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L'ÉDITO

 par Cyrille Pitois Cyrille Pitois
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29/06/2023

Comme M’Bappé, tous mal à la France

Cette semaine, Nahel, jeune homme de 17 ans a perdu la vie sous le tir d’un policier. La répétition de ces refus d’obtempérer qui s’achèvent par des coups de feux mortels interroge chaque citoyen. Et la récupération politique systématique de ces événements montre bien que ce sont là des faits divers dramatiques qui ne disent rien de bon sur l’état de santé de notre société. Le footballeur Killian M’Bappé a justement twitté « j’ai mal à ma France », formule efficace pour rappeler combien l’issue de ce contrôle provoque une douleur sincère chez tous ceux qui pensent que le comportement de ce garçon méritait un recadrage dans les formes, de la part d’une République garante de ses lois, mais certainement pas une balle dans le thorax.

La victime, âgée de 17 ans, n’avait rien à faire au volant d’une voiture puisqu’il n’avait pas l’âge requis pour conduire ce véhicule. C’est d’ailleurs une infraction au code de la route qui a semble-t-il provoqué le contrôle de police. Ce qui a suivi déclenche l’incompréhension et une sourde révolte. Comment peut-on, en quelques instants, passer d’un contrôle de routine qui aurait dû se conclure par une sanction proportionnée à une escalade de la violence qui fait un mort ?  

Le policier est un professionnel de la sécurité, un gardien de la Paix, formé à la gestion d’une crise, capable de faire retomber la pression, faire entendre le droit et seulement en ultime recours dégainer son arme. Or depuis plusieurs mois, une sinistre comptabilité montre que les tirs des forces de l’ordre sont de plus en plus nombreux et les tirs mortels font des victimes auréolées d’un affreux doute: l’usage de l’arme était-il vraiment nécessaire ?

On sait que la délinquance n’obéit plus aux mêmes « règles » qu’au XXe siècle ni même à aucune règle et que les représentants de l’ordre se retrouvent confrontés à des jeunes gens qui ne reculent devant rien, parfois sous l’emprise de produits qui leur font perdre toute réflexion. On sait que le métier de policier-éducateur de rue n’est pas adapté à certains environnements contrôlés par des organisations qui, pour protéger les trafics illicites et la manne économique qu’ils rapportent, sont prêtes à franchir toutes les limites.

Mais c’est toute la force et la responsabilité d’une société de se donner les moyens de remettre dans le périmètre de l’acceptable ceux qui s’en écartent. Et le recours à la force ne doit être que le dernier rempart après le constat d’impuissance de l’éducation parentale, le constat d’échec de l’Education nationale ou l’intervention incomplète de la justice.

L’agitation dans les quartiers exprime la révolte contre une mort passablement injuste mais aussi contre la mise à la marge de jeunes ou moins jeunes qui n’ont plus leur place et n’ont « rien à perdre » à s’opposer aux forces de sécurité.

Enfin l’ultime message qu’il faut savoir décrypter et auquel tout citoyen doit souscrire, c’est que les auteurs de ces tirs mortels, fussent-il représentants de l’ordre, doivent faire l’objet de procédures sourcilleuses et de mesures conservatoires immédiates, le temps de mener des enquêtes au-dessus des changements de versions et des petits arrangements avec la vérité des faits.

Au contraire, à chacun de ces épisodes dramatiques, la police semble faire corps, sous couvert de son Ministre de l’intérieur, pour commencer par tenter d’expliquer l’inexcusable. Même Emmanuel Macron, généralement prompt à réagir vivement sur certains sujets, laisse cette semaine s’écouler plus de 24 heures avant de déclarer que le comportement du policier est inexcusable. Comme si lui-même avait eu un doute sur la pertinence de la réaction à afficher.

Au même titre que les délinquants qui s’assoient sur les lois, les policiers dont le comportement dévie dangereusement doivent en répondre sans protection particulière. Les forces de l’ordre n’en sortiront qu’avec une légitimité renforcée à agir, sans violence, sur le terrain. Ce dont elles ont bien besoin.  

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