Tempête de 1999 : vingt ans après, où en est la centrale du Blayais ?


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Tempête de 1999 : vingt ans après, où en est la centrale du Blayais ?

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Temps de lecture 6 min

Publication PUBLIÉ LE 27/11/2019 PAR Romain Béteille

Cela fera vingt ans dans un mois. Dans la nuit du 27 au 28 décembre 1999, la tempête Martin frappait le Sud-Ouest de la France. La centrale nucléaire du Blayais, située à Braud-et-Saint-Louis, a été particulièrement touchée par l’incident climatique (provoquant une alerte de niveau 2 sur l’échelle INES, qui en compte huit) : deux lignes à haute tension la reliant au reste du réseau avaient été mises hors tension et, surtout, la forte houle sur l’estuaire avait rendu la route impraticable et provoqué l’inondation d’une partie du site (et l’arrêt de trois réacteurs), les vagues ayant franchi la digue de protection contre les eaux. Une digue qui avait déjà fait l’objet de recommandations de réhaussement, comme le révélait Le Point en 2011 en évoquant une note technique d’EDF qui préconnisait, en 1997, de la réhausser de 50 centimètres. L’affaire avait à l’époque alerté la Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement (DRIRE) , qui avait alors dénoncé les retards d’EDF sur les travaux de réhaussement, avant de déclencher une inspection et d’écrire à EDF dans une lettre que « l’inspection n’a(vait) pu que constater le décalage dans la mise en conformité de vos installations par rapport au risque d’inondation ». Depuis, du chemin semble avoir été parcouru, mais Fukushima est aussi passé par là. Ce mercredi 27 novembre, alors même que le quatrième réacteur est encore en opération de maintenance depuis le mois d’octobre, EDF et la direction de la centrale ont convoqué la presse pour donner des précisions sur les mesures supplémentaires prises par la centrale du Blayais contre le risque inondation. 

Des mesures périodiques

« Il n’y a pas eu d’impact réel sur la sûreté de nos installations, les matériels inondés en sous-sol n’étaient pas nécessaires à la gestion de l’évènement », a assuré ce matin Séverin Buresi, directeur de la centrale. Dans les faits, de nombreux travaux, espacés dans le temps et effectués périodiquement, ont tout de même été réalisés, notamment suite à plusieurs recommandations de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN). Sans les citer tous, EDF a dessiné les contours des principaux. D’abord, les 3720 mètres de digues ont bel et bien été réhaussées à 8,50 mètres (+2,50 mètres) et une protection supplémentaire en enrochements censés parer la houle mise en place devant la digue. Côté marais, l’opération de Grand Carénage, investissement de plus d’un milliard d’euros sur dix ans (entre 2020 et 2029) permettra aussi de réhausser la digue, sensiblement au même niveau que celle côté front de gironde. En 2011, la CLIN (Commission Locale d’Information Nucléaire) avaient estimé, suite à la catastrophe de Fukushima, qu’une mesure devait être prise pour remonter le niveau de la route, dont l’inondation avait empêché pendant une partie de la soirée et de la nuit l’arrivée des secours et de l’équipe de relève. Cette mesure n’a pas été effectuée par EDF, qui a semble-t-il préféré renforcer la sécurité des installations (et créé une équipe d’intervention mobile, comme nous le verrons) que rendre la route insubmersible.

centrale blayais 2019

L’un des quatre DUS (Diesel d’Ultime Secours) installé à la centrale du Blayais. Pour l’instant, un seul est en activité depuis juin.

Pour ce qui est de la protection des installations justement, les sous-sols, en partie inondés en 1999, ont été équipés de batardeaux (des cloisons étanches amovibles), « soumises à un contrôle régulier », précise Séverin Buresi. Les locaux électriques et les locaux de refroidissement des salles des machines ont été rendus étanches, des pompes d’évacuation d’eau (fixes et mobiles) installées et des grilles de protection anti-débris mises en place autour des bâtiments. Concernant le maintien de l’alimentation électrique, quatre diesels d’ultime secours (un par réacteurs) d’une autonomie de trois jours ont été construits depuis. Construits sur des plots antisysmiques et capables de résister à des conditions climatiques critiques, leur rôle est d’assurer le maintien du système de refroidissement des réacteurs. Le premier a été mis en place sur le réacteur numéro 4 en juin dernier, deux autres doivent être installés dans les prochains jours et celui du réacteur numéro 1 rentrera en service en juin 2020. Enfin, les lignes 400 000 volts, mises hors tension durant la tempête, ont été renforcées par RTE. 

