icone plume

L'ÉDITO

 par Joël AUBERT Joël AUBERT
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
20/09/2009

Dans les prisons, à France Télécom, à la ferme, ces suicides qui portent condamnation du cynisme ambiant

Suicide : le mot qui fait peur et pousse l’une des dernières grandes figures de la presse régionale française, le très démocrate-chrétien François-Régis Hutin, à écrire un éditorial au titre provocateur dans Ouest France : « la peine de mort n’a pas été abolie en France… »
Suicide : le mot qui fait peur et précipite vers la mort des gardiens de prisons qui ne peuvent plus, non plus, supporter les tensions du monde carcéral.
Suicide : le mot qui conduit jusqu’au geste extrême des producteurs de lait ruinés par l’effondrement du prix de l’aliment par excellence.
Existe-t-il un symptôme plus fort de l’état de détresse, de désespoir, qui frappe aujourd’hui des milliers de personnes que cette multiplication des suicides émanant, souvent, de gens que l’on n’aurait pourtant point soupçonné d’être prêts à passer à l’acte ? Et comment est-ce possible ?
De tout temps, le suicide a été considéré comme un acte qui ne requérait aucune véritable explication ; l’église, au moins juqu'en 1983, a beaucoup participé à cette hypocrisie par son refus de faire des obsèques religieuses à ces baptisés égarés. Quand la victime en laissait une, par écrit, la société était en quelque sorte soulagée, convaincue décidément que ce suicide-là avait sa raison d’être… Un geste unique, et toute lâcheté bue… presque logique du genre : "Il en a enfin fini avec cette infinie souffrance… "
Qu’un gouvernement s’interroge et cherche des explications à tant de victimes d’une société, France Télécom, où l’Etat n’est plus qu’un actionnaire minoritaire, qu’un patron de presse rappelle que depuis la dernière exécution capitale en France, en 1977, il y a eu quelque 3.000 morts par suicide dans les prisons françaises : voilà qui donne à réfléchir à ce que devient cette société où la solitude le dispute à l’abandon.
A côté de l’insondable, des raisons enfouies en chacun qui se résout à l’acte extrême, il en est quelques unes qui participent de cette violence économique et donc sociale qui anéantit le respect que l’on doit à la personne et que l’on se doit à soi-même, c’est à dire la dignité. Le détenu qui survit, en totale promiscuité, dans un espace de 3 à 5 m² l’a perdue, le cadre de France Télécom, hier adulé, et que son âge soudain "discrédite" sombre dans l’incompréhension, l’agriculteur qui d’un seul coup se voit priver de revenu et ne dispose d'aucune trésorerie fuit ce non sens.
Les psychiatres témoignent précisément de ce mal-là, tandis que le Parlement débat gravement des conditions de la vie carcérale et que l’on construit toujours de plus de prisons. Le ministre de l’agriculture va alléger quelques charges des exploitants et prier les industriels d’entendre leur détresse… Cautères sur une jambe de bois.
C’est le cynisme que partout il faut combattre, celui de la grande entreprise publique ou privée qui dégrade pour pousser au départ des salariés riches d’expérience, pour accroître la compétitivité dans un monde de plus en plus concurrentiel, celui de ces managers qui ne craignent pas de faire référence, en public, aux valeurs des pères fondateurs et les ignorent dans l’entreprise que les actionnaires leur ont confiée… C'est le respect qu'il faut réapprendre à tous, en ces temps d'opulence pour quelques uns et de galère pour beaucoup d'autres.

Joël Aubert

Laissez vos commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

A lire ! Éditos précédents