icone plume

L'ÉDITO

 par Joël AUBERT Joël AUBERT
Copier le lien Partager sur FaceBook Partager sur Twitter Partager sur Linkedin Imprimer
12/04/2012

Aidons la Tunisie car il y a urgence…

Oui il y a urgence car la Tunisie, après avoir donné une leçon de maturité à l'ensemble du monde arabe en organisant des élections exemplaires en octobre dernier, est à un tournant de sa reconstruction. Elle oscille entre espoir et désillusion et semble susceptible de basculer, en un rien de temps, dans la violence la plus extrême. La manifestation en l'honneur des Martyrs de la résistance, ce lundi 9 avril, a révélé le durcissement du gouvernement aux mains du parti islamiste Ennahdha. Pire encore : sa probable collusion avec des milices incontrôlées a rappelé de très mauvais souvenirs aux tunisois et accentué la coupure des forces politiques avec le mouvement syndical.

Dans une lettre ouverte adressée aux autorités tunisiennes « Reporters sans frontières » qui est présenteen Tunisie depuis octobre 2011 note qu'elle a « recensé les agressions de seize journalistes dont deux étrangers...Les forces de polices déployées dans le centre ville de Tunis s'en sont délibérément prises aux manifestants et aux journalistes présents sur le terrain pour couvrir l'événement ; les policiers ont redoublé d'efforts pour empêcher les personnes présentes sur les lieux de témoigner des exactions commises en prenant des photos ou en filmant. Olivia Gré une jeune bordelaise qui travaille pour RSF à Tunis résume les scènes dont elle a été le témoin d'un mot : «c'était horrible »

Les conséquences de cette escalade de la violence peuvent être d'autant plus graves que Ennahdha avait fait preuve d'un peu plus que de réserve lors d'une manifestation spectaculaire des salafistes déboulant, le mois dernier, dans la capitale. Sous la pression des élus de l'opposition, manifestant à leur tour, le gouvernement a donc dû autoriser ce 11 avril, de nouveau, les manifestations dans l'avenue Bourguiba haut lieu de l'expression populaire. Ayant dû renoncer à inscrire la charia dans la Constitution, les islamistes, malgré leur victoire aux élections de l'an dernier, doivent assumer l'impopularité qui découle des bouleversements liés à la révolution. La Tunisie souffre, en effet, de l'effondrement de sa croissance et est frappée par le chômage. Les jeunes diplômés sont descendus dans la rue de crainte de perdre l'aide de 200 dinars qui leur avait été attribuée. Circonstance aggravante : le consensus politique au sommet de l'Etat se lézarde. Voulu dans cette période de transition et de débat au sein de l'Assemblée constituante, il s'organise entre un président Moncef Marzouki qui est certes la clé de voûte du système,exerce le ministère de la parole mais ne gouverne pas, un premier ministre Hamadi Jebali, issu d'Ennahdha et le président de l'Assemblée nationale Mustapha Ben Jaafar.....Une troïka qui assure le pays de son identité de vue mais représente des courants de la société très différents. Les travaux de l'assemblée constituante semblent ne jamais devoir s'arrêter alors que le pays a un besoin vital d'inscrire son avenir dans un véritable calendrier politique et social.

Faudra-t-il, comme cela est envisagé, attendre le printemps 2013 pour organiser de nouvelles élections ? La priorité des priorités serait de mettre en place des élections locales : les difficultés économiques, la quasi vacance du pouvoir au niveau des communes, des « gouvernorats » qui étaient tenus par le RCD de Ben Ali, sont à la source d'un certain laisser aller comme en témoigne la collecte improvisée des ordures. Rien d'étonnant, dès lors, à ce que les associations réunies il y a peu dans un forumtuniso-francaisde la société civile qui a marqué les esprits veuillent prendre l'initiative.

Le pays conserve en effet un élan vital et une aspiration au bonheur que la révolution a réveillés. Les Tunisiens qui n'aiment rien autant que la palabre renouent, ces temps-ci, avec un passéqui pour les plus jeunes était occulté ou à peine connu : celui du « combattant suprême », Habib Bourguiba, du père de l'indépendance, d'une Tunisie qu'il voulut situer résolument dans le courant de la modernité, s'attachant en particulier à la généralisation de l'enseignement, au droit des femmes, à l'administration publique... Ils le font avec un esprit critique remarquable pointant l'absolutisme qui marqua son règne et enfanta aussi quelque part celui de Ben Ali. La lucidité dont ils sont capables impressionne mais le sort de leur pays dépendraaussi beaucoup de la relance de leur économie. L'investissement repart mais, à court terme, c'est l'effondrement de la fréquentation du tourisme qui est la plus préoccupante : elle a chuté de quelques 60% l'an passé, mettant en péril plus de trois cent mille emplois et laissant interdit un peuple dont le remarquable sens de l'accueil mérite notre soutien. De la Casbah à la Médina un mot sans cesse prononcé témoigne d'une attente impatiente : « Bienvenue en Tunisie ! ». « Aider la Tunisie c'est y aller, aimer la Tunisie c'est y retourner » : la campagne lancée par une centaine de personnalités françaises prend tout sons sens quand, le temps d'un week-end de Pâques, les files d'attente recommencent à s'allonger devant le contrôle de police à l'aéroport de Tunis-Carthage. Un léger mieux se dessine qui attend confirmation.

Laissez vos commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

A lire ! Éditos précédents