Ce monde où un jeune Norvégien est devenu un monstre.

Le serait-elle justement trop pour que naisse et prospère en son sein un monstre comme cet Anders Behring Breivik,  qui s'est, en quelque sorte, senti investi de la mission de tuer, au cœur même de sa communauté, pour dénoncer l'immigration et défendre des « valeurs » d'identité,  ? Une manière de sacrifice, d'offrande faite à ce Dieu de la chrétienté qui le hantait ? Les aveux déjà passés viendra le temps d'entendre le tueur ; on n'ose écrire l'homme et pourtant...

Arrêtons-nous un instant et songeons ce qu'au nom de l'homme, justement, ce monde nous propose : la violence, encore et toujours, et les images en boucle qui en témoignent, la famine en Somalie où la rébellion pour des raisons idéologiques refuse l'aide internationale alors que la population fuit vers les pays voisins, le mercantilisme dont l'Afrique terre d'élection de la Chine est victime, le cynisme du capitalisme financier qui, plus que jamais, gouverne des Etats impuissants à le contenir. Et accable les peuples imprévoyants.

Ce monde-là porte en lui, en germe, toutes les intolérances et les fanatismes, spécialement religieux. Il légitime l'existence d'un parti « populiste » de plus en plus influent au cœur de l'Amérique ; il mine désormais, chaque jour davantage, le corps social de nos anciennes démocraties, détourne les jeunes des institutions, les laisse trop souvent désemparés, seuls face à eux-mêmes, à moins qu'ils ne succombent à la fureur et à l'esprit de vengeance. Le « messianisme »  du jeune tueur norvégien, l'ampleur épouvantable de son crime ne sauraient être réductibles à un acte aussi monstrueux qu'isolé ; il interpelle nos consciences, nous crée un  devoir de vigilance, de fraternité, et l'obligation de résister aux idées reçues et à ceux qui les colportent.

Joël Aubert