'une formule assassine : «  a vécu. ». Un exécutif qui ne craint pas d'être plus extrême dans ses soudaines propositions que celui qui l'a précédé. Et qui pourtant, alors, n'avait pas de mots pour combattre la réforme territoriale, façon Sarkozy...

Il ne s'agit pas, ici, de céder face à ces embardées, à un conservatisme de bon aloi. Tout est bien : on ne touche à rien. Notre pays, en effet, a besoin de réformes et, celle-là, est doublement importante parce qu'elle doit être l'occasion de donner plus de souffle à notre démocratie, de rendre plus accessible au citoyen la compréhension des décisions qui concernent sa vie quotidienne, de faire des économies partout où cela peut être fait, en coordonnant certaines missions des collectivités locales et territoriales, en mutualisant des services, en dédiant des compétences précises à chacune d'entre elles... Pour autant cela ne peut être décrété au terme d'un mouvement de menton qui fait peu de cas de la situation sur le terrain. A la base.
Or, c'est précisément ce que l'on voit venir. A nos yeux, pour trois raisons au moins.
La première c'est que le tandem, premier ministre et président – dans l'ordre- s'est dit qu' une opportunité formidable s'offrait à eux de se refaire une improbable santé sur le dos de ces élus locaux, ces « barons » comme les cercles parisiens aiment tant à les désigner, sans jamais avoir mis les pieds dans une humble antenne de la campagne qui organise les soins à domicile. Une de ces idées dominantes, entretenues depuis la capitale, par tel éditeur aux écharpes flamboyantes qui prononce le joli mot de province avec la lippe méprisante. Au fond, s'offrait au pouvoir dont le cynisme s'exerce ces temps-ci au plus haut niveau, comme en témoigne le congédiement sans élégance des ministres d'hier, l'occasion de reprendre la main, en prenant à témoin l'inusable propension du français à casser de l'élu .

La seconde raison est bien plus sournoise encore. Et elle perce derrière la charge du pouvoir central.
Puisque ça coûte trop cher, l'Etat va se charger de décider lui-même. Singulier retour vers le jacobinisme dont nous savons bien, ici, dans nos régions qu'il ne dort jamais que d'un œil. C'est ainsi que des chiffres sont lancés depuis quelques heures en pâture aux médias ; on passe de 11 milliards d'économies envisagées façon Valls à 25 façon Vallini... Au fond, ce qui se profile derrière ces ballons d'essai, c'est bien la tentation de l'Etat de réimposer sa tutelle sur la vie locale. La situation sera bien différente dans un département fortement urbanisé et aux moyens conséquents que dans un département très rural et peu dense. Imagine-t-on des intercommunalités à moins de 5.000 habitants gérer toute l'aide sociale décrétée par le pouvoir central ? Comment cohabiteront-elles avec de grandes régions et quelle sera leur représentativité ? Soyons-en sûrs, les préfets vont être sommés de prendre les choses en main.

La troisième raison – et ce n'est pas la moindre- est évidemment plus politique, très politique. En imposant, d'en haut, des changements radicaux et en les accompagnant d'un nouveau calendrier électoral, les régionales repoussées en 2016 avec la menace d'une carte décidée d'en haut, les départementales on ne sait quand, et même si elles auront jamais lieu... François Hollande et Manuel Valls, après des municipales catastrophiques, pensent pouvoir mieux limiter les dégâts qu'en respectant l'agenda qui prévoyait une double élection l'an prochain.

Cependant, la nouvelle donne qui s'annonce pourrait être beaucoup moins favorable au pouvoir. D'abord parce que pour supprimer le département, pièce maîtresse historique de l'organisation de notre pays, il est inévitable de réformer la constitution. Et donc d'obtenir une majorité des 3/5 au Congrès, réuni pour la circonstance. Ce n'est pas gagné et la voie du référendum réclamé par l'opposition est plus que dangereuse pour lui.

Ensuite parce que la suppression des départements et son corollaire, la montée en puissance des inter-communalités, ouvre la perspective d'un chantier considérable, à la fois technique, financier et social. Il faudra mettre en place l'attribution de milliers d'agents dans des périmètres bien différents, selon que l'on sera dans un département très urbain - exemple dans le Rhône où les évolutions sont en route de façon décentralisée entre gauche et centre – ou, au contraire, encore très rural. Songeons à nos trois plus grands départements de France, ici en Aquitaine: la Gironde, les Landes, la Dordogne. Est-ce que Paris a pensé au coût de pareilles évolutions? Et à leur mise en œuvre...

Quant aux régions, sommées d'avoir à s'entendre, sinon de se voir imposer chacune son ou ses partenaires, elles ont raison d'être circonspectes.

Le pire serait que ces réformes, acceptables pour beaucoup d'élus de terrain, se fassent dans la précipitation et n'aboutissent qu'à une sorte de malstrom territorial aux conséquences catastrophiques pour le fragile équilibre de notre démocratie.

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