icone plume

L'ÉDITO

 par Joël AUBERT Joël AUBERT
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
19/12/2010

Bruno Le Maire ou quand la « ruralité » devient « modernité ». !…

Il est vrai qu'à la faveur du dernier remaniement ministériel son périmètre de compétence a été élargi, que le mot ruralité y figure et celui d'aménagement du territoire aussi, à défaut de disposer d'un ministère propre mais l'époque où cette politique participait d'une « ardente obligation » est révolue.
Qu'est-ce donc qui peut pousser un ministre, reconnu pour son sérieux et sa détermination, à avancer pareille affirmation ? Les dernières études de l'INSEE qui anticipent des perspectives démographiques avantageuses pour le monde rural, à l'horizon 2040 ? Sans doute, mais cette hypothèse globale recouvre des réalités infiniment plus incertaines. Dans l'orbite des métropoles dont la croissance est partout encouragée - songeons à ce Grand Paris qui n'est pas estimé assez grand et qui va, plus que jamais, dévorer les financements publics pourtant de plus en plus rares - certains espaces ruraux tiendront certainement le choc parce qu'ils ne le seront déjà plus... Ils seront devenus de plus en plus périurbains, agrémentés de quelques campagnes verdoyantes pour citadins fatigués, comme le note Bruno Lemaire. Là, le niveau de services sera convenable et des pavillons, tous les mêmes et vite construits, serviront d'aliments au discours sur cette France de « propriétaires » qu'il est, politiquement, toujours correct de vouloir.
Mais le rural c'est bien plus que cela. C'est un univers où la déprise foncière menace, où le prix des terres agricoles baisse, où la spéculation guette, où les agriculteurs disparaissent, le plus souvent sans que ce soit possible d'assurer leur succession.
C'est un exceptionnel patrimoine bâti reçu, en héritage, d'une France qui se meurt ou a déjà disparu. Un espace où les services à la personne sont assumés, financièrement, par des collectivités que par ailleurs l'on cherche à étrangler parce qu'elles coûteraient trop cher.
C'est un monde où un invraisemblable concept est apparu, ces dernières années, celui de « désertification médicale »,avec ce que cela implique d'inégalités croissantes, entre citoyens ruraux et urbains. Une situation héritée du numerus clausus imposé à une profession qui, de surcroit,avait de la médecine libérale une piètre image. Et était, culturellement, de plus en plus éloignée de cette autre France, vécue comme d'un autre âge. Fini le temps de ce médecin de campagne que l'on pouvait appeler au secours, de jour comme de nuit.
C'est entendu: le ministre veut envoyer les futurs jeunes médecins en stage à Castelmoron d'Albret ou à Lourdios-ichère... Il faudrait, tout autant, leur proposer de vraies incitations fiscales, à long terme, les aider à investir et s'organiser en cabinet. Les « Maisons de santé pluridisciplinaires » qu'on nous annonce, permettront sans doute d'éviter le pire; encore faudra-t-il trouver des solutions pour qu'une population, de plus en plus âgée, puisse y accéder.
Enfin il y a Internet . Et, ce n'est pas un hasard si dans nos campagnes les séniors s'y mettent chaque jour davantage ; ils ont compris qu'il offrait une alternative indispensable au déplacement et au courrier physique. On nous promet donc que « le haut débit » n'oubliera personne et sera aussi L'OUTIL privilégié de la croissance des territoires ruraux. Acceptons-en l'augure mais il faudra bien que plus cela: des moyens supérieurs à ceux que l'on annonce et la capacité laissée aux collectivités d'intervenir, financièrement, en faveur des entreprises et de l'économie. Un impératif qui semble de plus en plus compromis par la volonté d'un Etat qui, n'ayant plus le sou, veut quand même reprendre la main partout et n'a que faire de la décentralisation. Et cela, ce n'est certainement pas la modernité.

Joël Aubert

Laissez vos commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

A lire ! Éditos précédents