La FARN en soutien

Comme l’a assuré ce mercredi le directeur de la centrale, une vigilance accrue a été accordée aux dispositifs d’alerte météorologiques. « Les niveaux de vent et d’impact avaient été moins bien évalués qu’aujourd’hui, on n’avait pas prépositionné d’équipes. Aujourd’hui, on le fait sur des critères très inférieurs à ceux de 1999 alors même que la protection des installations a été multipliée par ces différentes mesures », a notamment détaillé le responsable. Météo France assure ainsi une surveillance en temps réel 24h sur 24 tout au long de l’année, un dispositif spécifique a été élaboré pour le site concernant les alertes météo et vents violents et les équipes d’astreinte ont été formées à une « mobilisation anticipée » (entre 48 et 72 heures pour assurer le contrôle des installations). « En cas de prévision de vents à 140 km/h en rafales, on a mis en place un arrêt préventif des réacteurs pour anticiper ». Dernier point notable : la formation et les entraînements/simulations de crise pour le personnel de la centrale, qui en réalise 14 par an.

Un exercice était justement en cours depuis ce mardi et jusqu’à jeudi matin. Il a été mis en place par la FARN, la Force d’Action Rapide du Nucléaire. Elle a été mise en place le 22 avril 2011 par EDF suite au tsunami de Fukushima. Cet outil de gestion de crise, développé pour intervenir à l’échelle nationale (300 professionnels en tout) est censée être totalement opérationnelle en 24 heures pour porter assistance à une centrale isolée, par exemple par un évènement climatique d’ampleur comme celui de 1999. Ce matin, la FARN a procédé à un transport sur barge par l’estuaire jusqu’au site de la centrale. Jérôme Renaux, chef de la colonne de Civaux, précise l’objet de cet exercice de simulation. « On s’est entraîné à transporter du personnel via une barge jusqu’à la centrale dans la situation où le site serait inondé et où on n’aurait plus d’accès par la route. On est équipé de tenues étanches, on peut transporter jusqu’à 13 personnes en plus des trois déjà présentes sur la barge et du matériel (comme des pompes pour refroidir les réacteurs ou des compresseurs d’air pour la régulation des générateurs de vapeur). Ce matériel est en doublon en cas de problème sur le matériel déjà sur site ». Le vent et la houle présentes ce matin n’ont certes pas aidé les manoeuvres. Pour l’instant, la FARN n’est réellement intervenue que sur une seule opération d’envergure : l’ouragan Irma, à Saint-Martin, dans les Antilles, en 2017. Mais même si elle dispose d’équipements pour faire face à différentes situations (des hélicoptères ou des camions, en plus des barges), la FARN a ses limites. « Notre première limite, c’est la sécurité », précise Pierre Eydmond, directeur de la FARN. « Nos équipes doivent doser la limite entre les manoeuvres à effectuer et les risques encourus, c’est pour ça qu’on évalue aussi les conditions de sécurité avant d’intervenir. La sécurité des intervenants et des itinéraires est une priorité ».

centrale blayais 2019

L’équipe de la FARN en manoeuvre sur l’estuaire de la Gironde dans le cadre d’une simulation d’incident ayant isolé la centrale.

Tricastin sert de test

La centrale du Blayais n’est pas la seule à s’être dotée de nouveaux équipements contre les risques d’inondation. En septembre 2017, l’ASN avait imposé l’arrêt provisoire des quatre réacteurs de la centrale du Tricastin, dans la Drôme, craignant la rupture d’une partie de la digue du canal de Donzère-Mondragon. Quand aux mesures post-Fukushima sur le site, elles devraient coûter à EDF 250 millions d’euros et être terminées dans les prochains mois. Elles devraient notamment passer au crible l’étanchéité de l’enceinte, et servir de « mesuromètre » aux équipes du Blayais.

« Tricastin est en phase de redémarrage et de requalification des circuits. On va avoir un démonstrateur grandeur nature pour savoir si les travaux répondent bien aux engagements », précise Séverin Buresi. La prochaine visite décennale du Blayais, censée démarrer en 2022 et s’achever en 2026, devra aussi répondre à d’autres types de risques que celui des inondations. Dans un rapport annuel paru en octobre, l’ASN, tout en justifiant un bilan « satisfaisant » avait noté une hausse du nombre d’incidents pour les deux centrales de la région Nouvelle-Aquitaine. Au Blayais, sur 24 contrôles effectués en 2018, cinq incidents ont été relevés (tous de niveau 1 sur l’échelle INES), notamment une pollution au tritium de la nappe d’eau captive en raison d’un défaut d’étanchéité du plancher. Récemment, le gendarme du nucléaire a également demandé à EDF de lui remettre, d’ici au 30 juin 2020, « une étude détaillant les dispositions existantes ou envisagées permettant de prévenir les modes de défaillance des digues de protection » et « une note détaillant les hypothèses de dimensionnement » de ces digues. Le grand carénage, lui, est censé faire repartir les réacteurs pour dix ans supplémentaires. 

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