Durant le week-end de Pâques, ce sont quelque 115 000 tonnes de chocolat qui seront englouties par les Français. Mais derrière la magie de la chasse aux œufs se cache une industrie, qui, elle, est loin de faire rêver. Déforestation, utilisation d’intrants chimiques, travail des enfants… La filière du cacao fait encore beaucoup de dégâts sur son passage. Pour assurer un commerce durable, certains acteurs du métier, comme le sourceur bordelais Belco, ou la chef chocolatière Hasnaâ Ferreira, tentent donc de privilégier des méthodes éthiques.
« La filière du cacao implique des enjeux sociaux et environnementaux très divers », concède Alexis de Boisset, directeur du marketing et des ventes chez Belco. Ce sourceur, fondé en 2007 à Bordeaux (à l’origine spécialisé dans le café vert), importe depuis 2022 du cacao de Martinique, du Brésil, de Colombie et du Salvador. Leur clientèle —des artisans torréfacteurs et chocolatiers— est présente en France, en Espagne, en Grande-Bretagne ou encore au Danemark.
Des enjeux environnementaux…
« Le cacao est très souvent lié à la déforestation », explique Alexis de Boisset, en citant le cas de la Côte d’Ivoire, premier pays producteur au monde. « Dans le Sud du pays, environ 90% des forêts primaires ont été déforestées, en grande partie au profit du cacao. »
L’utilisation d’intrants chimiques, comme des pesticides ou fongicides afin de protéger les cacaoyers, est également toujours un problème central. « Ils sont souvent mal utilisés parce que les producteurs ne sont pas suffisamment formés », explique Alexis de Boisset. En conséquence, un risque de pollution pour la faune et la flore locales. Sans oublier que ces marchandises sont transportées par des porte-conteneurs, qui eux-mêmes génèrent des effets collatéraux sur les océans.
…et humains
Enfin, des enjeux sociaux importants se sont construits autour de cette filière. « Le cacao est commercialisé sur des bourses internationales […] qui suivent des mécanismes de fixation de prix eux-mêmes décorrélés de la réalité des producteurs », explique Alexis de Boisset. Résultat : des prix beaucoup trop bas pour les producteurs, conduisant à des pratiques « qui ne sont pas durables » dans les fermes, « voire qui sont socialement catastrophiques », notamment le travail des enfants. « On a énormément de cas […] d’enfants qui travaillent avec des outils dangereux, qui manipulent des produits toxiques, qui sont souvent forcés à travailler ».
« Je vois des gens qui se disent engagés dans la transparence et la solidarité envers le planteur, mais qui négocient comme des acharnés le prix de kilos de fèves », réagit de son côté Hasnaâ Ferreira, artisan chocolatier basée à Bordeaux. « En sachant pertinemment que le producteur n’a déjà pas assez ou ne touche pas dans les temps son salaire ».
Un manque d’honnêteté qui se retrouve d’ailleurs dans le discours de certains artisans : « Il y en a qui mettent carrément sur leur façade qu’ils sont aussi sourciers, alors qu’ils travaillent avec du chocolat de couverture acheté chez l’industriel pur et dur », déplore la chocolatière.
Quelles solutions concrètes ?
Pour faire face à ces différents enjeux, Belco mise de son côté sur un suivi au plus près de la marchandise et des producteurs, grâce des agences sur place. Les cacaos doivent être propres de résidus chimiques et de métaux lourds, et une véritable traçabilité doit être possible pour les artisans clients.
Voir un jour cette filière devenir réellement éthique et durable est possible selon Alexis de Boisset, malgré l’évidente difficulté du projet. « Il faut prendre les sujets les uns après les autres, et trouver des solutions très pragmatiques », défend-il. « Face à la déforestation, il faut un cacao produit en agroforesterie. Contre l’intoxication de la biodiversité, il faut des cacaos produits sans intrants chimiques ».
« Arriver à le faire à grande échelle »
Du côté du transport des marchandises, Belco mise désormais sur le transport à la voile, et espère pouvoir transporter de cette façon 10 000 tonnes de marchandises d’ici 2028. « On est à un stade où on a prouvé qu’on pouvait trouver des solutions. Maintenant, l’enjeu, c’est d’arriver à le faire à grande échelle ». Hasnaâ Feirreira, de son côté, soutient « le travail en coopérative. Ça a montré ses preuves », soutient l’artisane, qui travaille avec le sourceur Silva Cacao, en qui elle a une totale confiance.
Le directeur des ventes regrette également une « déconnexion énorme » entre les consommateurs, les industriels et les producteurs. « Quand on voit une barre de KitKat, on n’a aucune idée d’où vient le cacao ou comment il a été produit. En fait, on ne se doute même pas que c’est un produit agricole à la base », soutient-il. « Cette déconnexion, malheureusement, a des effets sur la réalité des producteurs. Parce que si les consommateurs finaux ne s’intéressent pas à eux, il n’y a pas de motivation de la part des industriels pour répondre à leurs enjeux ».