Durant cette guerre, toutes les classes sociales ont été sollicitées pour faire tourner le pays. Qu’elles soient issues de la bourgeoisie ou de la paysannerie, ouvrières ou infirmières, chacune est entrée dans le monde professionnel. Certaines vont conduire, d’autres distribuer le courrier, fabriquer des obus, labourer, couper les vignes…
Pour préparer cette exposition, le musée de la résistance de Limoges a lancé un appel aux dons et collecté différents objets donnant vie au parcours de certaines. Ainsi, le visiteur découvre la tenue d’infirmière d’Yseult d’Enjoy. Cette jeune fille née le 8 février 1896 à Saint-Malo, de parents limougeauds, avait 18 ans en 1914. Son père était procureur de la République. Elle l’accompagnait dans ses activités jusqu’à son décès prématuré puis rejoint sa tante à Limoges.
Admiratif du parcours de ces femmes
En 1916, elle devient infirmière bénévole à la gare auprès du médecin chef de l’ambulance Bourdeau d’Antony, mission qu’elle accomplira jusqu’en 1919. « Elle voulait s’engager, explique Dominique Sardin d’Enjoy, son fils adoptif. Il y avait douze hôpitaux militaires à Limoges qui recevaient les blessés. C’était classique de voir des jeunes filles de bonne famille faire cela. On avait besoin de toutes les bonnes volontés. Elle me parlait de cette triste période, de la grippe espagnole qui avait fait beaucoup de morts. Elle venait de perdre son père. » Son engagement fut récompensé par la médaille commémorative de 14-18 et celle de la Société française de secours aux blessés militaires, distinctions présentées dans l’exposition.
Le livret de « dame infirmière » d’Yseult d’Enjoy qui a officié à la Croix Rouge.
Plus d’un siècle après, il est difficile d’imaginer l‘engagement de cette cohorte de femmes qui devenaient désormais visibles au sein de la société en sortant de leur foyer. Les femmes ont alors démontré l’étendue de leurs capacités, devenant par la suite indispensables au fonctionnement sociétal.
Leur présence massive dans la sphère publique et leur rôle ont amorcé un changement de mentalité dans une société encore arc-boutée sur le patriarcat. « Je suis admiratif du parcours de toutes ces femmes avoue-t-il, le patriotisme était plus prégnant qu’aujourd’hui. Avec 1,5 million d’hommes tués à la guerre, il y eut toute une génération de vieilles filles. Ce fut le cas d’Yseult, elle me parlait de cette période. Elle n’a pas eu d’enfant et m’a adopté en 1970.»
Au chevet des blessés en 1940
Marquée par ce bénévolat, Yseult a suivi des études d’infirmière à l’hôpital général de Limoges après la première guerre, obtenant son diplôme en 1928 puis un emploi. C’est durant sa formation qu’elle a rencontré la mère de Dominique qui était médecin. En juillet 1940, lors de la débâcle, l’histoire se répète, Yseult est affectée à la gare des Bénédictins qui servait de station de révision sanitaire. Elle y recevait des soldats blessés. « Elle est restée deux mois, raconte-t-il. Et après la guerre, elle a exercé dans des colonies de vacances. Elle a fini sa carrière comme infirmière scolaire jusqu’à sa retraite en 1961. Je l’ai accompagnée toute sa vie, je suis son héritier spirituel et matériel. J’ai récupéré ses affaires dont ses deux tenues d’infirmière des deux guerres. Cela aurait été très déplacé de les vendre à des collectionneurs. C’était mon souhait d’en faire don au musée de la résistance.»
Dominique s’est occupée d’elle jusqu’à sa disparition en 1983. Avec cette exposition, son parcours sort de l’anonymat.