Une matinée au cœur de Médecins du Monde Bordeaux


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Une matinée au cœur de Médecins du Monde Bordeaux

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Temps de lecture 4 min

Publication PUBLIÉ LE 22/10/2019 PAR Yoan DENECHAU

Une matinée auprès de ceux qui donnent de leur temps pour aider les plus démunis. Parmi eux, Dominique Testud, un psychiatre à la retraite. Il a mis du temps à se décider à œuvrer pour Médecins du Monde, « bassiné par un de mes collègues », mais il ne le regrette pas. Son seul regret : « que nous, citoyens ou professionnels volontaires, ayons à nous occuper de cela, malgré notre impuissance totale, alors que l’État pourrait le faire avec plus de moyens ». À Bordeaux, ils sont trois psychiatres et deux psychologues – la seule différence est que le psychiatre peut prescrire des médicaments – dans les locaux de Médecins du Monde.

« Un engagement parfois surprenant, mais touchant »

Le psychiatre évoque des difficultés, humaines surtout, pour les consultations. « Nous faisons les consultations à deux. Les patients souffrent, même si nous les aidons à aller de l’avant plutôt que nous attarder sur leur passé. Pour nous aussi, c’est compliqué émotionnellement, poursuit Dominique : nous sommes avec des personnes qui ont vécu des choses atroces… » Le psychiatre évoque toutefois avoir un certain plaisir à œuvrer pour Médecins du Monde. « Parfois les migrants reviennent, ne serait-ce que pour nous dire bonjour. C’est un plaisir immense quand on les voit s’intégrer, et qu’ils nous disent ne plus faire de cauchemars ».

Dominique Testud salue avec émotion l’engagement de certains représentants de Médecins du Monde. Son hommage concerne, entre autres, Bernard, un ancien journaliste aujourd’hui Délégué Régional de Médecins du Monde. C’est lui qui a fait entrer Aqui! dans les locaux de l’ONG. À 10h ce mardi matin, ils étaient une trentaine de personnes dans la salle d’attente, soit pour un rendez-vous médical, soit pour être accompagnés dans leurs démarches administratives. Bernard s’occupe de ce deuxième volet. Il me laisse assister à deux entretiens, avec l’accord des personnes.  

Scolarisé en France, pas intégré pour autant

Une mère et son fils, en France depuis trois ans, ils vivent dans un squat. Le jeune homme est scolarisé dans un lycée bordelais. Étant devenu majeur, il ne dépend plus des services de l’Aide à l’Enfance, et a donc dû faire sa demande de titre de séjour ‘étudiant visiteur’ à la Préfecture. Depuis décembre, il a obtenu quatre récépissés, valables trois mois, sans jamais avoir de réponse claire sur son titre de séjour. Bernard est fataliste : « tu sais, si tu n’as pas de ressources, tu n’es pas éligible pour un titre de séjour ». Le délégué régional de Médecins du Monde cherche dans la loi française si le jeune homme peut faire un recours en justice grâce à l’aide juridictionnelle (dispositif permettant la prise en charge par l’État des frais d’avocats ou d’huissier), mais non. Pour une demande d’asile, c’est possible, pas pour un titre de séjour comme celui-ci. La mère du jeune homme a, quant à elle, fait une demande de titre de séjour étranger malade, après avoir vu sa demande d’asile refusée. « L’éligibilité au titre de séjour étranger malade requiert, en France, une pathologie grave [VIH, cancers, diabète…] ne pouvant être soignée dans des conditions correctes dans son pays d’origine », explique Bernard. D’après lui, c’est très restrictif. « Avant, c’est l’Agence Régionale de Santé, donc le Ministère du même nom qui gérait ça ». Aujourd’hui, cette procédure relève de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII), dépendant du Ministère de l’Intérieur. « Depuis que l’OFII est à la manœuvre, environ 50 % des demandes sont acceptées. Avant, c’était de l’ordre de 80 % », précise Bernard. Mais malgré cela, la dame a reçu une convocation de la Préfecture, avec plusieurs papiers à amener. « C’est bon signe », sourit Bernard. La mère et son fils reviendront le mois prochain pour aider le jeune homme dans ses démarches, avec un professionnel. « Je ne suis que bénévole, soupire Bernard, je ne sais pas tout ».

« On va faire le maximum, mais j’aimerais qu’on puisse faire plus »

Pour son deuxième entretien de la matinée, le délégué régional de Médecins du Monde reçoit un jeune couple et leur fils. Elle a 27 ans, il en a 30. Ils sont arrivés de Géorgie en mai dernier avec leur enfant de 2 ans. Le petit étant agité, le père sort avec lui. L’entretien se fait avec une interprète, jointe par téléphone. « Les demandes d’asile du couple ont été déboutées », explique l’interprète. En plus, le couple a reçu une lettre les prévenant qu’ils ont un mois pour quitter leur hébergement. Le seul recours qu’ils ont, c’est leur fils. Ce dernier souffre de diverses pathologies, et ses parents ont envoyé son dossier médical (constitué en France), à la Préfecture en juillet, puis à l’OFII en septembre, dans le but d’obtenir un titre de séjour étranger malade. « Attention, prévient Bernard, la loi a changé : pour faire une demande de Dasem [droit au séjour des étrangers malades] vous devez attendre trois mois après votre demande d’asile (Loi Collomb du 10 septembre 2018). Vous risquez d’attendre plusieurs mois encore ». La mère fond en larmes. Bernard tente de la rassurer : « le Tribunal Administratif a beau être restrictif, les troubles médicaux de votre enfant peuvent jouer en votre faveur ». Le couple doit revenir au local de Médecins du Monde dans deux semaines, pour évoquer la stratégie à suivre « On va faire ce qu’on peut, mais j’aimerais qu’on puisse faire plus », ajoute Bernard, la voix tremblante.

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