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L'ÉDITO

 par Solène MÉRIC Solène MÉRIC
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17/05/2024

Agriculture, citoyens et consommateurs : Action ou vérité ?

Trois mois après les manifestations et blocages des agriculteurs, ça va à nouveau meugler. Du côté de Bordeaux Lac et dans la bonne humeur cette fois. A partir du 18 mai et pour les 9 jours à venir, beuglements, bêlements, hennissements, mais aussi quelques cocoricos vont se faire entendre... Et pour cause, le Salon de l’agriculture de Nouvelle-Aquitaine et son millier d’animaux, reprennent leurs quartiers printaniers annuels dans le giron de la Foire de Bordeaux.

L’occasion, comme chaque année, de promouvoir auprès du grand public, surtout urbain, la richesse et l’extraordinaire diversité de l’agriculture régionale. Une diversité qui pour ne rien gâcher est aussi particulièrement qualitative. Mais à Bordeaux, plus que de dire que l’agriculture offre une savoureuse et belle image régionale, l’enjeu est de réussir à montrer sa dynamique et, à travers elle, son rôle indispensable au sein de la plus grande région de France. Il ne s’agirait en effet pas d’aller au Salon de l’agriculture comme on va au musée, ou au zoo. « Oh la belle vache ! », passé un certain âge, ça ne peut pas suffire.

Le monde agricole régional, au carrefour de tous les enjeux actuels et à venir, vaut bien mieux que ça. Premier secteur économique de notre région, il est source de vie, de services, d’innovations, au croisement d'impératifs économiques donc, mais aussi sociaux, environnementaux… et démographiques. Si ce temps de Salon se veut, à raison, un temps de fête et de communication positive assumée, il doit aussi travailler à un certain discours de vérité sur les difficultés qu’il rencontre. Car le grand public, est aussi consommateur et citoyen, voire, quand il pousse l’effort, électeur.

S’il est certain que le Salon de l'agriculture régional, son Marché des producteurs, et son pôle Gastronomie sauront parler à l’estomac du citoyen qui plaide volontiers pour de la nourriture locale et de qualité, sauront-il convaincre le portefeuille du consommateur qui sommeille en lui, plus enclin (certes la conjoncture ne l’aide pas) à glisser dans son caddie des produits de moindre qualité et de plus en plus souvent venus d’ailleurs… ? Pas si sûr, malheureusement.

En mettant en avant ses initiatives autour de la biodiversité, de l’entretien du paysage, du captage du carbone, du bien-être animal, en soulignant ses efforts pour le développement des circuits courts ou encore sa participation au développement de filières d’énergies vertes, l’agriculture parle au citoyen. Mais, elle aurait ces temps-ci tendance à vouloir écouter de plus en plus le consommateur perplexe derrière son caddie.

L’agriculture de Nouvelle-Aquitaine qui a su jouer très tôt la carte de la qualité et de sa valorisation au profit des producteurs, continuera-t-elle dans cette voie ? Rien n’est moins sûr pour la région qui compte pourtant le plus grand nombre de produits sous signes de qualité et d'origine (SIQO) de France. Là où notamment le Conseil régional en tête persiste et signe pour une aide au maintien à l'agriculture biologique, quand l’État y a renoncé et que le marché s’effondre, un certain nombre de professionnels font entendre leurs voix en faveur du développement de produits standards au détriment des productions sous SIQO.

Moins chers à la production et donc à la vente, ces produits seraient plus certainement achetés par le consommateur. L’argument mathématique s'entend ; d’autant plus quand les importations de ces produits d'entrée de gamme inondent chaque jour un peu plus ou presque le marché français. Chiche pour une ré-appropriation par l'agriculture nationale ou régionale du nivellement par le bas de certaines productions ?

Bonne ou mauvaise option, étrange perspective d’avenir en tout cas que de ne plus croire à sa capacité à surmonter les crises au point de choisir la voie d’adaptation du moins disant. Une adaptation qui ne sonne pas loin d'un renoncement, et qui, surtout, en dit long sur la profondeur de la crise traversée par certaines filières agricoles. Le monde agricole, au carrefour de tous les enjeux actuels et à venir, vaut sans doute mieux que ça.

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