Un russe un peu trop inspiré au Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine


Michel Gatner

Un russe un peu trop inspiré au Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine

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Temps de lecture 3 min

Publication PUBLIÉ LE 14/02/2008 PAR Joël AUBERT

Ce sera tout un programme pour ces quatre comédiens, dont Anton Kouznetsov lui-même, qui auront un peu moins de deux heures pour en finir avec des clichés aussi abondants que le nombre de kilomètres carrés en Russie.

L’histoire d’un exil
Deux hommes et deux femmes, tous parfaitement bilingues, se présentent dans le but de nous donner une leçon de russe. En avons-nous réellement besoin ? Certainement, en tous les cas aux vues de ce qui filtre actuellement dans les médias… Anton Kousznetsov est un metteur en scène russe, originaire de Saratov, qui a dû quitter son pays quelques années auparavant, lorsqu’il a senti les portes se refermer à nouveau au début du XXIeme siècle. Après avoir passé plusieurs années à la tête du Theatre National Drama Academique de Saratov, il s’installe en France et reprend sa carrière là où il l’avait laissé, sur les planches. Aujourd’hui reconnu dans le milieu du théâtre contemporain, sa situation semble stabilisée mais l’esprit reste agité. Ecartelé entre deux pays, bousculé par ses nombreux voyages et cette double culture à appréhender, il tente de témoigner, à sa façon, de son attachement à cette terre qu’il a dû quitter et à celle qui, désormais, lui ouvre les bras.
« Le Russe sans douleur » navigue entre ces deux eaux et communique, sous forme de leçons, ce que le metteur en scène souhaite laisser comme empreinte de la Russie : un pays aux mille et une facettes, où les réalités sociales et politiques contraignent la population à vivre dans le présent ; un présent rude mais intense où chaque moment partagé mérite d’être gravé.

Un cabaret autobiographique
A défaut d’images d’épinal, Anton Kouznetsov plonge dans sa mythologie personnelle et nous livre une série de vignettes russes issues de ses souvenirs et de scènes de la Russie contemporaine. Avec un attachement infini pour les personnes qu’il dépeint, il pointe du doigt certains travers, exacerbe les comportements et s’amuse de situations quotidiennes vues par l’œil d’un étranger. Articulé autour d’une multitude de courtes séquences, le spectacle déballe, dans un fracas presque audible, les images qui envahissent la pensée du metteur en scène, à lumière du présent et des décennies passées. Un trop plein semble t’il, qui se deverse peut être trop soudainement pour que le spectateur ait le temps de faire le lien. Très vite, on comprend que les scénettes continueront à s’enchainer dans un rythme effrené, mélant les temporalités et les diverses intensités dans une cohérence non perceptible.

Si le sentiment d’autobiographie est sous-jacent, il n’en est pas moins excluant pour le spectateur lambda qui ne connaît pas les détails de la vie d’ Anton Kouznetsov. De quelle réalité ou de quelle fiction dépendent les personnages qui échangent sur le quai d’une gare ou dans une cuisine russe? Si certaines scènes paraissent évidentes, d’autres posent question sur leur origine et leur légitimité dans le déroulement de l’action. Bien sûr, on comprend qu’un pays, aussi vaste, ne puisse se résumer à quelques simples images. Pour autant, n’aurait-il pas mieux vallu faire un tri et y mettre un peu d’ordre? Perdues dans la multitude d’actions et d’évocations, se glissant entre deux tonalités radicalement opposées (le lyrisme et l’ironie…) certaines scènes clés sont dépossèdées de leur intensité, ce qui banalise la force du propos. Car, derrière le divertissement, on perçoit en filigrane une analyse de la situtation actuelle en Russie dont la pertinence naît du vécu de l’exil et de l’acuité des sentiments exprimés. Et l’on regrette de ne pas mieux entendre les propos de cet amoureux de la Russie qui semble pourtant détenir un trésor inestimable : l’art de l’anecdote. Au final, il reste tout de même un spectacle attachant et terriblement humain qui rend hommage, avec confusion mais tendresse, à ce pays déglingué et méconnu qui nous paraît si lointain.

Photo : Michel Gatner

Hélène Fiszpan


« Le russe sans douleur (méthode) » mis en scène par Anton Kouznetsov
Du 12 au 16 février 2008 au TnBA
Renseignements et location par téléphone 05 56 33 36 80 ou internet www .tnba.org




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